Site icon La Revue Internationale

Politique agricole commune: 50 ans de crise de croissance

debat-pac.jpgdebat-pac.jpg

[image:1,l]La crise de la zone euro laisse planer la menace d’un échec de la monnaie unique, la plus ambitieuse et la plus emblématique des initiatives d’intégration européennes. Mais, en cet été de tous les dangers, il est une autre politique communautaire qui célèbre pour sa part, bon an, mal an, ses 50 ans : c’est le 1er août 1962 que sont entrés en vigueur les premiers dispositifs de la Politique agricole commune, tels que définis par le Traité de Rome du 25 mars 1957. Critiques, coûts et appels à la réforme, la PAC, qui représente environ 40% du budget de l’Union européenne, a fait de l’agriculture, le secteur économique dans lequel l’intégration communautaire est la plus poussée et de l’Europe, une authentique puissance agricole.

Des objectifs fondateurs largement atteints : sécurité alimentaire et modernisation des agricultures

Figurant dès 1957 dans le Traité de Rome, sur l’insistance des autorités françaises, la Politique agricole commune (PAC) n’a été véritablement mise en place qu’à l’été 1962 et elle reflète, à cette époque, la nécessité d’augmenter la production alimentaire dans une Europe encore marquée par des années de guerre. Très rapidement, elle atteint son principal objectif : garantir l’autosuffisance alimentaire de la Communauté.  

Sur ces points, la PAC qui repose sur une triple solidarité – solidarité financière entre Etats membres, préférence communautaire et solidarité de la Communauté envers les agriculteurs – n’a que trop réussi. Elle a en effet permis d’augmenter très significativement le niveau de la production agricole en Europe grâce à la mise en place d’outils garantissant le revenu des agriculteurs, accompagnant l’exode rural et favorisant la modernisation des exploitations.

Années 70 et 80 : la PAC, victime de son succès

La Communauté économique européenne – prélude à l’Union européenne – est devenue une véritable puissance agricole mondiale, concurrençant les Etats-Unis en termes d’exportation comme d’importation de denrées agroalimentaires. Elle est cependant confrontée rapidement à de nouvelles difficultés.

Des excédents apparaissent dans plusieurs secteurs – lait, vin, céréales, viande bovine -, que le marché n’absorbe plus et dont le stockage – voire la destruction – pèse de plus en plus lourd dans le budget communautaire. La Communauté tente alors de maîtriser, voire de réduire la production, en mettant notamment en place des quotas laitiers en 1984.

Pour écouler ces excédents, la Communauté a recours aux exportations. Elle subventionne alors les producteurs européens pour que ceux-ci vendent leurs produits à moindre coût à l’étranger – les produits européens étant plus chers que les produits mondiaux. Ces subventions valent toujours à l’Europe de nombreuses critiques, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le modèle productiviste encouragé par la PAC a un coût environnemental croissant : pollution des eaux, épuisement des sols… Par ailleurs, plusieurs Etats membres, notamment le Royaume-Uni, remettent en cause l’importance du budget accordé à la PAC. « I want my money back, »- « Je veux qu’on me rende mon argent » – s’était écrié le Premier ministre Margaret Thatcher. Un rabais, appelé « chèque britannique », lui avait été accordé en 1984. Il s’élève actuellement à environ 3 milliards d’euros par an, contre 6 milliards d’euros au début.

La « Dame de fer » avait justifié cette remise en faisant valoir qu’une grande proportion du budget européen – à l’époque les trois quarts environ – était consacrée à la PAC. Or, le Royaume-Uni est moins bénéficiaire de cette politique que d’autres Etats comme la France par exemple. Margaret Thatcher avait aussi argué que son pays était moins riche que l’Allemagne ou la France.

La réforme de 1992, un changement radical

Ces réformes successives visent à garantir une agriculture européenne compétitive, plus respectueuse de l’environnement, capable de maintenir la vitalité du monde rural et de répondre aux exigences des consommateurs en matière de bien-être animal, de qualité et de sécurité des denrées alimentaires.

La réforme de 1992 a marqué, par rapport à l’évolution qu’avait connue la PAC durant trente ans, une double rupture, une rupture entre la politique de gestion des marchés et celle de revenus des agriculteurs – puisque désormais une part importante du revenu est assuré moins par les prix payés par le consommateur, et davantage par des aides directes payées par le contribuable – ainsi qu’une rupture par la recherche d’une convergence entre agriculture, environnement et territoire

L’Agenda 2000 dans le contexte de l’ouverture à l’est

À la fin des années 90, la perspective de l’élargissement de l’UE vers l’Est faisait craindre que l’adoption de la PAC par les nouveaux membres ne se traduise par le retour des excédents et par une explosion des dépenses agricoles. Dans ce contexte, l’Union fait de la stabilisation budgétaire une priorité pour la PAC. 

La réforme adoptée lors du Conseil européen de Berlin en 1999 prévoit un nouvel  alignement des prix internes sur les prix mondiaux, partiellement compensé ici par des aides directes aux producteurs.

Les Accords de Luxembourg en 2003 : une nouvelle PAC

Pour se mettre en conformité avec les prescriptions de l’OMC, la nouvelle PAC introduit le découplage des aides. C’est-à-dire que les primes perçues ne sont plus liées aux productions de l’exploitation, mais à une référence historique – calculée en faisant la moyenne des primes perçues sur 3 années de référence. Cette réforme prévoit également la diminution progressive des restitutions à l’exportation. Enfin, cette nouvelle PAC introduit la notion de conditionnalité –les aides découplées sont versées à la condition que l’agriculteur respecte les bonnes conditions agricoles et environnementales (voir plus bas) ainsi que le bien-être animal.

Les principales critiques à l’encontre de la PAC

Les critiques de la PAC concernent en particulier les productions qui sont soutenues – céréales, oléagineux, lait, viande -, comparativement à d’autres qui le sont très peu, comme la viticulture. Le soutien, quand il existe, est d’amplitude variable suivant la région. Cela a conduit à une concentration et à une spécialisation des exploitations agricoles, notamment en France.

Il y a donc quantité d’éléments entre lesquels il faut arbitrer, et la lutte politique est vive pour faire pencher la balance dans un sens favorable à l’intervenant. La masse financière consacrée est assez importante pour attiser les rivalités, entre chaque filière, chaque pays  – soutenant des filières fortement présentes -, et bien sûr pour abonder le budget agricole en général ou au contraire le siphonner en faveur ou au détriment d’autres politiques. La polémique autour des « gros chèques » est récurrente, elle porte sur le montant des aides accordées aux principales exploitations.

Relent de la crise du « rabais britannique »… certains pays, y compris le Royaume-Uni, continuent à se plaindre que certains pays comme l’Italie, l’Espagne et la France, produisant plus, reçoivent davantage d’aides. Par ailleurs, la PAC est aussi accusée de faire échapper les agriculteurs européens à une partie de la concurrence des pays émergents et les moins développés.

Un outil utile face à la crise

Une nouvelle réforme est prévue au-delà de 2013. La Commission y travaille, les négociations ont pris du retard. Au-delà des critiques et de son coût, la Politique agricole commune est sans doute responsable de la persistance d’une agriculture, somme toute forte en Europe. Face à la crise, c’est un outil indispensable aux Etats membres. Pour preuve : l’annonce faite, le 25 juillet 2012, par le ministre Français de l’agriculture, Stéphane Le Foll, d’avancer du 1er décembre au 16 octobre le versement de certaines aides aux exploitations françaises, fortement touchées par la crise.

Quitter la version mobile