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La frénésie des grands chantiers montre ses limites

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Les effondrements d’édifices se multiplient

Malgré l’aspect flambant neuf de leurs installations, les Français n’ont rien à envier aux nouvelles infrastructures chinoises. De fait, leurs effondrements se multiplient et raniment une nouvelle fois le débat concernant l’utilisation des centaines de milliards de dollars investis par le gouvernement en réponse à la crise financière.

Samedi, à Guangzhou, une ville prospère du sud chinois, un bâtiment en construction s’est effondré, tuant quatre personnes. De nombreuses personnes, dont un des survivants, ont mis en cause la construction bâclée de l’édifice. La veille, trois personnes ont été tuées et cinq autres blessées quand une partie d’un pont du nord de la Chine, terminé il y a tout juste dix mois, s’est écroulé, entrainant quatre camions dans une chute de presque 100 mètres. Le pont, presque neuf, n’avait été inauguré qu’en novembre. Il avait coûté 300 millions de dollars. Selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, il s’agit du septième effondrement de pont en un peu plus d’un an.

Des infrastructures « tofu », de mauvaise qualité 

La version officielle ? Le passage de camions surchargés. Une analyse bancale que contestent les observateurs chinois qui mettent en avant le rôle de la corruption dans ces accidents. Les utilisateurs de Weibo – l’équivalent chinois de Twitter – se montrent très sceptiques quant à la version officielle. « Trois camions surchargés ne peuvent pas passer ? Le problème vient clairement de la qualité des constructions […] il a été construit l’année dernière. La corruption et les économies sur le travail et les matériaux » sont des facteurs à prendre en compte, écrit un utilisateur. Certains internautes vont même jusqu’à établir un lien entre la réputation de faillibilité des produits chinois et l’effondrement de ces infrastructures que beaucoup de chinois qualifient de « projet tofu » – un terme commun pour designer ces constructions économiques de mauvaise qualité, né après le séisme de Sichuan en 2008 – lors duquel des centaines d’écoles « tofu » ont été détruites causant la mort de centaines d’enfants.

Des constructions bâclées, symptômatiques d’une corruption latente

D’autres pensent, qu’au-delà de la réputation de faillibilité des produits chinois à laquelle contribue la mauvaise qualité de ces infrastructures, ces problèmes reflètent plus généralement la Chine d’aujourd’hui. Li Chengpeng, un blogueur très lu, a écrit un article – partagé par déjà plus de 44 000 fois – dans lequel il dresse un tableau noir de la République populaire d’aujourd’hui où les infrastructures de mauvaise qualité sont symptômatiques de la corruption latente en Chine. « Ils arrêtent tous les jours des officiels corrompus et des ponts s’effondrent tous les ans, rien d’inhabituel […] C’est une assez bonne illustration des lois chinoises. C’est d’ailleurs une bonne illustration de tout en Chine ». Un autre utilisateur de Weibo va plus loin et a établi une comparaison entre le pont chinois de tout juste dix mois, déjà effondré, et le Golden Gate de San Francisco, toujours debout soixante-dix ans après sa construction. Sa conclusion ? La Chine est un « pays dans lequel n’importe qui peut être brûlé à mort ou noyé et où les camions s’évanouissent soudainement ». En somme, un pays où « il n’est vraiment pas facile de survivre pour les citoyens ordinaires ».

Investir moins dans des chantiers, plus dans l’humain

La plupart de ces infrastructures problématiques a été construit dans le cadre de la politique de grands travaux mise en place par les autorités chinoises. Après la crise financière de 2008, ce sont 600 milliards d’euros qui ont été investis par le gouvernement. Une somme importante qui, au dire de nombreux observateurs, a été en grande partie gâchée. Pour Michael Pettis, professeur d’économie à l’université de Pékin, l’investissement ne s’est pas révélé rentable. Yichuan Wang, un blogueur en économie et étudiant à l’université du Michigan (Etats-Unis), partage cette opinion et pense que la Chine aurait bien plus intérêt à investir dans l’humain que dans les infrastructures. « Au lieu de se concentrer sur la construction d’édifices, je veux qu’il [le gouvernement chinois] investisse dans l’humain » – ce qui est en soit un moyen d’ « augmenter la productivité – et que ce type de chantiers ne soient plus nécessaires » au maintient de la bonne santé de l’économie chinoise. Mais, avec la crise qui continue, il semble que de nouveaux investissements dans le secteur de la construction soient déjà planifiés. Pour Michael Pettis « La seule façon de tirer l’économie vers le haut envisagée par Pékin est d’encourager les régions et les localités à investir dans les infrastructures. Une croissance très inefficace… », mais le seul levier « à disposition de Pékin ». 

 

Global Post / Adaptation Stéphan Harraudeau – JOL Press

 

 

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