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Europe Écologie-Les Verts: de drôles d’alliés pour François Hollande

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Le « non » du conseil fédéral d’Europe Écologie – Les Verts à la ratification du traité budgétaire européen, à Paris, samedi 22 septembre, a établi les conditions d’une crise – une première crise majeure – au sein de la majorité présidentielle. À peine quatre mois après l’alternance, c’est la question du maintien au gouvernement des deux ministres écologistes qui est posée – fût-ce à mots couverts. Les écologistes ont l’art du psychodrame, ils ont aussi l’art de s’octroyer – et de se voir octroyer – un poids politique sans doute supérieur à ce qu’ils pèsent réellement sur la scène nationale.  

Mais, après tout, disposant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, pourquoi les socialistes s’embarrasseraient-ils d’alliés aussi encombrants mais surtout aussi peu fiables que les écologistes d’Europe Écologie – Les Verts ?

Un parti majoritaire a toujours besoin d’un plus petit que soi…

Il n’y aurait rien de pire pour la majorité présidentielle que d’apparaître monolithique, et pour François Hollande de donner l’impression de gouverner tout seul, recroquevillé sur des affidés dépourvus de tout droit d’expression, de toute dissonance de vue.

C’est sans doute avec, parmi d’autres, ces considérations à l’esprit – mais aussi par souci de ne pas laisser filer au centre et à la gauche de la gauche des voix précieuses – que le Parti socialiste, il y a tout juste un an, en pleine primaire citoyenne, avait négocié un accord électoral et une plate-forme de gouvernement avec Europe Écologie – Les Verts. Un accord qui s’est révélé avantageux pour les Verts : un an plus tard, ils disposent de seize députés, de douze sénateurs – une représentation parlementaire sans précédent – et de deux ministres, Pascal Canfin et Cécile Duflot.

Des cartes rebattues à gauche

Si les Verts se sont imposés comme l’allié principal du Parti socialiste, non seulement au gouvernement mais aussi – depuis plus de dix ans – dans les collectivités territoriales, souvent cogérées par des alliances rose-vert, c’est parce que les alliés traditionnels à gauche ont cédé leur place.

Retenus par le Front de Gauche – dominé par le discours radical de Jean-Luc Mélenchon -, les communistes ont renoncé à empocher des maroquins, et pratiquent un soutien très critique au gouvernement sur la scène parlementaire. Les radicaux restent depuis longtemps dépendants du bouche-à-bouche socialiste et ne pèsent pour ainsi dire rien nationalement – pour preuve le pauvre score de Jean-Michel Baylet à la primaire à gauche.

Dans le même temps, au centre, aucune alternative crédible – et disposée à coopérer – n’a émergé. On pense à François Bayrou et au Modem

Les Verts souffrent d’un manque de culture de gouvernement

Au sein des instances dirigeantes d’Europe Écologie – Les Verts, prévaut encore une tradition contestataire. Malgré des années passées dans les exécutifs  locaux – et cinq années au gouvernement sous Lionel Jospin, ce mouvement – composé de nombreux militants associatifs – ignore, ou feint d’ignorer, les compromis nécessaires à l’appartenance durable à une majorité durable. Et puis, le moins que l’on puisse dire, c’est que la plupart les responsables verts ont du mal à respecter un ou une chef, une pensée dominante.

Aussi, pour beaucoup, avoir deux ministres au gouvernement et deux groupes parlementaires, ce sont des dus, la récompense – et le prix – de leur soutien qu’ils considèrent indispensables. À EELV, la tendance a sans doute été à surévaluer le réel poids politique de l’organisation, qui ne saurait être confondue avec l’engouement pour les idées écologistes et, notamment, la défense de l’environnement. Pour une large part, à quelques exceptions près, le vote écologiste demeure le plus souvent un vote par défaut ou, plutôt, par souci de faire pression.

De l’autre côté du miroir aux alouettes

Que les premières dissensions entre Europe Écologie – les Verts et l’exécutif interviennent sur le traité budgétaire européen est sans surprise. Qu’il provoque une rupture de ban de l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit n’est pas véritablement une surprise…

Le pari même de la création d’EELV était un pari osé puisqu’il s’agissait, en 2008, sous l’impulsion de l’ancien leader de mai 68 de réunir responsables politiques et associatifs au sein d’une alliance capable de dépasser le périmètre partisan des Verts et leurs incessantes querelles de famille, et allant de « NKM à Besancenot ». NKM et Besancenot, sans surprise, sont restés à l’écart, mais il n’en reste pas moins que l’attelage EELV a réuni des traditions bien différentes, certaines franchement européennes, fédéralistes à tout prix, et d’autres plus eurosceptiques ou partisan d’une « autre Europe » – selon le jargon de la gauche de la gauche.

Les premiers succès électoraux – 16,3 % aux Européennes de 2009 ou 12, 2% aux régionales de 2010 – et la perspective d’une arrivée de la gauche au pouvoir – synonyme d’élus et de postes – a relégué ces querelles au second plan. La campagne présidentielle ratée, en partie en raison de l’erreur de casting « Eva Joly », a été justifiée par le manque d’appétit du mouvement pour un scrutin trop incarné et le refus du présidentialisme. La victoire passée, l’essentiel des places assuré pour cinq ans, le naturel a repris le dessus. Ils n’auraient donc que peu appris…

Le jeu dangereux du grand écart

Le départ annoncé de Daniel Cohn-Bendit qui, vice-président du groupe écologiste au Parlement européen, n’admet avoir d’ambition qu’entre Bruxelles et Strasbourg, serait une perte pour les écologistes français, mais qui ne saurait être fatale.

Qu’une partie d’EELV, surtout du côté des anciens « Verts », soit de tradition plus gauchiste – et à ce titre, plus proche de l’aile gauche du PS ou des Mélenchonistes du Front de Gauche – et qu’ils expriment un certain malaise vis-à-vis d’une politique économique perçue comme restrictive et préféreraient, comme la gauche de la gauche, la mise en œuvre d’une politique keynésienne de relance par la dépense, là non plus il n’y a rien de nouveau.

En revanche, qu’il suffise au conseil fédéral d’EELV de quatre mois pour tourner le dos à la solidarité gouvernementale et parlementaire, pour mettre en porte-à-faux leurs deux ministres – dont ils ont validé la participation gouvernementale -, voilà qui, sur le long terme, pourrait coûter beaucoup plus cher aux écologistes français.

François Hollande ne devra pas tarder à en tirer les conséquences, au risque, dans le cas contraire, de donner, une fois de plus, l’impression de manquer d’autorité.

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