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En Oregon, l’Etat où politique rime avec excentrique

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L’Oregon et Portland, terres de libertés

Le dimanche, on peut assister à des scènes singulières à Portland, en particulier dans le quartier hipster d’Hawthorne. Des motards barbus jusqu’aux échoppes vintage, en passant par ces clients qui parcourent des magasins clairement destinés à vendre des accessoires enrichissant la consommation de marijuana, la ville est unique en son genre. On croise même un jeune homme portant des ramures de cerf sur la tête.

Une policière, Erin, en rit : « Notre devise : Que Portland reste bizarre ! ». Les habitants se débrouillent très bien. L’Oregon de manière générale, et Portland en particulier, sont allés bien au-delà de ce qui se fait dans le reste des Etats-Unis en matière de libertés individuelles.

En Novembre, le scrutin inclura une initiative qui permettrait la légalisation du cannabis et, si l’on en croit ses soutiens, elle a de bonnes chances de passer. En fait, cette initiative ne changera pas tellement la pratique : ici, les gens ne sont pas arrêtés pour quelques grammes de cannabis, et l’usage de ce dernier est autorisé pour raisons médicales. Erin s’explique : « Ici, il est plutôt facile d’obtenir une licence. Il vous suffit que quelques patients vous inscrivent comme leur fournisseur. »

Autre dimension du libéralisme de l’Etat : il existe une « Death with Dignity Law », qui permet aux patients en phase terminale de choisir de mettre fin à leur vie.

Quant à la nudité publique, sa politique est pour le moins permissive, si ce n’est pas laxiste. Récemment, un homme a été acquitté au terme de son procès pour exhibitionnisme : il s’était présenté nu à l’aéroport de Portland pour protester contre les méthodes de fouille invasives des personnels de sécurité. John Brennan, l’incriminé, a réussi à convaincre le juge que son acte était une forme de protestation. Et donc protégée par le Premier Amendement. La ville accueille également une randonnée en bicyclette, nue, et ce une fois par an. Chaque année, on compte environ 10 000 participants.

Une domination démocrate pas forcément évidente

Une chose est sûre, le mode de vie atypique de la ville en fait un soutien naturel pour le Parti démocrate. « C’est un endroit plutôt libéral c’est sûr. » nous confie Erin. « Mais je sais que beaucoup de policiers soutiennent le Parti Républicain. » L’Oregon est un mélange intéressant de gens. Il va « probablement » voter pour Barack Obama selon les experts politiques. L’Etat a voté pour un candidat démocrate à chaque présidentielle depuis 1988.

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Des récents sondages donnent 8 points d’avance au Président sortant sur son rival républicain, Mitt Romney. Ceci dit, il y a encore 8% d’indécis. Les sept votes électoraux de l’Oregon ne peuvent certes pas faire ou défaire l’élection à eux tous seuls, mais ils peuvent permettre de grappiller.

Le gouverneur, John Kitzhaber, est un démocrate. Mais, en revanche, les institutions de l’Etat sont plus partagées : le Sénat est composé de 16 Démocrates pour 14 Républicains. La Chambre des Représentants comporte 30 parlementaires de chaque bord.

Aux primaires républicaines locales, Ron Paul, le trouble-fête libertarien, a obtenu seulement 13% des voix, contre 71% à Mitt Romney. Mais le légendaire esprit de contradiction de l’Oregon est passé par là : la moitié de la délégation de l’Etat envoyée à la Convention nationale du Parti Républicain est composée de partisans de Ron Paul. Pas de quoi changer le candidat désigné, mais assurément de quoi faire du bruit.

Portland est la ville la plus peuplée d’Oregon, et la seconde du Nord-Ouest américain derrière Seattle. De grandes entreprises y sont installées (Nike), et le secteur hi-tech y est particulièrement développé (Intel). Mais la ville se considère comme « plus cool » que sa voisine de l’Etat de Washington.

Portland n’est pas l’Oregon, l’Oregon n’est pas Portland

Mais l’Oregon, ce n’est pas que Portland. A Bend, une petite ville de 75 000 habitants encastrée dans le centre de l’Etat, les choses diffèrent quelque peu. Ici, c’est la foire locale qui est en plein essor, et la ville a récemment accueilli la « Flashback Cruz », un important évènement pour les amateurs de voitures anciennes : plus de 5000 voitures y participent.

« Nous avons toujours de quoi faire la fête ici. » nous confie la jeune hôtesse d’Amalia, un petit restaurant mexicain dans le centre-ville. « Au pire, une dégustation de vins et de fromage, et tout devient fou. » La folie reste néanmoins très bon enfant, à base de perruques colorées, l’accessoire tendance des fêtes de Bent à priori. Mais les choses deviennent moins légères lorsque l’on commence à parler politique. Les gens n’aiment pas en parler, voire semblent s’en moquer.

« Quelles élections ? » fut la première réponse que nous avons obtenu. La plupart de nos interlocuteurs se sont contentés de sourire de manière gênée, voire même de tourner les talons. Le lendemain matin ceci dit, nous avons trouvé un homme, visiblement pas tout à fait remis de la soirée de la veille, un peu plus loquace.

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« Il y a beaucoup de rednecks en Oregon l’air de rien. Mais les gens intelligents votent pour les démocrates. Je sais comment voter. » nous déclare l’homme, hilare. Il poursuit : « Je ne comprends pas que les gens ne voient pas ce qu’est vraiment ce Romney. Il veut délocaliser, mais qu’il se délocalise lui-même. Il a déjà mis son argent à l’étranger. Il veut envoyer des gamins à la guerre, mais ils n’auront pas d’emplois en revenant. A ce rythme, ils refuseront de partir. »

Il sirote son café, secoue nerveusement la tête : « Romney… Beau gosse. Gosse de riche surtout. Il n’a jamais dû lutter dans la vie. » Une analyse pour le moins franche et radicale. Jerry, le gérant d’un Best Western de la ville, est lui moins impliqué. Il reconnaît toutefois se méfier des « gens des grandes villes. » Ceux venus de Portland ou d’Eugene, la ville qui héberge l’Université de l’Oregon.

« Il y a un vrai mélange politique ici. Mais de manière générale, l’Oregon est plutôt démocrate oui. Après, je ne peux pas dire que j’aime le fait que la population des grandes villes dicte la politique de tout l’Etat non. Et puis il y a ces anarchistes d’Eugene qui viennent manifester ici, contre Obama ou l’autre candidat là… comment s’appelle-t-il déjà ? Ils ne font que causer des problèmes. »

Global Post / Adaptation Charles El Meliani pour JOL Press

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