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Banque Publique d’Investissement: la banque, un métier pour l’État?

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Le candidat François Hollande en a fait une de ses « 60 propositions pour la France ». Lui président, il créerait une Banque publique d’investissement visant, à travers ses fonds régionaux, à favoriser le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie. Ce dispositif devrait permettre aux régions, « pivots de l’animation économique, de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France ». Et mieux encore, « une partie des financements sera orientée vers l’économie sociale et solidaire ».

En déplacement à Marseille, dans le cadre de la campagne électorale, il avait précisé sa pensée à coup d’argument massue tirant sur la corde sociale : « Je sais que, dans nos quartiers, y compris les plus déshérités, il y a tant de jeunes qui veulent entreprendre et ne le peuvent pas, qui vont vers une banque qui leur refuse le moindre microcrédit, qui vont vers des actionnaires qui leur refusent leur concours. […] Alors moi, je veux que la Banque publique d’investissement – celle qui sera créée au lendemain de l’élection présidentielle – ait une filiale dédiée aux quartiers pour développer l’entreprise dans ces quartiers et faire naître ces projets qui ne voient pas le jour. »

En cet automne, le temps des actes a succédé à celui de la parole.

Le recours au « plus d’État » comme remède contre la crise…

Face à une crise financière, la solution du recours à une banque publique pour le financement de l’économie, et en particulier de l’activité des TPE et PME, est souvent présentée par les responsables politiques – a fortiori en campagne – comme la solution-miracle à tous les maux auxquels sont confrontés les entrepreneurs privésa fortiori les plus petits, les plus fragiles.

D’abord, il existe déjà en France bien des dispositifs de financement public des TPE et PME : la Caisse des dépôts, Oséo, l’Ademe, le Fonds stratégique d’investissement.

Que changera donc cette refonte du dispositif ? On en sait encore peu… si ce n’est que la capacité d’intervention de la BPI serait de l’ordre de 30 milliards d’euros.

Pour un encours total des crédits aux entreprises d’un montant de 800 milliards, une goutte d’eau

Un des arguments avancés pour justifier de la création d’une « nouvelle » Banque publique d’investissement s’appuierait sur un constat, celui de la difficulté que rencontrent les entreprises en général, les PME et les TPE en particulier, à obtenir de leurs partenaires bancaires un financement adéquat de leurs activités et de leurs développements.

L’appui bancaire aux entreprises, un métier

La solution ne peut donc venir de la puissance publique : la banque au service des entreprises, c’est un métier.

S’il s’agit de relancer l’économie et, en particulier, d’assurer le financement de cette économie et des forces vives que constituent TPE et PME, il faudra bien que l’État se tourne vers le secteur privé.

La banque, l’attribution de crédits, l’accompagnement d’une entreprise, d’une petite ou d’une jeune entreprise dans sa stratégie de croissance et d’investissement, ça s’apprend.

Dans le rapport précité, en décembre 2004, nous avions suggéré un certain nombre de mesures susceptibles de garantir la sécurisation du financement des PME, dont il ressortait une idée forte : les professionnels de la banque, et en particulier, du crédit aux entreprises, doivent être de véritables professionnels, qui comprennent véritablement le monde de l’entreprise, et les problématiques auxquelles sont confrontés les chefs d’entreprise.

Certes, les banques privées ont été quelque peu défaillantes en la matière depuis au moins deux décennies. Elles ont confié à des personnels insuffisamment formés, insuffisamment familiers du monde de l’entreprise l’appui aux TPE et PME. Ces « conseillers », forts de leurs – relatives – capacités d’action – et de nuisance, parfois – se sont crus à même de juger de la validité d’un projet porté par un client chef d’entreprise sans connaitre les dessous du métier et de l’activité en question. Certains se sont réfugiés derrière des critères, des plafonds qui leur étaient imposés… D’autres sont allés jusqu’à prétendre savoir…

Si les banques privées ont été confrontées à de telles difficultés, où donc l’État et sa Banque publique d’investissement iront-ils trouver les ressources adéquates ? Dans le secteur privé ? À quoi bon…

Permettre aux banques et institutions financières privées d’exercer leur métier

Il est souvent reproché aux banques privées de ne pas produire suffisamment de crédits et de ne pas injecter suffisamment de liquidités dans le financement de l’économie. Pour qu’elles puissent le faire, il y a une autre urgence, une urgence qui leur permettrait tout aussi bien – et sans doute mieux – de remplir la mission que l’État prétend confier à sa Banque publique d’investissement.

Les dispositions prudentielles, que s’apprête à imposer Bâle III, agissent comme une véritable épée de Damoclès sur le financement des petites et très petites entreprises. Ces nouvelles contraintes en matière de fonds propres vont entrainer mécaniquement une réduction de la distribution de crédits en entreprises – dont pâtiront en premier lieu les entreprises les plus fragiles.

Si des réglementations prudentielles et de bonne gestion sont sans doute nécessaires pour résister au risque de crise, les règlements en cours de négociation dans le cadre de Bâle III, notamment en matière de ratio de solvabilité et de ratio de liquidités, mettent en danger le financement de l’économie dans son ensemble.

Il est urgent d’envisager davantage de souplesse. C’est là que l’État peut utilement intervenir, en faisant pression sur ses partenaires européens.

À chacun, son métier.

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