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Un scrutin historique pour une Libye morcellée

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Pour la première fois depuis 47 ans, les Libyens sont invités à se rendre dans les bureaux de vote, samedi 7 juillet, afin d’élire leur Assemblée nationale. Un Parlement qui sera composé de 200 députés. 120 d’entre eux seront élus parmi 2 500 candidats indépendants, les 80 restants seront choisis parmi 1 800 candidats inscrits sur les 70 listes présentées par les partis politiques issus de la révolution.

200 députés pour former la nouvelle Libye

Ces 200 parlementaires seront ensuite chargés de nommer une Assemblée constituante composée de 60 personnes ainsi qu’un gouvernement qui devra se substituer au Conseil national de transition (CNT) qui dirige la Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi.

Une forte participation est officiellement attendue lors de ces élections pour lesquelles 80% des 3,7 millions d’électeurs se sont enregistrés.

Mais derrière cette présentation officielle des élections, empreinte de démocratie et de renouveau libyen, une situation politique fragile persiste qui pourrait bien mettre en péril cette volonté de construction politique.

Menaces séparatistes et tribales

Le pays qui s’apprête à se construire un nouvel Etat est menacé de toute part. Ambitions séparatistes, du nord au sud et de l’est à l’ouest, attentats islamistes subventionnés par des puissances étrangères, affrontements tribaux, persistance des milices qui ont fait la révolution. La Libye aura peut-être une Assemblée dans les jours à venir, mais elle n’échappera peut-être pas pour autant à la guerre civile.

Après 42 ans de dictature et huit mois après l’intervention de l’Otan, la Libye est parcellée, au bord de l’implosion.

La poudrière libyenne au bord de l’implosion

A l’est, Benghazi. Là où tout a commencé. La population entière se révolte contre la capitale. Dimanche 1er juillet, une manifestation a dégénéré, conduisant à la mise à sac de la commission électorale locale. Les habitants ont décidé de se soulever contre ces élections. Pour protester contre la répartition des sièges à l’Assemblée, qui n’accordera à la Cyrénaïque (région de Benghazi) que 60 députés sur 200, la population a décidé de boycotter les élections.

Un mois auparavant, plusieurs groupes islamistes extrémistes avaient déjà fait parler d’eux en détruisant, à une semaine d’intervalle, la mission diplomatique américaine de Benghazi puis un véhicule diplomatique du Consulat britannique par des tirs de roquettes.

Plus au sud, la ville de Koufra est également le théâtre de nombreux affrontements. La tribu noire Toubou du sud s’oppose aux tribus arabes du nord. Ici, un conflit historique est au cœur du quotidien des Libyens depuis des siècles. Et dans cette région, bien éloignée du cœur de la vie politique libyenne, la plupart des habitants ne se rendront pas aux urnes. La démocratie n’est tout simplement pas à l’ordre du jour.

En allant plus à l’est, la ville de Sebha est régulièrement au cœur de conflits ethniques, qui ont fait des centaines de morts depuis le début de la crise. Enfin, au nord, Zintan, non loin de Tripoli, pour achever la boucle des conflits ethniques qui font le paysage libyen depuis la chute de Mouammar Kadhafi.

Finalement, Tripoli paraît bien calme en ces temps difficiles.

La sécurité du scrutin est menacée

La Libye est composée de 170 tribus. Jusqu’à l’intervention de l’Otan, Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, avait réussi, par une politique de redistribution des richesses, à assouplir les relations entre les différentes tribus, contenant ainsi les conflits.

Aujourd’hui, la crise économique aidant, les rivalités retrouvent leur place et créent de nouveaux déséquilibres.

Pour assurer le bon déroulement des élections, le Conseil national de transition a réquisitionné 13 000 soldats, qui seront répartis sur tout le territoire. Malgré cela, de nombreux débordements sont attendus dans tous les points chauds de la Libye postrévolutionnaire.

Au regard de ces évènements quotidiens, de nombreux Libyens, s’ils savent que ces élections sont historiques, avouent que le combat politique et démocratique est sans doute perdu d’avance. Des élections, et puis après ?

Vers quel avenir se dirigent les Libyens ?

Quel pouvoir pourrait avoir une Assemblée illégitime aux yeux de nombreuses tribus ? Comment sera formée l’Assemblée constituante ? Les islamistes vont-ils mettre la main sur le pouvoir en raflant une large majorité des sièges au Parlement comme ils l’ont fait en Egypte, autre enfant du Printemps arabe ? La Libye finira-t-elle par imploser comme de nombreux experts le redoutent ?

Tant de questions, conséquences d’une révolution inachevée, qui devront être au cœur des priorités du gouvernement nommé.

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