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Brève histoire du Parti démocrate américain

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La préhistoire du parti

Le parti démocrate est issu du parti démocrate-républicain de Thomas Jefferson, constitué au milieu des années 1790. Le crédo majeur de ce parti est alors l’antifédéralisme, et il s’oppose alors à George Washington et consorts, regroupés au sein du parti fédéraliste. Ce dernier disparaît progressivement, laissant la voie ouverte aux démocrates-républicains, qui sont de la fin des années 1790 aux années 1820 le seul parti important à l’échelle nationale.

Evidemment, dans ces circonstances, il était difficile de préserver une unité. Andrew Jackson est alors une figure politique qui prend de plus en plus d’importance au sein du parti. Mais il ne plaît pas à tout le monde. Populiste, pro-esclavage, réputé pour sa froideur et son intransigeance, il inquiète les élites démocrates-républicaines, qui, malgré le fort soutien populaire dont il bénéficie, choisissent John Adams, un antiesclavagiste notoire, pour représenter le parti à la présidentielle de 1824.

Dès lors, le parti démocrate-républicain se scinde. Les partisans de John Adams, plutôt fédéralistes et représentant les intérêts des affairistes du Nord, se regroupent au sein du parti Whig. Les partisans d’Andrew Jackson, qui représente les populations du Sud et de l’Ouest créent également une nouvelle formation : le parti démocrate est né. Ces deux partis sont encore essentiellement fondés sur le clivage entre fédéralistes et confédéralistes. Seulement voilà, la vie politique américaine se déplace vers d’autres questions, notamment celle de l’esclavage et de l’expansion territoriale des Etats-Unis.

L’esclavagisme comme crédo

Les deux partis présents vont en souffrir. Le parti Whig, incapable de trancher fermement sur ces questions, va se décomposer au profit du parti républicain, rigoureusement abolitionniste, fraîchement créé et en pleine expansion. Ulcéré par le virage de plus en plus pro-esclavage entrepris par le parti et par le poids croissant des intérêts du Sud dans la ligne politique, tout un pan des démocrates quitte également le navire pour rejoindre les républicains.

Les démocrates, malgré le départ des abolitionnistes, continuent à se déchirer, entre les partisans du statu-quo (qui limitent l’esclavage à quelques Etats) et ceux de la généralisation à l’ensemble du territoire. Cette division fait, qu’à la présidentielle de 1860, le parti démocrate présente deux candidats. Le parti Whig, à l’agonie, ne pèse pas. Et c’est Abraham Lincoln, ancien Whig, abolitionniste et désormais républicain, qui l’emporte de justesse.

Le nouveau président des Etats-Unis est tout ce que le Sud exècre, et sa victoire étriquée ne l’aide pas à garantir sa légitimité. La sécession est inévitable, et, avec elle, la guerre civile. La défaite du Sud, incapable de soutenir l’effort de guerre imposé par les usines du Nord, l’est elle aussi. Le parti démocrate en souffrira pendant de longues années à l’échelle nationale, même si le soutien des esclavagistes et des ségrégationnistes lui permet de se maintenir fermement au Sud.

Une pénible remontée

Nationalement, il travaille alors toutes les minorités politiques (catholiques, juifs, colons de l’Ouest, etc…) pour se refaire une santé. Il obtient alors des républicains le retrait des troupes unionistes du Sud : immédiatement, une série de lois transforme de nouveau le Sud en bastion ségrégationniste. Mais, malgré quelques coups d’éclat conjoncturels, les démocrates n’arrivent pas à percer durablement : chacune de leurs victoires n’est liée qu’à une faiblesse ponctuelle républicaine. Basé sur le consortium des mécontents, des minorités, des laissés-pour-compte, le parti démocrate n’est en fait qu’une éternelle force d’opposition.

Il faudra un choc immense pour faire changer les choses. Ce choc, c’est la fameuse crise des années 1930. Les républicains, incapables de résoudre la crise et embourbés dans des considérations économiques dépassées, perdent énormément en crédibilité. Chez les démocrates, le très modéré Franklin Roosevelt en profite pour imposer sa vision interventionniste. L’échec du laisser-faire républicain lui ouvre la voie. Au sein de son propre parti d’abord – encore largement dominé par les réactionnaires et rétrogrades de toutes sortes – , puis à l’échelle nationale. Il est élu à la présidence en 1932.

L’épisode progressiste

Mais le progressisme ne fait pas que des heureux. Progressivement, et à force d’attaques antiségrégationnistes, le parti démocrate va perdre sa base électorale du Sud. Franklin Roosevelt, Harry Truman, John Kennedy et Lyndon Johnson sont les tenants de cette transformation. Leur libéralisme interne et leur opposition à la ségrégation leur apporte le soutien d’un nouvel électorat : les jeunes (du moins jusqu’à la guerre du Vietnam, qui coûtera cher aux démocrates) et les Noirs, notamment. Mais au prix de la désertion des Blancs du Sud, au profit notamment de républicains dont l’aile droite monte en puissance.

Une série de signaux avertit des dangers de la voie progressiste : lors de la présidentielle de 1968, les démocrates du Sud présentent un candidat dissident, qui annihile tous les espoirs de victoire de Hubert Humphrey, antiségrégationniste et proguerre du Vietnam – ce qui lui « permet » de s’aliéner à la fois le Sud et les jeunes – candidat démocrate d’alors.  En 1972, George McGovern, est balayé par Richard Nixon. Très à gauche, il est alors accusé d’être communiste par ses adversaires. Et le Sud, encore une fois, prive les démocrates de la victoire.

Recentrage politique et principe de réalité

Non viable politiquement (le Sud représente une trentaine de sénateurs), la voie du progressisme à tout-va est peu à peu abandonnée. Si le parti démocrate ne revient pas sur le cœur de son projet politique, il modère progressivement les velléités de son aile gauche. Jimmy Carter – qui était bien moins « progressiste » sur le plan intérieur que sur le plan international – est le premier visage de cette nouvelle orientation, davantage centristeBill Clinton, avec sa troisième voie à la fois relativement progressiste socialement mais très libérale économiquement, en est lui l’illustration parfaite.

En 2008, le camp progressiste revient sur le devant de la scène avec Barack Obama. Du moins, en apparence : finalement, nombre de ses réformes très progressistes et influencées par le concept d’Etat-providence ont en effet buté, autant sur l’opposition des républicains que sur le manque d’enthousiasme de bien des démocrates.

Le choix même du lieu de la convention nationale n’est pas un hasard : la Caroline du Nord est un Etat du Sud, un de ceux qui avaient choisi Barack Obama en 2008. Certaines voix chez les progressistes avaient appelé à un changement de lieu, après que la Caroline du Nord eut formellement interdit le mariage homosexuel. Mais les démocrates ont retenu la leçon : le calcul politique doit passer avant les considérations idéalistes.

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