Site icon La Revue Internationale

Copé-Fillon: duel à fleurets mouchetés ou bagarre frontale?

cope_fillon.jpgcope_fillon.jpg

[image:1,l]

Si Jean-François Copé donne l’impression d’être plus libéral et François Fillon plus centriste – dans la tradition gaullienne –, chacun a su s’entourer de personnalités issues des différentes tendances de l’UMP : Jean-François Copé est soutenu par Jean-Pierre Raffarin, tandis que François Fillon a, à sa droite Eric Ciotti, et, à sa gauche, Roselyne Bachelot. Il s’agit donc d’un combat de personnes et l’enjeu est de taille pour les candidats car présider le parti c’est avoir accès à la trésorerie, aux réseaux d’élus et de militants et prendre une longueur d’avance pour les primaires en vue de 2017.

Actuellement, François Fillon est en avance sur son adversaire dans les sondages mais tout porte à croire que Jean-François Copé n’a pas dit son dernier mot. Très apprécié des militants, il détient une carte majeure dans son jeu : il est le seul à avoir, en tant que secrétaire général de l’UMP, accès au fichier pour les parrainages. En effet, pour pouvoir se présenter à la présidence du parti, statutairement, un candidat doit recueillir 7 924 parrainages, issus de 10 départements différents, soit 3% des 264 137 adhérents revendiqués, avant le 18 septembre. A ce propos Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et Bruno Le Maire, petits candidats qui peinent à obtenir leurs parrainages, ne cachent pas leur mécontentement.

Cependant, rien ne laisse penser que ces divisions auront raison de l’unité du parti. Personne n’aurait intérêt à voir l’UMP éclater. Nicolas Sarkozy avait réussi le rassemblement et les militants ne souhaitent pas anéantir une si importante unité, indispensable à la victoire. Et ce n’est pas un hasard si l’ombre de l’ancien Président plane sur cette élection…

Pour essayer de comprendre ce qui différencie vraiment ces deux principaux candidats, JOL Press a fait appel à Philippe Braud, politologue français, spécialiste de sociologie politique, et Christian Delporte, directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Interview croisée.

Copé-Fillon : quelles différences ?

Philippe Braud : Une fois au pouvoir, l’un et l’autre seraient confrontés aux mêmes étroites contraintes, d’ordre interne et international, si bien que leurs sensibilités différentes sur le fond de certains problèmes (immigration, sécurité, rapports avec le FN…) auraient moins d’importance qu’on ne l’imagine. En revanche, les oppositions de style sont éclatantes. Jean-François Copé rappelle Nicolas Sarkozy : un activisme de tous les instants, une ambition ouvertement étalée, une rhétorique flamboyante ; au contraire, François Fillon est réservé, prudent voire secret, peu porté aux surenchères verbales. Il donne une image de solidité réfléchie là où Nicolas Sarkozy (et Copé) sont perçus comme plus improvisateurs.

Christian Delporte : François Fillon est moins alaise, plus réservé. Ils n’ont pas vraiment de différences d’idées mais plutôt des différences de regards. L’ancien Premier ministre appartient à une droite populaire héritière de Jacques Chirac, de De Gaulle. Jean-François Copé, plus sarkozyste, reprend le refrain de la droite décomplexée et libérale à l’anglo-saxonne.

Qui a le plus de chances de gagner ?

Philippe Braud : Le profil de Jean-François Copé a l’avantage auprès des militants, notamment ceux qui regrettent Nicolas Sarkozy. Celui de François Fillon est son atout maître auprès des Français qui, en 2012, ont moins rejeté la politique du Président sortant que son style et sa surexposition médiatique. En outre, François Fillon, après cinq ans passés à Matignon, dispose d’une stature d’homme d’Etat qui manque à son rival. Néanmoins, comme ce sont les seuls militants qui choisissent, l’avantage est encore à Jean-François Copé.

Christian Delporte : Les sondages qui donnent François Fillon gagnant sont faits auprès de sympathisants, pas auprès de militants. Jean-François Copé a tissé sa toile en tant que chef du groupe parlementaire et en tant que chef de parti, cela lui donne un avantage certain. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, ce sont les élections locales de 2014, premier pas vers la reconquête du pouvoir par la droite. Rien n’est joué.

Jean-François Copé devrait-il lâcher son poste de secrétaire général de l’UMP ? 

Philippe Braud : Oui, car ce poste a une importance stratégique directe dans la conduite de la campagne. Ce qui fausse la compétition. D’ailleurs, Martine Aubry, dans une situation analogue, s’était mise en congé de ses responsabilités de Premier secrétaire du PS.

Christian Delporte : Il aurait tort de le faire. Il est tout à fait à sa place.

Et si un troisième homme (femme) avait sa chance parce que les militants ne voudraient pas trancher pour 2017 ?

Philippe Braud : J’en doute, car l’un et l’autre des rivaux ont des personnalités tenaces. Je n’en vois aucun s’effacer sauf si, juste avant le vote des militants, il apparaissait que l’un des deux se dirige inexorablement vers une défaite humiliante. Mais ce ne serait pas au profit d’un tiers. La voie serait seulement dégagée pour le compétiteur restant.

Christian Delporte : Je ne crois pas au troisième homme. Ce genre d’élection n’est pas une affaire de petits candidats.

Pourquoi se référencer en permanence à Nicolas Sarkozy, après l’échec à la présidentielle ?

Philippe Braud : Nicolas Sarkozy n’a pas connu un échec écrasant en mai dernier. Au contraire. C’est pourquoi son ombre pèse sur la primaire. Mais il est beaucoup trop tôt pour qu’il puisse envisager ouvertement un retour en scène. Une retraite prolongée est sa meilleure chance de retrouver une popularité suffisante dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017. Au cas où il y penserait, même en se rasant…

Christian Delporte : A travers cette élection, les militants sont à la recherche de celui qui pourrait les faire gagner en 2017. Ils veulent une belle victoire comme celle de Nicolas Sarkozy en 2007. Les militants ne se préoccupent pas des idées, ils font un choix de personnes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Quitter la version mobile