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La synergie franco-européenne face à la crise

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La grande conférence sociale lancée par le président de la République française permettra au gouvernement et aux partenaires sociaux de se pencher sur quelques sujets épineux comme la protection sociale, l’emploi et les salaires.

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Il est en effet nécessaire d’initier le dialogue social, tout en gouvernant avec rigueur, sans compromettre les fondamentaux de la gauche. « L’authenticité ne s’invente pas, elle se prouve à l’usage ». Ainsi François Mitterrand avait-il fort bien résumé cet impératif.

La consolidation du courant circulaire

Pour Keynes, l’industrie et l’activité économique remplissent une double fonction. D’une part, elles fournissent au public des produits ayant une valeur d’usage. D’autre part, elles distribuent des salaires aux familles en échange du travail des personnels ouvriers, employés et techniciens. En dépensant cet argent, les familles créent un courant circulaire, l’argent passant ainsi du producteur au consommateur, puis en boucle fermée dans le sens contraire du flux. Tant que les industriels pourront vendre tous leurs produits avec un profit raisonnable, ce processus se poursuivra de façon ininterrompue. Mais si les fuites excèdent les injections, a rappelé Ravi Batra, la demande sera inférieure à l’offre et certaines marchandises resteront invendues. L’entreprise se verra alors contrainte de réduire sa production et, par voie de conséquence, sa main-d’œuvre. En effet, pour que l’emploi augmente, les injections doivent être supérieures aux fuites. Or, celles-ci ne cessent d’empêcher la « recirculation » des revenus et tendent à maintenir la démarche à un niveau inférieur à la production. C’est grâce à une politique monétaire et fiscale appropriée, peut-on déduire, que l’intervention du gouvernement combattra efficacement le chômage.

Les contrôles des fluctuations économiques

« La philosophie moderne n’a fait que poursuivre une tâche commencée déjà par Héraclite et Aristote », avait écrit Karl Marx en 1942 dans la Gazette rhénane. Au fur et à mesure que l’inflation et le chômage sévissent, la disparité sociale, qui joue un rôle primordial dans les causes de la crise, s’amplifie à une vitesse considérable. Nicolas Kondratiev a pourtant rappelé que les moyens les plus simples et les moins pénibles pour résoudre les problèmes sociaux restent l’interventionnisme et la planche à billets. Les socialistes ont d’ailleurs obtenu des résultats tangibles en matière d’inflation, ayant fait passer le taux de plus de 14 % en 1981 à moins de 2,5 % en 1993. Ils ont aussi rétabli un commerce extérieur excédentaire, alors qu’il avait été déficitaire avant 1981. Mais c’est par la mise en œuvre de la politique de rigueur dans la gestion de la monnaie et de l’économie que le déficit social a été porté à son paroxysme et que la déception, voire la rancune des masses populaires, a incité ces dernières à voter contre les socialistes en mars 1993. Elles ont aussi manifesté leur mécontentement en 2002, lors de l’élimination de Lionel Jospin dès le premier tour de l’élection présidentielle, et sont restées indifférentes à la défaite de Ségolène Royal en 2007. Le Parti Socialiste a commis l’erreur ayant consisté à considérer l’économie comme une science rationnelle. Ainsi n’a-t-il pas fait attention à l’illusion scientiste tant dénoncée par Karl Marx. La politique s’exerce avec un objectif déterminé à court ou moyen terme, en fonction de la croissance dont la logique ne suit pas des lois immuables et prédéterminées. Il s’agit au contraire de surfer à travers la logique de l’évolution cyclique de la conjoncture, de la récession et de la crise. L’objectif consiste à faire face aux périodes de croissance, dont il faut tirer parti avec souplesse en les accompagnant pour mieux contrôler les fluctuations économiques. Ne dit-on pas que gouverner, c’est prévoir ? En tout cas, la connaissance des phénomènes cycliques permet de manœuvrer à bon escient et de trouver les solutions au chômage ainsi qu’à la chute de l’activité économique en période de récession.

Le recyclage des actifs financiers et quelques mesures inévitables

La politique de taux d’intérêts élevés n’est pas susceptible d’empêcher la crise, car elle entrave la reprise de l’action économique. Ainsi est-il nécessaire de recycler les actifs financiers dans le circuit, par le jeu d’impôt sur le capital remplaçant l’ISF. Il suffira de taxer les actifs financiers, suivant une échelle progressive par rapport au niveau de fortune. Il faudra y ajouter la taxation des mouvements de capitaux et drainer l’épargne afin de la recycler, par exemple, par l’emprunt relatif aux grands travaux. Une réforme de fond, s’agissant de la lutte contre l’excès de concentration des richesses, doit porter sur l’impôt sur les successions. Celui-ci, qui est trop lourd pour les petits et moyens héritages, permet aux très grandes fortunes d’être transmises aisément à un ou deux héritiers, d’autant plus que le niveau de fortune considéré est élevé. Par ailleurs, le budget annuel de l’État est fixé par la Loi de finances, préparé par le gouvernement et voté par le Parlement. Une politique à courte vue reprend le budget précédent et lui apporte les corrections nécessitées par la conjoncture en cours. Il y a donc lieu de corriger l’équilibrage du budget de l’État, à moyen et long terme, de façon à tenir compte des cycles économiques à venir. Cependant, les limites d’un dépassement budgétaire devront rester inférieures à 3 % conformément au Traité européen de Maastricht. Aujourd’hui, chaque entreprise, à partir de 10 salariés, doit faire élire un comité d’entreprise. Ce nombre doit être réduit à 6, car la plupart des artisans importants adoptent désormais le statut de société. Il faut réglementer le rôle des comités d’entreprise et comités d’établissements pour leur confier une mission qui ne soit pas seulement sociale. Parmi leurs fonctions pourraient figurer la gestion du personnel et le contrôle des licenciements, au besoin l’appel à l’inspection du travail.

La reprise de la croissance européenne

Il est impératif de juguler la recrudescence de l’inflation, dans une période où le chômage reste important. Ainsi faudra-t-il une reprise forte de la croissance en Europe, maintenant que l’usage de l’euro est généralisé. Mais il faudra éviter que cette monnaie ne dégénère en hausse généralisée des prix. À cet égard, la politique anti-inflationniste menée par les socialistes sous les septennats de François Mitterrand, poursuivie par ses adversaires et reprise par Lionel Jospin, doit rester une référence – les thèses de quelques économistes partisans d’un peu d’inflation étant illusoires. La sortie de crise ne sera pas le fait d’initiatives solitaires. Il faudra a contrario mener des politiques communes : soit de façon généralisée dans le cadre de l’Union européenne, soit par contrat entre deux États ou plus, soit de manière implicite. Il est évident que les grands programmes d’investissements européens pourront être à la fois communautaires, même si une grande partie peut résulter d’initiatives nationales. Une telle politique de croissance par l’intervention du gouvernement de l’Union européenne est possible. Elle est aussi urgente et doit être mise en place au plus tôt. On peut donc combattre avec efficacité la crise et éviter à la France ainsi qu’à l’Europe les contrecoups de l’effondrement économique. Mais encore faut-il qu’une volonté réelle – celle du gouvernement de la gauche, en France, et des autres gouvernements d’Europe ainsi que des entreprises – existe et agisse dans le même sens.

 

Documentation

Un nouvel élan socialiste – Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Édlition L’Harmattan, Paris, 2005 ;

Socialisme, un combat permanent – Tom 1 – Naissance et réalité du socialiste – Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Les Éditions de l’Égrégore, Paris, 2008 ;

La réforme du système monétaire international ;

La « mission » historiques des socialistes ;

Pour la maîtrise de l’économie sociale en France.

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