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Pourquoi il est indispensable de privilégier l’alternance

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La France connait un échec scolaire massif puisque près de 20% des jeunes sortent chaque année du système éducatif sans diplôme ni qualification. 

Cette situation ne peut être acceptée et le chômage massif des jeunes n’est pas une fatalité, d’autant que d’autres pays, tels que le Danemark, l’Allemagne ou encore le Canada parviennent à maintenir le taux de chômage des jeunes à des niveaux faibles (respectivement 13,8 % ; 9,7 % et 14,8 %).

Les exemples de l’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas

L’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas, dont les performances en termes d’emploi des jeunes sont parmi les meilleures au monde, ont des systèmes d’orientation très différents du nôtre. Ces pays n’ont pas de conseillers d’orientation dans leurs écoles. Ce sont des permanents de l’école, des professeurs, formés à cette discipline, qui dédient une part de leur temps à coordonner un ensemble d’activités d’orientation pour les élèves. Le corps enseignant est ainsi plus directement mobilisé et impliqué dans les questions d’insertion professionnelle des jeunes.

Dans certains pays, les jeunes bénéficient de cours d’orientation dès le début du secondaire. Aux Pays-Bas, l’orientation scolaire et professionnelle est intégrée à toutes les matières au programme. Toutes les disciplines  professionnelles de l’enseignement secondaire technique (collèges et lycées techniques) donnent lieu à une orientation professionnelle sectorielle. En Allemagne,l’initiation au monde du travail fait partie du cursus scolaire dans les collèges et lycées à vocation professionnelle, soit dans le cadre de disciplines telle que la technologie, soit par le biais de séances insérées dans les programmes de l’ensemble des matières.

Aux cours dispensés s’ajoutent des visites sur site et des stages d’initiation professionnelle. Des conseillers professionnels externes à l’école viennent donner un cours de deux heures à chaque classe au cours de l’avant-dernière année d’enseignement obligatoire – l’équivalent de la 3ème. Dans ces deux pays, chaque établissement définit les activités d’orientation de manière autonome, pour mieux articuler les besoins des élèves et du marché de l’emploi sur le territoire.

Au Canada : des cours d’orientation dès le début du secondaire

Le Canada offre des cours d’orientation dès le début du secondaire, qui inclut une formation à la connaissance de soi et à la découverte du monde du travail et de la formation. Au Québec, les écoles sont encouragées à mettre en œuvre le concept d’école orientante, en liaison avec des réformes plus larges centrées sur la compétence. La capacité à préparer son avenir personnel et professionnel est définie comme l’un des cinq « grands domaines d’apprentissage » de la scolarité d’un élève. En outre, l’implication active de tous les acteurs est encouragée, d’abord en favorisant les discussions et la collaboration entre les enseignants et le personnel d’orientation, puis en développant des partenariats avec les parents et la communauté. Les écoles bénéficient d’une très grande souplesse pour déterminer ce qu’est une école orientante dans le cadre qui leur est défini[1].

En France, le système d’orientation ne valorise pas certains métiers fortement demandés

Le système français d’orientation à l’école fonctionne selon une logique de tri des « bons » et des « mauvais » élèves[2]. Il ne joue pas son rôle d’articulation entre le monde de l’école et le monde extérieur et pousse beaucoup de jeunes dans des voies de qui ne les intéressent pas ou vers des formations sans avenir. Il est pénalisant pour les jeunes qui n’affichent pas de bonnes notes, mais dont les talents pourraient très bien s’exprimer dans un métier qui les motive et dans un contexte professionnel. Notre système d’orientation ne valorise pas certains métiers fortement demandés, comme dans les services ou l’artisanat, qui ne nécessitent pas de niveaux de diplômes élevés mais peuvent pourtant être attractifs et offrir de bons salaires. Ceci s’explique en partie par la mauvaise connaissance de la réalité du marché du travail par le personnel d’orientation.

Le lien entre l’origine nationale des élèves et les choix de formation secondaire

L’orientation à l’école est malheureusement aussi un moment où des discriminations sociales jouent fortement. Le lien entre l’origine nationale des élèves et les choix de formation secondaire après le collège en est l’une des illustrations les plus frappantes. Selon un document de travail publié par le Cereq en février 2011 et concernant la génération sortie du système scolaire en 2004, 23 % des jeunes d’origine maghrébine ont été orientés vers une classe de seconde professionnelle non conforme à leurs vœux. C’est aussi le cas pour 27 % des jeunes dont les parents sont originaires d’Afrique sub-saharienne et 25 % des jeunes d’origine turque[3]. Au sein de cette génération, 23 % des jeunes d’origine maghrébine sortent sans diplôme du lycée professionnel et de l’apprentissage, contre moins de 8 % des jeunes dont les parents sont nés en France[4]. Cette proportion s’élève à 30 % pour les garçons d’origine maghrébine[5].

Vers une orientation plus précoce dès le collège ?

En France, des réformes du système d’orientation des jeunes ont été amorcées ces dernières années. L’introduction en 2008-2009 du parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF), se proposant d’assurer un suivi individuel des collégiens[6], est un pas dans la bonne direction. Il  vise une orientation plus précoce dès le collège et un suivi individuel des jeunes dans leur orientation. Ce programme est pour l’heure plus léger que ses équivalents dans d’autres pays, notamment en termes de transmission concrète de savoirs sur le monde du travail. Plus généralement, les collèges et lycées ne disposent pas d’une autonomie suffisante ni d’un cahier des charges suffisamment engageant pour les chefs d’établissements en termes d’insertion.

L’Education nationale cherche des réponses aux problématiques d’insertion : de nombreuses écoles et académies ont pris des initiatives pour renforcer le lien entre monde éducatif et monde professionnel, comme par exemple les « clubs école-entreprise », ou « carrefour des métiers ». Cependant il n’y aura de véritable effet de levier sur l’insertion professionnelle que si l’école devient plus autonome, davantage responsabilisée sur l’insertion, avec une véritable obligation de s’ouvrir au monde extérieur.

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[1] Les données citées dans ces lignes sont principalement issues des publications suivantes :CEDEFOP, European Centre for the Development of Vocational Training, « Professionalising career guidance. Practitioner competences and qualification routes in Europe », Panorama series n°164, CEDEFOP Refernet, Denmark. VET in Europe – Country Report, 2010 ; OCDE, Orientation professionnelle et politique publique: comment combler l’écart, 2004.  

[2] Voir P. Cahuc et al.,La machine à trier, Eyrolles, 2011. Les auditions menées en vue de l’élaboration de cette note corroborent cette idée.

[3] Yaël Birnbaum, Christine Guégnard, « Parcours de formation et insertion des jeunes issus de l’immigration », Groupes d’exploitation Génération 2004, Net.Doc.78, p.11.

[4] Op. cit., p. 17.

[5] Op. cit., p. 18.

[6] Eduscol

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