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En s’effaçant, Martine Aubry bouderait-elle son Désir?

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« Je laisserai mon poste de premier secrétaire à la fin de la semaine, le parti est sur de bons rails, dans de bonnes mains », a-t-elle lancé sur France 2. «  Je laisse la place, je passe le témoin. C’est aussi une façon de montrer qu’il ne faut pas s’accrocher. Il y a tellement de gens qui s’accrochent, en considérant que seuls eux peuvent faire ! », s’est exclamée la maire de Lille.

Dès dimanche 16 septembre, Harlem Désir sera à la tête du PS. Chargé de l’intérim, en tant que numéro 2 du Parti – comme en 2011 durant la primaire citoyenne –, ce n’est que lors du Congrès de Toulouse des 27 et 28 octobre prochains, si sa motion remporte le vote des militants, les 11 et 18 octobre, qu’il deviendra premier secrétaire de plein droit – le 10ème depuis Alain Savary en 1969.

Respecter le vote des militants : la polémique est relancée

Harlem Désir s’est empressé de faire passer le message qu’il restait encore ce vote des militants et que c’est de ce suffrage qu’il « tirerait sa légitimité ».

Ces dernières semaines, les critiques avaient été nombreuses, y compris en interne, sur un mode de désignation du successeur de Martine Aubry jugé opaque – dans la mesure où, les principaux courants s’étant mis d’accord sur une motion commune, celui qu’ils choisiraient comme premier signataire serait assuré – sauf coup de théâtre – de devenir premier secrétaire. Le départ précipité de Martine Aubry a relancé la polémique.

Les auteurs d’une motion – sans doute minoritaire – pour le Congrès de Toulouse « Question de principe », Juliette Méadel et Gaëtan Gorce, ont ainsi invité sur Twitter à signer leur texte « en réaction au mépris de Mme Aubry, qui laisse sa place à Désir avant même le vote des militants ! »

La stupéfaction était de mise jusque parmi les cadres de la rue de Solférino, le siège du parti socialiste. Martine Aubry n’avait rien laissé paraître lors du conseil national de la veille et il semblait entendu qu’elle assurerait la transition jusqu’au Congrès.

Les dessous d’une sortie mal soignée

Pourquoi un tel comportement de la part de Martine Aubry ? Pourquoi n’a-t-elle pas souhaité mieux soigner sa sortie ? Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.

La première serait qu’elle a souhaité passer le témoin le plus rapidement possible et permettre à son successeur, qui se trouve être son numéro deux, de s’installer le plus rapidement possible dans les habits de premier secrétaire. Après l’annonce du choix d’Harlem Désir, entouré de Guillaume Bachelay et Olivier Faure, probables futurs n°2 et 3, elle avait indiqué que le PS était dans de bonnes mains. On ignore comment – et quand – Harlem Désir a été informé de la décision de la maire de Lille. On ignore aussi si cette décision le satisfait ou non. Il est contraint de faire avec et d’endosser ces nouvelles responsabilités tout en menant campagne pour remporter le plus largement possible le Congrès à venir.

La deuxième hypothèse serait que Martine Aubry déplorerait le choix d’Harlem Désir, et son départ serait alors une réaction de dépit. Les rumeurs du début de la semaine la déclaraient favorable à l’autre candidat pressenti, Jean-Christophe Cambadélis. Il ne fallait pas froisser Martine, répétaient à l’envie les membres du gouvernement la semaine dernière, Martine aurait-elle été froissée ?

Interrogée sur son avenir et sur la perspective de retrouver à plein temps sa mairie de Lille, celle qui sera dans quelques jours l’ex-premier secrétaire du parti socialiste a déclaré : « Je vais garder ma voix. (…) Je suis plus utile aujourd’hui là où je suis. Je ne sais pas ce qui se passera dans quatre, cinq, six, sept ans ».

La « Hollandie » est en place

Sans préjuger de la signification de ce nouvel épisode, il est certain qu’il vient confirmer un sentiment de plus en plus évident au fur et à mesure que s’est déployée l’alternance depuis le 6 mai 2012.

Si certains à gauche s’étaient imaginé que le « Président normal » serait un président sous influence, il semble qu’ils se soient fourvoyés. S’il donne parfois l’impression de ne pas maitriser toutes les affaires de la France ou, davantage encore, de l’Europe, si certains ont pu moquer la maitrise de ses affaires conjugales et familiales, il semble tenir fermement en main sa majorité, les socialistes.

La succession à la tête du parti socialiste est la dernière grande étape politique de l’installation du nouveau pouvoir, et le président de la République, suppléé par le Premier ministre, n’a montré aucune faiblesse. Au point de parvenir à un rassemblement à vocation majoritaire unique dans l’histoire du PS. Pour l’instant, François Hollande ne veut voir qu’une seule tête, la sienne. Président normal.

Pour l’instant… si la vague de gros temps prédite par de nombreux observateurs devait survenir d’ici quelques mois ou plus, ils seraient toujours tant alors de jouer sur les courants, de laisser s’élever des voix et de ressortir, par exemple, ses « -ex », exilées, Martine Aubry et Ségolène Royal.

Le mimétisme entre François Hollande et François Mitterrand ne se cantonne pas seulement à la gestuelle et au phrasé des discours de meeting. Le premier se révèle, dans ces nouvelles fonctions, en redoutable florentin. Qualités ou défauts, il lui restera à en faire usage – bon usage – ailleurs que dans les seules affaires de casting du parti socialiste.

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