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La population japonaise poursuit sa mobilisation anti-nucléaire

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7,5 signatures pour une pétition demandant la fermeture des centrales nucléaires

Le nombre exact de manifestants est totalement secondaire. Qu’ils aient été 75 000 comme l’a déclaré la police ou 170 000 comme l’ont maintenu les organisateurs, la manifestation anti-nucléaire du 16 juillet a été la plus importante que le pays ait connue depuis des décennies. Elle montre bien d’ailleurs que l’opposition populaire à l’énergie nucléaire est toujours bien vivace, 16 mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima.

La chaleur torride n’a pas empêché une foule immense de se presser dans le parc Yoyogi pour écouter le discours d’un des plus célèbres opposant au nucléaire, le prix Nobel 1994 de littérature Kenzaburo Oe.

Ce dernier veut présenter au gouvernement une pétition de 10 millions de signatures demandant la fermeture de toutes les installations nucléaires japonaises. Elle en aurait déjà recueilli près de 7,5 millions.

Alors que la centrale d’Oi a redémarré

Mais leur objectif d’un Japon sans-nucléaire est pour le moment compromis : le mois dernier, un réacteur de la centrale d’Oi, dans l’Ouest du Japon, a été redémarré. Un autre réacteur de la région est supposé suivre la semaine prochaine.

Les 50 réacteurs nucléaires du Japon avaient été éteints dans les mois qui ont suivi la catastrophe de Fukushima, afin d’être révisés et entretenus. Ils sont actuellement testés selon de nouvelles normes avant d’être remis, ou non, en fonctionnement. Celui d’Oi est le premier.

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Malgré les sondages montrant qu’une majorité de Japonais s’oppose au redémarrage, le Premier ministre, Yoshihiko Noda, a ordonné le redémarrage du réacteur pour éviter des pénuries d’énergie dans une région qui comprend la ville industrielle d’Osaka. Pour Kenzaburo Oe,  ce redémarrage trahit la démocratie : « Le gouvernement autorise les réacteurs d’Oi à redémarrer, ce qui veut dire que d’autres vont suivre. […] Nous nous sentons insultés par le gouvernement, nous devons arrêter son plan. » a déclaré à la foule l’homme de 77 ans.

Des manifestants de tous horizons

Cette campagne anti-nucléaire a, il faut le dire, donné un nouveau souffle à la vieillissante gauche intellectuelle japonaise, qui sort peu à peu de ses jalons idéologiques traditionnels.

Parmi la foule, on compte nombre d’activistes expérimentés qui ont fait leurs premières armes au cours des manifestations contre la guerre du Vietnam ou contre le Traité de sécurité américano-japonais. Mais d’autres, bien d’autres, n’ont jamais manifesté pour une quelconque cause jusqu’à présent. Les opposants au nucléaire, qui assiègent chaque Vendredi soir la résidence officielle du Premier ministre, sont donc un groupe très disparate et hétérogène, réuni par une large cause et par les réseaux sociaux.

Pour ces « sièges », les chiffres varient là encore : le 29 juin, les manifestants s’estimaient être 150 000. La police, elle, parlait de… 17 000 personnes. Une récente enquête de l’expert Kiyoshi Kurokawa sur les causes de la catastrophe a encore relancé la dynamique, car les manifestants sont en désaccord avec la préconisation du rapport, indiquée dès la préface : pour éviter ces catastrophes à l’avenir, il faut se concentrer sur des centrales « made in Japan ».

La population dénonce la non-objectivité des experts

En effet, le rapport pointe des erreurs humaines et politiques, mettant d’ailleurs en avance les collusions coupables entre membres du gouvernement et la compagnie responsable du site, Tokyo Electric Power, et continue de parler de l’énergie nucléaire comme étant intrinsèquement sûre, ce que bien des Japonais ne croient plus, et de la considérer comme indispensable pour le pays, pauvre en ressources naturelles.

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Kenzaburo Oe a d’ailleurs remis en cause le règne des experts dès qu’il s’agit du domaine nucléaire : « Le peuple japonais avait décidé de tout laisser entre les mains des experts. Nous leur faisions confiance. […] Cet état de fait s’est poursuivi jusqu’à la fin tragique que l’on connaît. Les Japonais se considéraient comme bénéficiaires, mais ils sont maintenant les victimes de l’énergie nucléaire.»

Pour Satoshi Kamata, journaliste et co-organisateur de la manifestation, le mouvement actuel marque un changement radical dans la façon dont la pression est appliquée sur le gouvernement.

« C’est la première fois depuis longtemps que la pression vient de l’intérieur du pays, et des individus, plutôt que des syndicats et d’autres groupes. » dit-il. «Ça n’a rien à voir avec ce que l’on a pu voir avant. »

Mais les foules assemblées n’ont pour le moment pas réussi à faire céder le Premier Ministre Yoshihiko Noda. Kenzaburo Oe ironise d’ailleurs à son sujet : « Il se comporte de façon très japonaise en fait. Il veut faire comme si Fukushima n’avait jamais eu lieu et mettre tout cela derrière nous. » Pourtant, le Premier ministre ne peut pas ne pas entendre le tintamarre autour de sa maison. Le problème, c’est qu’il ne paraît pas décidé à l’écouter.

Global Post / Adaptation Charles El Meliani pour JOL Press

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