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Le pétrole fait des ravages dans le Delta du Niger

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Une espérance de vie en baisse

Quand il était petit, Tonye Emmanuel Isenah a vu des hommes dans le Delta du Niger qui avaient 70 ou 80 ans. Mais de nos jours, dit-il, personne ne vit aussi longtemps.

Isenah est désormais le vice-président de l’assemblée de l’Etat de Bayelsa, dans la région du Delta du Niger, une zone aux ressources pétrolifères considérables – une terre qui, pendant des années, a souffert de fuites pétrolières dévastatrices. Les experts disent que les fuites de pétrole annuelles sont comparables à la marée noire de l’Exxon Valdez en 1989. Et la dégradation de l’environnement atteint la population qui contracte des maladies mortelles. En conséquence, l’espérance de vie ne cesse de diminuer.

« A 45 ans, les gens commencent à avoir des attaques cérébrales, » dit-il. « Avant je voyais des gens qui vivaient jusqu’à l’âge de 70 ans et plus encore. »

L’espérance de vie au Nigeria est désormais autour de 50 ans, presque 20 ans de moins que la moyenne mondiale. Pour Isenah, dans le Delta du Niger, l’espérance de vie est encore plus courte. L’affirmation d’Isenah selon laquelle la pollution au Delta du Niger affaiblit les gens est aussi perceptible par n’importe quel observateur qui peut constater que le pétrole recouvre les racines des mangroves dans les baies.

Un pays rentier dépendant de ses exportations pétrolières

Le Nigeria est le plus grand producteur de pétrole d’Afrique, exportant environ 2,5 millions de barils de pétrole par jour, la quasi-totalité provenant du Delta du Niger. C’est le cinquième plus grand fournisseur des Etats-Unis et les revenus des ventes de pétrole brut représentent 80% du revenu national du Nigeria, et la quasi-totalité de ses revenus en devises étrangères.

Mais, à entendre la population locale, le pétrole ne leur a apporté rien d’autre que des souffrances et les choses vont de mal en pis. L’année dernière, Royal Dutch Shell au Nigeria, la plus grande compagnie pétrolière du pays, a effectué deux fois plus de rejets pétroliers que l’année précédente, avec 6000 tonnes de pétrole jetées dans le delta en raison d’échecs opérationnels – une hausse de 2900 tonnes par rapport à l’année précédente. Sans compter les rejets des autres compagnies pétrolières majeures, telles que Chevron, Exxon-Mobile et Total, ou des vols de pétrole et autre raffineries illégales.

Humains, faune et flore… tous victimes

Le pétrole flotte sur les eaux du delta, tuant et contaminant plantes et animaux, dans l’une des régions avec le plus de biodiversité d’Afrique. Aux bords des criques, des villages de pêche couverts de boue sont infectés du pétrole qui repeint les côtes. Les villageois disent qu’ils boivent et se lavent dans les eaux contaminées et, en conséquence, les enfants meurent de maladies.

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La pollution et le manque d’attention face à cela nourrit la colère grimpante chez la population du Delta du Niger. Les rebelles militants se plaignent que leurs revendications n’aient pas été entendues depuis l’accord d’amnistie de 2009 et certains menacent de combattre à nouveau le gouvernement s’il ne nettoie pas l’endroit et ne permet pas aux gens de vivre en sécurité.

L’année dernière, le Programme de l’Environnement des Nations Unies a conduit une étude sur les fuites pétrolières dans le Delta du Niger et a établi que certaines zones du delta étaient 900 fois plus infectées de carcinogènes que ce qu’il faudrait pour que l’eau soit sécuritaire. Avec presque aucun hôpital dans les criques et des canoës de bois comme moyen de transport courant, les parents disent que les enfants malades meurent avant même de pouvoir être traité.  

La pêche, activité principale de la région, en pâtit

Comme le reste de sa famille, Decent Victor pêche pour gagner sa vie et sèche les poissons avant de les vendre. Elle dit qu’il lui faut cinq ou six heures, le temps de pagayer jusqu’à l’hôpital le plus proche.

« Si tu vois un enfant de 10 ans tomber malade, tu le portes jusqu’à l’hôpital, » a-t-elle dit. « Mais avant même d’arriver à Warri, l’enfant meurt. »

La pêche est presque la seule activité économique pour beaucoup de villages du Delta du Niger, et les locaux disent qu’ils attrapent maintenant six à huit fois moins de poissons qu’il y a quelques années – à peine de quoi vendre. Les représentants et compagnies pétrolières ne nient pas que les gens souffrent de l’activité pétrolière dans leurs terres, mais ils restent élusifs quant à la responsabilité de nettoyer. Les représentants disent qu’ils sont en train d’entreprendre des études et vont demander aux compagnies de compenser les gens dans les villages dévastés par les fuites, s’ils peuvent prouver que le pétrole dans le village provenait de la compagnie en question.

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Les compagnies pétrolières n’assument pas leur responsabilité

Une semaine ne se passe pas sans que soit rapporté une nouvelle fuite pétrolière, a dit le président de l’Agence Nationale de Détection et d’Intervention pour les Fuites Pétrolières, Benjamin Olubunmi Akindele. Il déplore que son bureau n’ait pas les moyens ou le mandat nécessaire pour toutes les nettoyer.

« C’est juste le travail du pollueur de nettoyer les fuites, pas celui de l’agence, » dit-il. Les compagnies pétrolières, cependant, mettent la faute sur le gouvernement, prétextant que l’insécurité dans la région rend le nettoyage difficile.

Les compagnies portent aussi l’attention sur les attaques sur leurs oléoducs par des voleurs locaux, qui seraient aussi responsables des fuites de pétrole. Shell dit que plus de 75% de toutes les fuites pétrolières dans le delta entre 2006 et 2010 étaient causées par de la raffinerie et du sabotage illégaux.

Avec une eau et de l’air contaminés, la seule solution : émigrer

Les chefs de village disent que, comme si les dangers de l’eau ne suffisaient pas, l’air devient de plus en plus dangereux à respirer. L’ignition de gaz – un procédé par lequel le gaz naturel associé à l’extraction de pétrole brut brûle – a été déclaré illégale par beaucoup d’avocats nigériens pendant des années, mais les feux continuent à brûler tous les jours et toutes les nuits.

Les compagnies pétrolières disent qu’elles travaillent à la réduction de l’ignition constante, Shell rapportant une réduction de 60% ces 9 dernières années. La compagnie a dit être en train de mettre en place un programme de 5 milliards de dollars pour réduire l’ignition et rassembler plus de gaz naturel pour l’éviter.

Felix Fawei, un leader d’une communauté, a affirmé que les fumées des ignitions contaminent les locaux, en en forçant beaucoup à émigrer des villages vers les villes. « Parfois on aura l’impression que l’eau est très claire même si la zone est très sombre, » dit-il. « C’est un environnement où il ne fait vraiment pas bon vivre. »

GlobalPost / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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