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Oscar Pistorius, un paralympique aux Jeux Olympiques

[image:1,l]Le 22 novembre 1986, dans le quartier de Sandton à Johannesburg, en Afrique du Sud, Sheila Pistorius donne naissance à un petit garçon. Avec son mari Henke, ils décident de l’appeler Oscar. Le bébé, en apparence, se porte comme un charme. Mais vite, les médecins détectent une malformation congénitale ; il est né sans fibula, encore appelé péroné, l’os qui, avec le tibia, forme le bas de la jambe. Le verdict est sans appel : à seulement onze mois, il faut l’amputer à mi-hauteur, entre le talon et le genou. Oscar ne marchera jamais… il va courir.

Un petit garçon comme les autres…

[image:3,s]Équipé de prothèses traditionnelles, Oscar va à l’école comme tous les enfants de son âge. À la Pretoria Boys High School, il développe sa passion pour le sport, tous les sports ou presque… Entre 11 et 13 ans, il fait partie de la troisième équipe de rugby de son école. Il s’essaie à la lutte en club et pratique le tennis et le water-polo au niveau provincial. Mais, en juin 2003, il se blesse sérieusement au genou lors d’un match de rugby. Dans le cadre de sa rééducation, en janvier de l’année suivante, il découvre l’athlétisme. Il se met à courir et on ne l’arrêtera plus.<!–jolstore–>

Champion paralympique en moins de six mois

Oscar Pistorius est un rapide. En moins de six mois, il parvient à se qualifier pour les Jeux paralympiques d’Athènes. Mieux encore, pour commencer, il décroche une médaille de bronze dans le 100 mètres T44 – nom un peu barbare de la catégorie réservée aux athlètes amputés d’au moins une jambe sous le genou. Lors du tour préliminaire du 200 mètres, il fait une chute, se relève et parvient tout de même, sur le fil, à se qualifier pour la finale. Cette finale, il la gagne avec, en prime, un record du monde : 21 secondes 97. Derrière lui, de formidables coureurs amputés, eux, d’une seule jambe.

Le « Blade runner » ou coureur sur males, rapide comme un guépard

[image:2,s]Pour courir, il chausse des prothèses, les « Flex-foot cheetahs » ou « pieds flexibles guépard », sortes de lames en forme de J, fabriquées par une entreprise islandaise Ossur. Ses performances ne cessent de s’améliorer, il règne, sans partage, sur le sprint paralympique. Lors de la coupe du monde de 2005, il remporte les 100 mètres et 200 mètres, améliorant encore son record. En 2006, aux championnats du monde paralympiques, il survole le 100, le 200 et le 400 mètres et, à partir de 2007, il détient les records du monde sur les trois distances. Il n’a que 20 ans.

Défier les valides

Sans concurrents chez les invalides, Oscar Pistorius n’a qu’une ambition, être un coureur comme les autres, affronter les valides. En Afrique du Sud, la fédération lui ouvre les portes de ses championnats nationaux. En 2005, il finit sixième du 400 mètres, en 47 secondes et 34 centièmes, un record du monde paralympique. D’une pierre, deux coups.
En juillet 2005, la fédération internationale d’athlétisme, l’IAAF, l’invite à participer, pour la première fois, à un meeting, le Grand prix d’Helsinki, en Finlande. Des obligations scolaires – il poursuit des études de management des affaires à l’université de Pretoria – l’empêchent de s’y rendre. Partie remise. Deux ans plus tard, le 13 juillet 2007, il s’aligne enfin au milieu des valides lors du Golden Gala de Rome. Résultat, qualifié pour la finale B, il finit deuxième en 46 secondes 90, derrière l’Italien Stefano Braciola – 46 secondes 72. Juste un tour de chauffe… deux jours plus tard, il participe au Norwich Union British Grand Prix de Sheffield. Le champion olympique américain, Jeremy Wariner, rate son départ et, sous la pluie, Oscar Pistorius finit septième sur huit en 47 secondes 62. Pas de chance, il est disqualifié pour être sorti de son couloir. Les règles s’imposent à tous.

Une polémique autour de ses prothèses

Au-delà de la dimension humaine – et du politiquement correct -, une question se pose : ses membres artificiels lui fournissent-ils un avantage par rapport aux coureurs utilisant leurs pieds et leurs chevilles ? Les critiques ne l’ont pas épargné.
Le 26 mars 2007, l’IAAF modifie les règlements de ses compétitions pour « interdire l’utilisation de tout outil technique comprenant des ressorts, des roues ou tout autre moyen procurant un avantage à son utilisateur sur un coureur n’y ayant pas recours ». La fédération nie que cet amendement vise spécifiquement Oscar Pistorius, mais elle le concerne bien. Pour décider s’il dispose, ou pas, d’un avantage en utilisant ses lames, elle le soumet, en novembre 2007, à un certain nombre de tests à l’université des sports de Cologne. Après deux jours d’examen, le Dr Peter Brüggemann remet son verdict : selon son rapport, oui, ses prothèses lui procurent un avantage. Les membres de Pistorius utilisent 25 % moins d’énergie que des jambes naturelles, et ils nécessitent 30 % de moins d’efforts mécaniques pour porter le corps. L’expert est formel : « Pistorius a un avantage considérable sur les athlètes ne portant pas de prothèses, testés avec lui. Un avantage qui ne se limite pas à quelques pour cents. Je ne m’attendais pas à ce que cela soit si net ». Sur cette base, l’IAAF décide que ces prothèses ne permettent plus au coureur de participer aux compétitions officielles. Privé sur le tapis vert des Jeux olympiques d’été de Beijing en 2008, Pistorius estime que la décision est « prématurée et hautement subjective » et promet de se battre pour réaliser son rêve.

Courir après son rêve

Oscar Pistorius utilise les grands moyens. Son manager Peet van Zyl affirme que les tests de Cologne n’ont pas pris en compte suffisamment de variables. Le cabinet d’avocats Dewey & LeBoeuf vient en renfort pour obtenir la révision du jugement. Le coureur prend la direction des États-Unis et effectue de nouveaux tests à l’université de Houston.
Il fait appel devant le Tribunal arbitraire du sport de Lausanne et apparaît devant la cour en avril 2008. Après deux journées d’audience, un nouveau verdict tombe le 16 mai : la décision du conseil de l’IAAF est cassée. Le TAS estime que le Dr Brüggemann n’a testé la biomécanique de Pistorius qu’en ligne droite, et que son rapport n’a pris en compte les désavantages au départ, dans la phase d’accélération et en courbe, comme dans le 400 mètres. Au total, il n’y a pas de preuves que ses prothèses lui procurent un avantage net sur les athlètes valides.
Oscar Pistorius est aux anges : « Mon ambition tout au long de cet appel a été de permettre aux athlètes invalides d’avoir l’opportunité de concourir, en toute équité, face aux athlètes valides. J’ai hâte de poursuivre mes efforts et de décrocher la qualification pour les Jeux olympiques. »

Un échec sur la route de Beijing, une grosse déception

Pour représenter son pays aux Jeux de Beijing, Oscar Pistorius doit tout de même réaliser les minima olympiques : 45 secondes et 55 centièmes ou 45 secondes 95, si aucun autre athlète sud-africain ne parvient à réaliser le premier temps, mais dans ce cas-là l’Afrique du Sud n’aura qu’un seul qualifié. Autre solution : le relais pour lequel il n’y a pas de minima à réaliser, il suffit juste d’être dans les quatre meilleurs coureurs du pays, soit un temps très proche de 46 secondes. L’athlète est fier et, quitte à se rendre dans la capitale chinoise, il ne veut pas que ce soit comme réserviste du relais. Pour lui laisser une chance, l’Afrique du Sud reporte l’annonce de la sélection au 17 juillet 2008.
Le 2 juillet 2008, à Milan, Pistorius finit quatrième de la finale B en seulement 47 secondes 78. Le 11 juillet, à Rome, il progresse d’une seconde en 46 secondes 62. Un temps toujours insuffisant mais qui lui donne confiance. Le 15 juillet, le secrétaire général de l’IAAF, Pierre Weiss, déclare que la fédération préférerait que les Sud-Africains ne le sélectionnent pas en raison des sérieuses blessures qu’il pourrait provoquer, ou risquer lui-même, dans le peloton du relais. Pour le coureur, il s’agit d’une pression de la fédération pour qu’il ne soit pas sélectionné et la menace de poursuites judiciaires. Lors du meeting de Lucerne, sa dernière chance, le 16 juillet, il échoue. Bien que battant son record personnel en 46 secondes et 25 centièmes, il rate la qualification de 0,70 seconde. Quatre autres coureurs sud-africains ont réalisé de meilleures performances, Oscar Pistorius n’ira pas aux Jeux Olympiques de Beijing. Il devra se contenter un triplé aux Jeux paralympiques sur 100, 200 et 400 mètres. Le coup du chapeau !

D’abord une médaille aux championnats du monde valide

[image:4,s]Battu, en janvier 2011, pour la première fois en 7 ans, dans un 100 mètres paralympique, Oscar Pistorius se concentre sur les épreuves valides. Durant l’été qui suit, il court à plusieurs reprises sous les 46 secondes. Le 19 juillet à Lignano en Italie, il bat son record sur 400 mètres en 45 secondes 07. Le 8 août, la fédération sud-africaine annonce qu’il est sélectionné pour les championnats du monde de Daegu en Corée du Sud. C’est la première fois qu’un athlète handicapé participe au deuxième plus grand rendez-vous de l’athlétisme mondial, répétition des Jeux olympiques.
Dans les séries du 400 mètres, un 45 secondes 39 le qualifie pour les demi-finales. Il échoue aux portes de la finale avec 46 secondes 19 seulement. Pourtant, son premier temps aurait pu lui suffire. Sélectionné aussi en relais, il part en premier dans les séries. L’équipe bat le record national et gagne son billet pour la finale. Il n’est pas retenu pour cette course. L’Afrique du Sud est deuxième et Oscar Pistorius décroche une médaille d’argent. « Champion du monde » ou presque.

Le rêve olympique à Londres en 2012

Son objectif, désormais, les Jeux olympiques de Londres en 2012. Un sprinteur atteint le summum de sa carrière entre 26 et 29 ans, Oscar Pistorius n’aura que 25 ans et demi et il réalisere enfin un premier tour de piste olympique. Une participation qui, à elle seule, vaut de l’or.

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