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Libye: la chasse aux kadhafistes se poursuit

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La Libye se prépare à la tenue du premier procès d’un haut responsable libyen de l’ère Kadhafi. Le premier à être ainsi présenté devant une cour de justice s’appelle Bouzid Dorda, ex-chef des renseignements extérieurs de la Libye, qui avait remplacé Moussa Koussa en 2009. Il est accusé, parmi ses six chefs d’accusation, « d’avoir ordonné aux forces des services de sécurité de tuer des manifestants et de tirer des balles réelles sur eux. »

Premier procès pour la nouvelle Libye

Alors que le procès avait été ouvert le 5 juin dernier à Tripoli, celui-ci a été ajourné, le 10 juillet dernier à la demande de la défense qui a exigé plus de temps pour prendre pleinement connaissance du dossier.

« Le procès a été reporté au 28 août pour permettre à la défense de prendre connaissance du dossier, » avait déclaré, à l’époque, l’avocat de l’accusé, Salah al-Fitouri.

Devant les juges du tribunal de la nouvelle Libye, Bouzid Dorda devrait plaider non-coupable, comme lors de la première audience durant laquelle il avait déclaré : « Je nie ces accusations qui sont contraires à ce que j’ai accompli durant la période des événements. »

Pour la Libye et les dirigeants libyens, le procès de Bouzid Dorda déterminera deux éléments fondamentaux de la construction de la Libye post-Kadhafi. Pour la première fois depuis la chute de l’ancien leader libyen, la Libye réclamera justice pour les faits reprochés au gouvernement de l’ancien régime. Bouzid Dorda fait ainsi figure d’exemple et d’entraînement pour la marche à suivre lors des futurs procès.

La Libye sera également épiée par la communauté internationale, qui attend du pays issu du « printemps arabe » une conduite exemplaire en termes de respect des principes de base de la Justice et des droits de l’Homme, et ce, afin d’avoir son aval et l’appui de la Cour pénale internationale (CPI) pour assurer elle-même le procès du fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, prévu en septembre prochain.

La Libye veut la tête de Saïf al-Islam

Ils sont nombreux sur la liste noire de la justice libyenne à avoir fui le pays lors des événements de 2011, à être poursuivis par un mandat d’arrêt libyen ou international et à redouter une exfiltration vers leur pays d’origine.

Parmi eux, Saïf al-Islam Kadhafi, fils de l’ancien leader. Après avoir tenté de fuir vers le Niger, celui qui a souvent été considéré comme le dauphin de Mouammar Kadhafi, a été capturé, le 18 novembre dernier, et placé en détention à Zentane, à 170 kilomètres au sud de Tripoli.

Alors qu’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) court contre lui, la Syrie a, dès le début, exigé la tenue du procès de Saïf al-Islam sur le sol libyen.

Après de nombreux mois de négociations entre les autorités libyennes et les tribunaux de La Haye, la Libye a déposé une requête, le 1er mai dernier, contestant l’implication de la CPI dans des affaires d’ordre national. Inquiète du sort du fils de Mouammar Kadhafi, la CPI avait même envoyé plusieurs de ses agents à Zentane, afin de s’entretenir avec l’accusé et de vérifier ses conditions de détentions. Une démarche qui a provoqué un accroc diplomatique majeur entre les deux parties, puisque les membres de la CPI ont même été gardés en détention par le pays pendant plus d’un mois avant d’être relâchés le 2 juillet dernier.

La Libye a finalement tranché et le procès Saïf al-Islam Kadhafi aura bien lieu à Zentane, en Libye, dans le courant du mois de septembre.

« Un comité au bureau du procureur général a achevé son enquête sur les crimes commis par Saïf al-Islam depuis le début de la révolution, le 15 février (2011) jusqu’à son arrestation, et a préparé les chefs d’accusation qui doivent être retenus par le procureur général », a déclaré à l’AFP Taha Nasser Baara, porte-parole du procureur général libyen.

Pour les membres de la CPI de retour à La Haye, le procès de Saïf al-Islam est « irrémédiablement compromis », et le mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité court toujours.

La Tunisie divisée sur le sort d’Al Baghdadi Al-Mahmoudi

Al Baghdadi Al-Mahmoudi, ancien Premier ministre de l’ancien régime, a été extradé en Libye dimanche 24 juin. Il était détenu depuis la fin du mois de septembre 2011 en Tunisie. « Le citoyen Al Baghdadi Al-Mahmoudi a été livré dimanche 24 juin au gouvernement libyen », a annoncé le jour même un communiqué du gouvernement tunisien.

Une décision surprenante puisque l’extradition n’a été décidée que par les membres du gouvernement, sans l’avis de la présidence.

Arrêté le 21 septembre 2011 en Tunisie, Al Baghdadi Al-Mahmoudi, y avait été placé en détention. La Libye avait alors fait deux demandes officielles d’extradition, sans succès puisque le président tunisien Moncef Marzouki avait toujours opposé son refus, attendant des garanties de la part de la nouvelle Libye concernant le respect des droits de l’Homme de sa nouvelle justice.

Mais le gouvernement tunisien a pris Moncef Marzouki de court, le 24 juin. « Le rapport de la commission tunisienne qui s’est récemment rendue à Tripoli a conclu que les conditions d’un procès équitable étaient réunies », a affirmé le gouvernement dans un communiqué, expliquant également qu’une telle décision n’exigeait pas l’aval du Président.

Aujourd’hui, de nombreuses polémiques persistent concernant l’état de santé d’Al Baghdadi Al-Mahmoudi qui, selon certaines sources, aurait été torturé, et serait même peut-être cliniquement mort.

La Mauritanie protège le beau-frère de Kadhafi

Abdallah al-Senoussi est également attendu de pied ferme en Libye, pourtant, son extradition se fait attendre.

Le beau-frère de Mouammar Kadhafi, ancien chef des renseignements libyens a été arrêté le 14 mars dernier en Mauritanie, alors qu’il entrait dans le pays sous une fausse identité.

Depuis le 27 juin 2011, Abdallah al-Senoussi est poursuivi par un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale pour « meurtres et persécutions de civils constitutifs de crimes contre l’humanité ». Il est également recherché par la Libye comme étant un des bras armé du régime de Mouammar Kadhafi.

Alors que la Libye avait immédiatement demandé son extradition, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a fait savoir le 6 août dernier qu’Abdallah al-Senoussi devrait d’abord régler ses comptes avec la justice de Mauritanie : « Abdallah al-Senoussi a des problèmes avec la justice en Mauritanie, il doit être jugé pour son entrée avec une fausse identité », a affirmé le Président à l’occasion du 3ème anniversaire de son accession au pouvoir.

Malgré tout, la Mauritanie montre quelques réticences à livrer l’ancien dignitaire libyen à la justice de son pays: « Cela ne se fera pas sans garanties », car la Mauritanie a « un devoir moral vis-à-vis de l’homme », a ainsi expliqué  Mohamed Ould Abdel Aziz. La Mauritanie a également une monnaie d’échange de grande valeur en sa possession. En termes de diplomatie, Abdallah al-Senoussi connaît toutes les implications de l’ancien régime libyen et a de nombreux secrets à révéler, où a bien garder secret. Même si la décision de la Mauritanie de garder Abdallah al-Senoussi sur son territoire pourrait détériorer les relations entre les deux pays, la Mauritanie a sans doute beaucoup à gagner dans ce non-échange.

En outre, Abdallah al-Senoussi est aussi recherché par la France, pour son implication dans l’attentat contre l’avion DC10 d’UTA en 1989, qui avait coûté la vie à 170 passagers et membres d’équipage.

La France a-t-elle exfiltré Bashir Saleh ?

La cas de Bashir Saleh reste toujours en suspens et la Libye n’aura peut-être jamais l’occasion de remettre cet homme à la justice.

Grand financier libyen, Bashir Saleh a été directeur du cabinet de Mouammar Kadhafi dès 1998. Il a également pris la tête du Fonds d’investissement libyen en Afrique lors de sa création.

Il est réclamé par le conseil libyen pour rendre compte de ses agissements, mis en cause dans des plaintes pour fraude.

Bashir Saleh serait par ailleurs également l’auteur de la prétendue note qui avait prouvé le soutien financier de la Libye à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.

Aujourd’hui, Bashir Saleh vivrait en France et est sous le coup d’une « notice rouge » d’Interpol qui demande son arrestation et son extradition.

Selon les informations du journaliste Antoine Vitkine, cité par le Huffington Post, Bashir Saleh aurait « négocié son exil avec les Français juste avant la chute de Tripoli fin août 2011 et aurait été exfiltré ».

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