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Trois Soeurs: une fresque sur l’Argentine de la dictature

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C’est la fin de l’été à Buenos Aires. Comme le nom l’indique, trois sœurs forment le tableau de ce film argentin, premier long-métrage de la réalisatrice Milagros Mumenthaler, qui s’est vue décerner le Léopard d’or au festival du film Locarno 2011Marina (Maria Canale), Sofia (Martina Juncadella) et Violeta (Ailin Salas) vivent ensemble dans la maison de leur grand-mère, récemment décédée. Les jeunes filles, aux caractères aussi différents que marqués, traversent à leur manière le moment difficile du deuil. Tout en subtilité et émotion, le film nous emporte au rythme langoureux des trois sœurs, réfugiées dans la maison de tous leurs souvenirs.

Milagros Mumenthaler, étoile montante du cinéma argentin

Née en Argentine en 1977, la famille de Milagros Mumenthaler a fui la dictature militaire en Suisse, qu’elle a quitté à 19 ans pour revenir dans son pays natal. Elle poursuit des études de réalisation à l’Université du cinéma de Buenos Aires. Après deux court-métrages récompensés à divers festivals (« Amancay » en 2005, « El patio » en 2003), elle se lance dans ce long-métrage qui lui tenait à cœur, avec le soutien de la Cinéfondation (Festival de Cannes) et les Ateliers d’Angers (organisés par Jeanne Moreau), ainsi que par le Festival de Rotterdam.

La fraternité, thème intemporel

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Milagros Mumenthaler, qui a elle-même grandi avec des sœurs, s’est beaucoup inspiré de sa propre enfance, et en particulier du moment de l’adolescence où chacune essaye de se forger son identité, en se différenciant des autres. « Trois sœurs raconte comment les changements irrévocables qui surviennent à l’adolescence ont une incidence sur les relations entre frères et sœurs », dit-elle.

La réalisatrice montre l’intemporalité de ces moments intimes partagés, dans lesquels toutes les sœurs pourront se reconnaître. Tout au long du film, se noue et se dénoue le lien unique qui existe dans la complicité entre sœurs, dans ce qu’elle peut avoir de magique, mais aussi de violent et dur parfois. La proximité unit toujours dans le meilleur, comme dans le pire.

Un contexte culturel et économique

Si « le film a un caractère personnel et intime, » affirme Milagros Mumenthaler« il est ancré dans une réalité nationale, un contexte culturel et économique très précis et qui ne pourrait être nulle part ailleurs. » Cette réalité, ce contexte propre à l’Argentine, c’est celui des dictatures militaires successives entre 1976 et 1983, qui ont enlevé environ 30 000 personnes, les « desaparecidos » (« disparus »). Dans ce contexte, beaucoup d’enfants ont été élevés par leurs grands-parents, comme Marina, Sofia et Violeta. Peut-être les parents des jeunes filles étaient-ils emprisonnés… En toute subtilité, le film pose un certain nombre de questions, laissant le spectateur libre de son interprétation.

Le thème de l’absence

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Absence de la grand-mère, absence des parents, absence du monde extérieur… Le film laisse une impression de mystère et ouvre la curiosité du public.  « J’ai voulu laisser un élément de doute, un espace ouvert que le public pourra investir librement », explique Milagros Mumenthaler. Tout est dans le non-dit, dans les émotions refoulées. Les sœurs se soutiennent en étant ensemble, ou en allant chercher du réconfort ailleurs, chez un amoureux, par exemple.

La maison, quatrième personnage

Milagros Mumenthaler construit un film dans les huis-clos de la maison de la grand-mère, pleine des souvenirs d’enfance. « Dans le film, qui parle de relations fraternelles en crise, elle est aussi, d’une certaine manière, le pilier familial, » dit-elle à propos de la maison. Mais, même si la réalisatrice affirme qu’elle la voulait grande, aérée, pour ne pas donner une impression de claustrophobie, tout le paradoxe est là. Si toutes les conditions sont réunies pour que l’on se sente bien, l’ambiance reste lourde, étouffante. Dans chaque salle, le fantôme de la grand-mère est présent. D’où le départ soudain de la sœur cadette, Violeta, qui a besoin d’aller vers la vie, même si cela implique la rupture brutale avec ses sœurs…

Avec Trois SoeursMilagros Mumenthaler signe un film fort, poétique et délicat. Pari réussi, donc, pour la jeune réalisatrice argentine. Rendez-vous en salles le 18 juillet. 

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