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L’Université française va-t-elle plonger dans le 2.0?

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Rentré de son escapade lyonnaise aux 7èmes Journées du e-learning. Jean-Michel Billaut s’interroge : l’Université française va-t-elle basculer dans le 2.0 ? On serait tenté de le croire. En tout cas, il s’en passe des choses dans les Facultés de Droit, notamment dans celle de Lyon 3.

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C’est bien connu, le Droit conduit à tout. Pourquoi pas aussi au 2.0 ?

Je ne vais pas vous faire un compte-rendu détaillé de ces deux journées très riches en exposés et rencontres, d’autant que plusieurs intervenants ont accepté le principe d’une e-interview pour le billautshow. Interviews qui seront réalisées dans les prochains jours et publiées sur mon blog. Notamment avec Jean Michel Fourgous, ex-député, maire d’Elancourt dans les Yvelines et auteur de deux rapports sur le e-learning, Gérald Delabre pour la Faculté de Droit Virtuelle (vous avez bien lu !) et co-organisateur des Journées du e-learning, Sophie Touzé pour l’open education (impressionnant ce qui se passe dans ce secteur), etc. 

J’ai quitté l’Université Française il y a bien longtemps. Je me disais que depuis le temps, elle n’avait pas dû beaucoup changer, malgré le maelström numérique qui a saisi la société française.

Et bien je me trompais. En fait l’Université et ses professeurs (je ne sais pas trop combien il y en a en France) sont devant un bac à sable 2.0. Cette vieille dame qu’elle est, se doute qu’elle va devoir se débarrasser de son lourd cotillon brodé au cours des âges, pour aller folâtrer et faire des pâtés 2.0. Certains de ses honorables membres s’y plongent avec délectation. D’autres, probablement le plus gros des troupes se demandent encore si c’est du lard ou du cochon. Et puis naturellement, il y a des irréductibles.

Armée hétéroclite donc, qui s’approche des rives de l’économie numérique et de son administration.

Quelques phrases « cultes » qu’il est bon d’avoir en tête

1 – Un cours de physique à Shanghai, ou à Boston, (ou à Villiers le Mahieu) est le même (dixit Jean Michel Fourgous). Aurons-nous un système éducatif mondial ? Qui ne sera pas le fait des élites locales étatiques, mais de gens qui feront émerger la chose par la base ? Les systèmes éducatifs locaux se feront-ils « disrupter » ?

2 – Avez-vous déjà demandé à un agent comptable de l’Etat Français la possibilité de financer une île virtuelle dans Second Life pour y bâtir (à l’identique) le bâtiment de l’Université de Droit de Lyon, de son Palais de Justice ? Non ? C’est pourtant une expérience qui vaut la peine d’être vécue (dixit Gérald Delabre).

3 – On en marre du copyright de l’économie 1.0 ! Nous les profs, qui voulons nous mettre au e-learning, on ne peut rien reprendre dans nos « cours virtuels » sous peine de se faire allumer par les majors du 1.0 (entendez par là les industriels culturels de l’édition de livres scolaires/universitaires). Résultat pour y pallier : l’open éducation se met en place – là aussi phénomène souterrain, qui semble pour l’instant sous le radar des élites 1.0.

4 – Nous les profs : il faudrait nous former à tout cela ! Comment voulez-vous que nous nous y mettions, si nous ne sommes pas formés ? Réponse d’un intervenant : « Faites-vous former par vos étudiants » – Réponse d’un autre : « Non, les étudiants ont une utilisation superficielle du 2.0 » – Remarque d’un autre : « Quand on demande à se faire former, c’est que l’on n’a pas trop envie de s’y mettre ». A chacun d’apprécier ces différentes allégations.

5 – Microsoft : l’Education Nationale française n’utilisera pas votre cloud ! Un seul point noir dans ces deux journées : l’atelier cloud. Où l’on a très peu parlé de cloud. Atos est venu nous vendre Bluewiki (qui n’est pas du cloud à mon sens), Microsoft est venu nous vendre un bout de son cloud (?), une autre société est venue nous vendre avec grande assurance, un truc que je n’ai pas très bien compris. Et c’est là où un participant a sorti cette phrase devenue célèbre : « Nous n’utiliserons pas votre cloud, à cause du Patriot Act américain ». Le gars de MS est reparti la queue entre les jambes. Il est vrai que nous allons avoir un cloud souverain gaulois dénommé Andromède (en espérant que cela ne soit pas encore un « plan calcul » où là, on voulait singer IBM). Par ailleurs, il me semble que les Gaulois, dont vous connaissez certainement leur proverbial principe de précaution, reviendront un de ces jours sur leur position. Il faut leur laisser un peu de temps. C’est comme la carte bancaire que personne ne voulait transmettre sur les sites de commerces électroniques au tout début du commerce électronique, et qui maintenant. 

Etc.

Ce qui m’a « soufflé et esbaudi » dans ces journées… 

1 – Il y a donc une Faculté de Droit Virtuelle. (Vous le saviez ?) Avec même un e-campus dans Second Life ! Où une avocate canadienne spécialiste du droit canadien des affaires y dispense par le truchement de son avatar, des cours donnant lieu à la délivrance d’un diplôme ! Dingue non ?

Pourquoi n’y aura-t-il pas aussi des cours du droit des affaires chinois, etc. ? Qui pourraient être suivies non seulement par les étudiants du campus de Lyon, mais aussi par ceux d’autres campus de France et de Navarre ? Et même par des non étudiants qui seraient intéressés ? A quand l’avatar de Maître Alain Bensoussan célèbre avocat parisien sur le droit des télécoms, dispensant son savoir dans le monde virtuel ? De plus Maître Alain, qui a loupé sa vocation (il aurait dû faire du théâtre) aura un avatar avec effets de manches garantis.

2 – Toutes les séances de ces deux journées ont été filmées, et même les keynotes ont été streamées. Il y a eu aussi des interviews que vous trouverez ici dont la miene). Il y a un #JELyon avec un flux de twitts conséquent et de bonne facture, une plateforme de prises de notes collaboratives. Lyon 3 dispose d’un département vidéo de très haut de gamme avec des gens compétents. Bref, Lyon 3 pourrait en remontrer aux organisateurs de conférences traditionnelles, aux associations professionnelles du numérique, qui pour la plupart ne pensent même pas à streamer, alors qu’ils traitent de 2.0. Ils vivent en circuit fermé, entre eux.

3/ Lyon 3 dispose aussi de ressources dans le domaine des mondes virtuels. Jean Paul Moiraud, l’un des seuls spécialistes français de la pédagogie en monde virtuel, ne fait certes pas partie du corps enseignant universitaire (il n’a pas l’air de le regretter- il est professeur dans un lycée). Mais l’Université a en son sein un très bon spécialiste des mondes virtuels à ce qu’il m’a semblé : Mr Merlin qui se débat comme un beau diable avec son service informatique 1.0 pour avoir les accès nécessaires. J’ai entendu dire que pour bénéficier d’un accès libre, une prof d’anglais allait avec ses étudiants au McDo du coin pour suivre dans Second Life des cours adhoc. McDo : annexe de l’Université Française ?

A part cela permettez-moi d’évoquer quelques élucubrations dominicales

1 – Il est probable que dans les autres universités françaises il se passe des tas de e-choses (je n’ai pas pu assister par exemple à l’atelier de présentation du réseau social de l’Université de Bourgogne : UB-Link). Il me semble qu’il serait très utile de recenser à intervalle très régulier qui fait quoi, de façon à ne pas réinventer la roue. Non seulement dans le Droit, mais aussi dans tous les autres domaines (sciences, médecine, littérature, histoire/géo, etc.) On devrait probablement trouver au Ministère de l’Education ou de l’Enseignement Supérieur un(e) énarque de bonne facture pour faire éditer une lettre d’information on line ? (d’après ce que j’ai compris il y en a une, qui devait venir à Lyon, mais qui a annulé au dernier moment. C’est à cela que l’on reconnaît les gens importants en France, qu’ils soient de droite ou de gauche).

2/ Allons plus loin. Le monde du 2.0 français a ses colloques. Le web par exemple des époux Lemeur. Pourquoi les Universitaires n’ont pas eux aussi leur grand colloque 2.0 ? J’ai évoqué avec un représentant de la belle élite universitaire française la chose à Lyon. Il m’a répondu que l’Education Nationale n’était pas capitaliste comme ces petit-jeunes qui, bon, cela étant, à ce que j’ai aussi compris, c’est que le monde universitaire n’est pas une grande famille. Il y a plein de silos, dont les chefs se chipotent dans les coins à coups de barre à mine. C’est un peu comme dans la Santé, la Justice, la Grande Administration. Donc, rassembler tout ce petit monde doit relever des travaux d’Hercule. Mais l’équipe de Lyon 3 devrait y arriver. Avec un financement de la Région ? Du Département ? D’entreprises privées ?

3/ On a aussi évoqué « la disruption » des systèmes locaux éducatifs. Non seulement les Universités traditionnelles du monde entier s’y mettent et diffusent à qui mieux mieux leurs savoirs (je suis, en ce qui me concerne, les programmes multimédia de génétique de l’Université de Salt City : learn genetic). Comme dit Jean Michel Fourgous, une cours de physique est le même partout – donc on n’en a pas besoin de 36. Non seulement les Universités traditionnelles essayent de placer leurs pions dans ce monde nouveau du 2.0, mais qui plus est, de nouveaux intervenants pointent leur nez. Certains éditent sur tablettes des formations diverses à des coûts très très faibles, d’autres proposent des plateformes de réalisation de « livres interactifs » (iBooks Author d’Apple, Inkling, etc.). Bref, cela va être un e-fouillis incroyable. Ce qui est à mon sens une très bonne chose. La question qui se pose : quelle sera la place de la France dans ce e-micmac ? Avons-nous à haut niveau une quelconque stratégie ? En faut-il une d’ailleurs ?

4/ On a aussi évoqué le « très haut débit » avec la mise en place d’un réseau de télécommunications fibre sur tout le territoire français. Jean Paul Moiraud : Il me paraît évident que sans réseaux fibre, les mondes virtuels qui nécessitent beaucoup de débit pour une utilisation fluide, vont rester cantonner chez les spécialistes et les geeks. Et pourtant ces mondes virtuels peuvent apporter beaucoup pour mettre en œuvre une pédagogie augmentée. On a en effet beaucoup parlé de simulation en 3D interactive. Car le e-learning, ce n’est pas du PDF ! Qu’on se le dise ! Expliquez les principes physiques d’un moteur à explosion, est beaucoup plus engageante pour l’élève avec du 3D interactif. Surtout s’il peut comme dans une salle de TP 1.0, modifier les différents facteurs et en voir de suite les réactions. L’éducation devient un jeu. Mais pour cela il faut des réseaux de télécommunications costauds. Et là, nos professeurs les plus évolués pourront faire ces applications. On ne les fera pas s’il n’y a pas de très haut débit. Le Gouvernement actuel va devoir choisir. Soit il obéit aux lobbies des opérateurs de télécoms 1.0, soit il décide de lever les freins pour étendre la fibre partout, comme nos aïeux l’ont fait pour l’électricité. Et là, la France aura un bel avenir dans l’économie numérique mondiale. Sarkozy avait choisi son camp. Hollande ?

Universitaires de France : l’avenir vous appartient.. faites-en bon usage… et préparer nos chéres têtes blondes à apprendre (et surtout entreprendre) tout au long de leur vie…

Les prochaines journées du e-learning, les 8èmes donc, sont fixées les 27 et 28 juin 2013. Qu’on se le dise. 

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