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Les Allemands en recherche de travailleurs qualifiés

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Un problème que certains rêveraient d’avoir

Voilà un problème que de nombreux pays européens aimeraient avoir.
L’Allemagne, qui est la locomotive économique de l’Europe souffre d’un manque de personnel qualifié. Depuis deux décennies, le pays affiche le taux de chômage le plus bas d’Europe, et les entreprises n’arrivent plus à trouver des travailleurs hautement qualifiés.

Dans un monde où des millions de gens talentueux sont désespérément inactifs, une pénurie de travailleurs qualifiés menace la performance économique de l’Allemagne. A vrai dire, Frank Jurgen Weise, le chef de l’Office du travail en Allemagne a récemment averti que la pénurie de compétence pourrait entraver l’économie allemande. Plus encore que la crise de la dette.

Une préoccupation qui pourrait entraver l’économie

Selon la Chambre de Commerce Allemande (DIHK), c’est une des plus grandes préoccupations des entreprises à l’heure actuelle. « Chaque société que nous avons interrogée a déclaré que cette pénurie de compétences représentait un vrai risque pour leur fonctionnement dans les douze mois à venir » explique Stefan Hardege, chef de l’unité du marché du travail de la DIHK.

De nombreux secteurs sont touchés, mais les entreprises qui s’appuient sur l’ingénierie et d’autres compétences techniques, qui représentent le noyau de l’exportation économique allemande, sont particulièrement mises à mal.

Un problème qui coûte déjà une petite fortune. Il manquait environ 92 000 postes d’ingénieurs l’an dernier. Ce qui a conduit à une perte estimée à 8 milliards d’euros, d’après l’Institut pour la recherche économique de Cologne et l’Association du Génie allemand (VDI).
Cette dernière explique qu’en mars 2012, il y avait 110 400 emplois non pourvus dans l’ingénierie, soit une augmentation de 26% sur le même mois l’an dernier. Les Etats de la Bavière, du Bade-Wurtemberg et de la Rhénanie du Nord Westphalie ont été particulièrement touchés. Pendant ce temps, il y a actuellement 38.000 postes à pourvoir dans les Télécom, selon l’association industrielle BITKOM.

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Les causes de la pénurie

Cette pénurie est due à plusieurs causes. Dans un premier temps, les changements démographiques, mais aussi une incapacité à éduquer les jeunes afin de répondre aux manques de l’industrie. On remarque aussi de nombreux obstacles à la participation des femmes dans la population active, ainsi que des difficultés d’intégration pour les travailleurs étrangers qualifiés.

Les cadres s’inquiètent du fait que le problème ne va faire qu’empirer dans les prochaines décennies. En effet, l’Allemagne possède l’un des plus faibles taux de natalité en Europe. Au cours des 50 prochaines années, la population actuelle, estimée à 82 millions, devrait diminuer de 17 millions de personnes. En 2025, l’Allemagne fera face à une pénurie d’environ trois millions de travailleurs, prédit Jurgen-Weise, de l’Office du Travail.
L’industrie se plaint de cette tendance depuis des années, et les politiciens commencent à en avoir conscience.

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Angela Merkel, à la recherche de travailleurs européens

Au début du mois de juin dernier, la chancelière Angela Merkel a rassemblé les ministres, les grands industriels et les représentants syndicaux dans le château de Meseberg près de Berlin pour un Sommet afin de trouver des solutions. C’était d’ailleurs le troisième Sommet de ce genre qu’elle dirigeait depuis ses différents mandats.

Après la réunion, la chancelière allemande a annoncé que la création d’un marché européen du travail serait un choix judicieux. Elle a souligné que tandis que l’Allemagne cherchait des travailleurs, de nombreux autres pays souffraient d’un chômage élevé.

Elle a également déclaré que le système éducatif devait être amélioré pour les jeunes issus de l’immigration, et que davantage  d’efforts devraient être fournis pour améliorer la flexibilité du travail des femmes (afin de combiner famille et carrière). Actuellement, seulement 11% des ingénieurs sont des femmes. Et si plus de jeunes femmes se mettent à suivre des cours techniques dans les universités, ce chiffre reste très éloigné de celui des garçons.

Michael Sommer, le chef de la Confédération des Syndicats allemands, a lui aussi demandé la mise en place d’une meilleure formation, en expliquant que 1,5 millions de jeunes n’avaient pas les qualifications adéquates. « Les plaintes des employeurs et du gouvernement au sujet de la pénurie de compétences ne sont pas recevables tant qu’ils ne font pas plus pour l’emploi et la formation continue des jeunes, des femmes, des immigrés et des personnes âgées » a-t-il dit.

De jeunes allemands sans diplômes

Deux tiers des entreprises disent que les jeunes terminent leurs études sans qualifications de base, selon Stefan Hardege, du DIHK. Mais il y a surtout un manque de diplômés dans les hautes technologies. Le VDI estime qu’il y a un besoin annuel de 80.000 nouveaux ingénieurs, mais seulement 50.000 environ sont actuellement diplômés des universités.
L’Allemagne propose de nombreux programmes visant à encourager les jeunes à étudier les mathématiques, la science et d’autres matières à l’université, mais le taux de décrochage est d’environ 50%.

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Les représentants de l’industrie allemande veulent donc attirer davantage de travailleurs qualifiés venant de l’étranger. De nombreuses mesures viennent actuellement remplacer le système d’immigration dépassé du pays. L’année dernière, l’Allemagne a ouvert l’immigration en provenance des pays orientaux, où le gouvernement avait d’abord hésité. Le pays s’est donc démarqué des Britanniques ou de l’Irlande qui utilisent des travailleurs de l’Est, en particulier polonais.

Faciliter l’arrivée des diplômés étrangers

Le ministère de l’Education a également facilité la reconnaissance des qualifications étrangères. Une décision qui bénéficie aux étudiants étrangers, mais aussi aux milliers d’immigrés vivant en Allemagne depuis des années, et qui n’étaient pas en mesure de pratiquer des professions pour lesquelles ils avaient pourtant été formés.
Le gouvernement lance d’ailleurs une campagne d’information visant à attirer des talents à la fois en Allemagne mais aussi à l’étranger. Alors que le site fachkräfteoffensive.de fournit des informations aux entreprises et aux travailleurs allemands,  le site make-it-in-Germany.com vise les étrangers hautement qualifiés, et leur propose des informations et des offres d’emplois dans le pays.

Lors d’un récent lancement de campagne, le ministre du Travail Ursula von der Leyen a évoqué le souci auxquel les industries font face. « Il y a du travail ici qui ne se fait pas. Il y a des commandes ici qui pourraient être honorées » a t-elle dit. Le ministre de l’Economie Phillip Rosler, dont le ministère est également impliqué dans la campagne, a averti que la pénurie « imminente » de compétences pourrait être « un frein à la croissance de l’Allemagne ». Il a ajouté qu’il aimerait voir plus de travailleurs qualifiés en provenance du pays.
« Nous allons commencer de grandes campagnes publicitaires dans les Etats européens voisins comme l’Espagne, l’Italie et le Portugal, où le chômage est élevé » a t-il ajouté. En effet, la migration de ces pays a déjà commencé à augmenter, en raison de l’attrait économique de l’Allemagne.

L’Allemagne doit faire sa pub

Pourtant Stefan Hardege explique qu’il faut faire plus. « Le fait que l’Allemagne propose du travail aux diplômés étrangers, qu’une possibilité de migrer existe, et qu’elle est désormais moins bureaucratique qu’avant, n’est pas encore ancré partout. Il faut que cela soit communiqué de manière active »
De nombreux représentants de l’industrie souhaitent également voir la mise en place d’un système de points, comme en Australie et au Canada. Des points, selon lesquels les immigrants sont sélectionnés, et qui correspondent à des lacunes dans le marché du travail allemand. « Un système de points serait certainement le moyen le plus simple et la plus efficace, car il est plus flexible et moins bureaucratique » fait valoir Stefan Harlege« Il permettrait aux travailleurs de l’étranger d’avoir un aperçu : puis-je venir ou pas ? Quelles sont les qualifications dont le pays a besoin ? En outre, au niveau national, nous serions dans une position plus confortable pour diriger l’immigration fondée sur les besoins du marché du travail. »

Pourtant, une partie des politiciens allemands semblent réticents à cette dernière idée. Après le sommet, Angela Merkel a déclaré qu’il n’y avait pas besoin d’un tel système, étant donné le « bassin de main-d’œuvre » dans l’Union Européenne. « Nous possédons la liberté de mouvement dans 27 pays. Toutes les personnes cherchant du travail peuvent venir vers nous. »

Global Post / Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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