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Quel impact aura sur la Chine la hausse du prix des céréales?

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Hong Kong, Chine. Au titre du plus grand importateur de produits agricoles américains, la Chine sera la première touchée par la sécheresse qui ravage les terres américaines cet été 2012.

La sécheresse est la pire que l’Amérique ait connu depuis 15 ans

Alors que la pire sécheresse en 50 ans menace de détruire les récoltes de maïs et de soja sur une grande partie du Midwest, faisant bondir les prix, les responsables chinois se préparent à un choc qui pourrait compliquer leurs objectifs de redressement économique pour cette année.

En 2011, la Chine a importé 16 milliards d’euros de soja, maïs, coton et cuir des Etats-Unis, détrônant le Canada pour la toute première fois.

Le soja, le porc et le maïs

La Chine dépend tout particulièrement du soja, une source d’alimentation animale cruciale pour les énormes fermes à cochons du pays. Les Chinois qui se sont enrichis, sont en mesure de manger de la viande plus souvent, et la consommation de porc a augmenté en conséquence. Plus de la moitié de la viande de porc mondiale est désormais produite et consommée en Chine. Les importations de maïs sont également conséquentes, pour les Etats-Unis, la Chine est le deuxième acheteur le plus important dans ce marché, après le Japon. L’année prochaine, sa consommation s’élèverait à 5 millions de tonnes de maïs américain.

Des prix plus hauts qu’en 2008

Mais les spécialistes ne s’attendent pas à ce que les prix baissent dans les mois qui viennent. Ils prévoient que le prix du boisseau de soja (environ 27 kilos, ndlr) monte à 13.74 euros en novembre, un record qui dépasse le tarif de 13.29 euros le boisseau pratiqué lors de la crise alimentaire mondiale de 2008.

Tout ceci empêche Pékin de se rétablir sur le plan économique. Si la hausse du prix de l’alimentaire entraîne une forte inflation, le gouvernement aura plus de mal à gonfler sa masse monétaire et à relancer la croissance ; une priorité pourtant, vu le ralentissement de l’économie tout au long de l’année.

Le prix du porc

Déjà, les experts prévoient un choc pour les Chinois chez le boucher. Zhang Zhiwei, de la holding financière japonaise Nomura, explique que « la forte hausse globale des prix agricoles devrait faire monter le prix du porc en Chine », selon le Financial Times.

Les producteurs alimentaires industriels, dont l’un des plus grands fabricants de nouilles instantanées, s’attendent à des marges plus faibles dues à des coûts de revient plus élevés.

Pourtant, de nombreux facteurs laissent espérer les spécialistes que la Chine sortira quasiment indemne de cette sécheresse, malgré sa dépendance en matière d’importations américaines.

La Chine, auto-suffisante

Tout d’abord, même si la Chine achète effectivement une grande quantité de produits agricoles, elle se suffit pratiquement à elle-même en termes d’aliments de base tels que le riz et le blé. Ce n’est pas par hasard : la famine et les pénuries alimentaires ont souvent touché le pays durant son histoire, comme pendant la Grande famine de Chine entre 1958 et 1962. Le gouvernement a donc décidé d’orienter sa production vers des produits alimentaires élémentaires pour ainsi réduire sa dépendance vis à vis du marché extérieur.

« La Chine s’applique à être quasiment auto-suffisante », explique le professeur Harold Corke, qui étudie la sécurité alimentaire à l’université de Hong Kong. « La hausse des prix sera fatale pour des pays comme l’Afrique, bien avant de poser de réels problèmes à la Chine. »

D’autres facteurs positifs

Ensuite, l’inflation baisse déjà en Chine. Grâce au ralentissement de l’économie et du secteur immobilier, l’inflation est loin d’être à un taux de 6% comme l’année dernière : en fait, elle était d’un peu plus de 2% en juin. Les prix du porc, qui avaient gonflé les tickets de caisse des consommateurs l’année dernière, sont maintenant 12% plus bas qu’en 2011.

Certains sont convaincus que la hausse des prix du maïs et du soja n’aura pas de graves conséquences. Pour Frederic Neumann, économiste pour HSBC Hong Kong, la hausse actuelle de prix des matières premières ne fera « probablement pas » remonter le taux d’inflation de la Chine. L’huile et le riz sont bien plus importants, insiste-il.

« Devrions-nous être inquiets ? Pas tellement. »

« Devrions-nous être inquiets ? Pas tellement. Oui l’Asie a de vrais problèmes d’inflation. Mais le soja n’est pas concerné. »

Ce qui ne veut pas dire que l’économie chinoise est tirée d’affaire. Son petit miracle économique s’est fragilisé cette année, avec un PIB à sa croissance la plus faible depuis trois ans.

Déterminer si la hausse des prix sera modérée ou plus importante, tel est un facteur plus problématique (entre autres) que les politiciens chinois doivent prendre en compte cette année. Les salaires continuent d’augmenter de 15 à 20 %, menaçant l’avantage chinois d’être l’usine la moins chère du monde. Une résurgence de nationalisme nourrit le conflit en Mer de Chine méridionale. Les questions de corruption se posent d’autant plus depuis la chute de Bo Xilai. Et l’image du Parti est en morceaux après la fuite de l’activiste aveugle Chen Guangcheng.

Le Parti Communiste en alerte

Ces problèmes ne sortiraient pas de l’ordinaire en temps normal, mais avec la passation de pouvoir de cet automne, le Parti Communiste est en alerte et cherche à éviter toute autre catastrophe. D’expérience, la hausse des prix de l’alimentaire a toujours engendré l’expression d’autres sources de mécontentement, en Chine comme ailleurs. Même si la sécheresse américaine ne serait responsable que de provoquer un mal de tête à la Chine, c’est un mal dont Pékin se serait bien passé en ce moment.

GlobalPost / Adaptation Amélie Garcia JOL Press

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