Site icon La Revue Internationale

Les Portugais émigrent en Angola pour fuir la crise

6647572993_9022c97b12_z.jpeg6647572993_9022c97b12_z.jpeg

[image:1,l]

« On ne peut pas s’en sortir avec une retraite ici »

Quatre décennies après l’avoir quittéMaria Mendes retourne dans son pays natal, l’Angola. Elle n’est pas nostalgique. Elle y est forcée. Depuis le début de la crise économique, le coût de la vie au Portugal, son actuel pays de résidence, ne cesse d’augmenter et des milliers de Portugais, comme elle, sont forcés de chercher une nouvelle vie ailleurs. Le constat de l’ancienne enseignante est sans appel : on ne peut pas « s’en sortir avec une retraite ici »« Les salaires sont au moins trois fois plus élevés [que les retraites qui les suivent] »Maria Mendes, dont le mari est déjà en Angola, a accepté un poste d’enseignant à l’université là-bas.

L’Angola, refuge des Portugais ?

En 1975, quand elle a quitté l’Angola avec plus de 500 000 personnes, la colonie portugaise devenue indépendante après près de 14 années de guerre de décolonisation, le pays était pauvre, le chômage élevé et une guerre civile agitait le pays. Aujourd’hui, avec la crise économique qui secoue la zone euro, les Portugais désirant aller vivre dans ce pays lusophone dont l’économie connaît depuis quelques années une croissance spectaculaire grâce notamment au pétrole. 

Les jeunes Portugais aussi émigrent

Mais ce phénomène d’émigration ne touche pas que les retraitésSara Carvalho, est à l’image d’une autre partie de la société. Cette architecte de trente-cinq ans, jeune active, part pour l’Angola pour trouver un emploi. « C’est très difficile pour les gens de mon secteur […] soit ils changent de profession soit ils vont tenter leur chance dans un nouveau pays ».  

[image:2,l]

120 000 Portugais vivent déjà en Angola

Plus de 120 000 Portugais vivent déjà en Angolasix fois plus qu’en 2003. On estime à 30 000 le nombre d’entre eux qui auraient immigrés l’an dernier. Une partie d’entre eux sont, comme Sara Carvalho, des professionnels qualifiés qui forment la classe supérieure de la force de travail angolaise. Et il reste de la place ! La base de données du site de recherche d’emploi portugais Empregos en témoigne. Le portail en ligne dispose de près de 36 pages d’offres d’emplois qualifiés en Angola, depuis l’informaticien à l’expert-comptable en passant par le chef cuisinier.

Le Premier ministre portugais encourage l’émigration

Confronté à un taux de chômage record de 15% – 36% chez les moins de 25 ans – le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho est allé jusqu’à encourager les gens à chercher un emploi à l’étranger. Une déclaration remise en question par ceux que la fuite des cerveaux inquiète. Le chercheur Edoardo Campanella s’indignait récemment dans le journal Publico : « Les émigrants européens contribuaient jusqu’ici à la gloire de leur patrie […] aujourd’hui cet exode accélère le déclin de l’Europe ».

Un problème qui se propage en Europe

Un phénomène inquiétant qui ne touche pas que le Portugal. Nombre de jeunes professionnels grecques, irlandais et espagnols adoptent la même démarche. Sur un an, un tiers des émigrants espagnols ont optés pour l’Amérique du Sud. Les répercussions sur la démographie des pays « explorateurs » sont importantes. Selon le journal Expresso : au Portugal, la fuite des professionnels, combinée au taux de natalité en chute libre, pourrait, si l’ampleur du phénomène reste la même, faire diminuer la population du pays de dix millions de personnes en 2204.

[image:3,l]

Un taux inédit depuis les années 60

Pour trouver un taux d’émigration similaire il faut revenir aux années 60-70, durant lesquelles près d’un million de personnes ont quitté le pays pour fuir l’oppression et la pauvreté d’un des derniers régimes dictatoriaux fasciste d’Europe. Johannesburg, Paris et même Rhode Island les destinations des portugais ont été légèrement différentes que durant la vague d’émigration que connaît aujourd’hui le Portugal. Angola. Mozambique. Suède. Norvège. Suisse. France, Angleterre, les Portugais ont changés de cap. En témoigne la forte augmentation des demandes de cours d’anglais, d’Allemand et d’Anglais (20 à 40% cet été).

L’Angola « ce n’est pas l’Eldorado »

Tout pour s’en sortir. Maria Mendes le sait « ce n’est pas l’Eldorado » qui les attend en Angola. « Tous ceux qui pensent qu’il leur suffira de descendre ici et secouer un bananier pour tout faire tomber dans leur bras seront déçus […] la qualité de vie n’est pas la même qu’ici [au Portugal] […] il y a des coupures de courant, des coupures d’eau, beaucoup de choses qui manquent »

Un flot qui ne semble pas près de s’endiguer

De fait, malgré son taux de croissance de 11,2%, ces dix dernières années, l’Angola reste pauvre. Le salaire moyen est tout au moins cinq fois inférieur à celui du Portugal et les différences de richesses ont alimenté un taux de criminalité conséquent dans la capitale. D’autre part l’Angola est classé 50e pays le plus corrompu au monde sur une liste de 183 pays et tout juste 34e sur 167 pour son fonctionnement démocratique. Mais peu importe les défis. Le flot de Portugais ne semble pas près de s’endiguer.  

Globalpost / Adaptation Stéphan Harraudeau pour JOLPress

Quitter la version mobile