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Après les annonces de Mario Draghi, on voit la fin de la crise?

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Une semaine déterminante, une de plus pour la zone euro… Les décisions mensuelles de la Banque centrale européenne étaient particulièrement attendues et, déjà, il se murmure que le 6 septembre 2012 et les annonces de Mario Draghi concernant le rachat de dette des Etats membres par l’institution monétaire pourraient rester dans l’histoire de la crise de la dette.

Pourtant, s’il y a bien de nouvelles raisons d’espérer, elle est longue encore la route qui conduit la zone euro à la sortie de crise. Franck Guillory, au risque d’être taxé de Cassandre, passe en revue les prochaines étapes…  

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Mario Draghi aura mis le temps – suscitant au passage d’immenses doutes sur ses intentions et motivations – mais il a fini par tenir parole… la Banque centrale européenne rachètera bien, de manière illimitée, de la dette des États membres de la zone euro en difficulté sur le marché obligataire. Un « Ouf ! » de soulagement a été poussé à travers l’Europe et il a été entendu, bien au-delà, aux quatre coins du monde…

Sur le principe, la décision de la Banque centrale européenne et de son président va indéniablement dans le bon sens, et c’est pour cela qu’elle est majoritairement saluée – à part peut-être en Allemagne

Pas une solution miraculeuse

Pourtant, si le rachat de dette des pays en difficulté – et on pense en premier lieu à l’Espagne et à l’Italie, mais aussi, bien sûr, à la Grèce – permettra sans doute de réduire la pression que ces pays subissent de la part, notamment, des marchés financiers, et de faire baisser leurs coûts de financement, il ne s’agit, en aucun cas, de la solution miraculeuse. Si le 6 septembre pourrait rester une date importante dans l’histoire de cette crise, il reste de nombreuses embûches sur la voie du rétablissement économique et financier de l’Europe.

Le 12 septembre, l’autre échéance cruciale

Conformément à ce qu’a annoncé Mario Draghi, l’intervention de la BCE sur le marché secondaire de la dette, à travers son nouveau programme de rachat d’obligations – baptisé Outright monetary transactions –, se fera conjointement à celle des États membres sur le marché primaire à travers le MES – Mécanisme européen de stabilité -, nouveau fonds de secours européen appelé à remplacer le FESF –Fonds européen de stabilité financière.

Or, le MES n’existe pas encore. Et, avant de pouvoir être mis en place, il lui faut être adopté par tous les États membres. Dans ce cadre, mercredi 12 septembre est une échéance cruciale puisque la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe doit se prononcer sur sa conformité à la constitution allemande. Que les sages d’outre-Rhin retoquent le mécanisme et tout s’effondre. En effet, on imagine mal le MES fonctionner sans son plus important contributeur – à hauteur de 27,1%.

Selon un sondage YouGov pour l’agence DPA, 54% des Allemands souhaiteraient que la Cour dise « Nein » au MES. Pourtant, les sages ont sans doute conscience de ce qui est en jeu et des conséquences de leur décision. Et puis, l’an dernier, le 7 septembre 2011, n’ont-ils pas validé le FESF, dont le principe était assez proche. À suivre…

Pour être aidé, encore faut-il le demander

Les interventions de la BCE et du MES ne sont pas automatiques, ce ne sont pas les experts de Francfort ou Bruxelles qui, seuls, décident de la nécessité ou pas d’intervenir. Pour être aidé, un État membre doit le demander, et cela pourrait être plus difficile qu’il n’y parait, comme le montre le cas de l’Espagne.

Attaquée de toute part, l’Espagne apparait comme le bénéficiaire n°1 de ce dispositif, taillé a priori sur mesure pour éviter un effondrement et une faillite aux conséquences autrement plus tragiques que ne le serait celle de la plus petite Grèce. Mais Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol, hésite à solliciter une aide. D’abord, il s’interroge sur les contreparties qui pourront être exigées en échange de cette intervention de la BCE.

Ensuite, il craint la réaction de son opinion publique, déjà fortement mobilisée contre les mesures successives d’austérité imposées par son gouvernement depuis décembre dernier. Si cette intervention était synonyme d’une mise sous tutelle, elle serait inacceptable pour Madrid, plus que pour n’importe quelle autre capitale. Et puis il y a la fierté nationale…

C’est là qu’est intéressante la suggestion – encore officieuse – de Mario Monti. Le président du Conseil italien envisagerait une sollicitation groupée de Rome et Madrid, quelque part beaucoup moins « déshonorante ». S’il y parvenait, Mario Monti s’imposerait indéniablement comme la révélation politique de l’année sur la scène européenne. Son influence est croissante et il joue un rôle, semble-t-il, pacificateur entre les deux acolytes franco-allemands. Déjà surnommé « Super Mario », l’ancien commissaire européen est, de plus en plus, comparé à Alcide de Gasperi, premier président du Conseil de l’Italie post-Mussolini – de 1945 à 1953 – et un des pères fondateurs de l’Europe…

Le test des opinions publiques

Si Mariano Rajoy n’a rien à craindre – ou presque – de son opinion publique, puisqu’il dispose – sauf circonstances exceptionnelles d’une révolte populaire –d’une majorité stable aux Cortès, le Parlement espagnol, et cela pour encore un peu plus de quatre ans. Idem pour François Hollande, jusqu’en 2017.

Mais ce n’est pas le cas de tous les dirigeants européens. Dès ce mercredi 12 septembre, les Hollandais – je devrais dire pour éviter toute confusion… les Néerlandais – se rendront aux urnes. La campagne a été marquée par l’euroscepticisme et, longtemps, les socialistes – la gauche « dure » – ont été en tête dans les sondages. Pourtant, ces derniers jours, portés par d’excellentes performances télévisées de leur leader, Diederik Samsom, les travaillistes du PvdA, pro-européens, ont regagné du terrain… Dans toutes les hypothèses, l’issue de ce scrutin apparait très incertaine.

Idem l’an prochain, année durant laquelle l’Italie d’abord, au printemps, puis l’Allemagne en automne, connaitront des campagnes législatives. Si l’action de Mario Monti est saluée à travers l’Europe, sa situation sera difficile sur la scène nationale et cela que le Cavaliere Silvio Berlusconi tente – ou pas – une ultime passe d’armes. La situation d’Angela Merkel apparait aussi bien compliquée même, à un an de l’élection, son opposition n’apparait pas en ordre de bataille. On sait désormais en France combien il convient de se méfier des candidats semblant insuffisamment préparés…

Incertitudes politiques, incertitudes économiques… La pente est raide et il est encore long le chemin du redressement en Europe. Pour autant, pourquoi se priver de reconnaitre que les annonces de Mario Draghi donnent, enfin, de belles raisons d’espérer. Ne nous privons pas, c’est gratuit. Merci, monsieur Draghi !

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