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Faire du Crédit immobilier de France une banque publique du logement

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Fin août, confronté à des problèmes de liquidités, le Crédit Immobilier de France, qui se finance exclusivement sur les marchés financiers – à la différence des banques de dépôt -, chutait et le gouvernement – sous l’influence de la direction du Trésor et pour des raisons encore floues – lui portait le coup de grâce : après l’accord d’une garantie financière, le tout-puissant Trésor enjoignait les dirigeants du groupe, pointés du doigt pour n’être pas parvenus à un rapprochement avec La Poste, à cesser la production en imposant des critères d’octroi trop strictes pour la clientèle modeste de l’établissement – pas de crédit au-delà de vingt ans, un apport personnel de 20% minimum et un taux d’endettement plafonné à 33%.

Un formidable gâchis auquel les acteurs du monde HLM n’entendent pas se résoudre

L’UESAP – Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété – est l’instance qui réunit l’ensemble des 56 SACICAP – Sociétés coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété -, elles-mêmes actionnaires uniques du Crédit Immobilier de France.

Lors de son conseil d’administration du 31 août dernier, l’Union a appelé l’État à examiner « dans toutes ses dimensions les différentes options possibles pour le Crédit Immobilier de France, pour ne pas détruire un outil doté d’un savoir-faire et de moyens que l’on regretterait bientôt ».

Le coût faramineux d’un démantèlement du CIF

Pour les administrateurs, ce qui est en jeu est considérable. Modèle social original, le CIFplus ancien réseau spécialisé indépendant français, créé en 1908 pour aider les travailleurs à devenir propriétaires, ne coûte rien à la collectivité mais lui rapporte au contraire de plusieurs façons. Procéder à l’extinction de ses activités, c’est déjà perdre 2500 emplois, ceux des collaborateurs du Crédit Immobilier de France, mais aussi tous les emplois indirects dans les travaux que financent ces prêts. L’ordre de grandeur pourrait être de l’ordre de 250 000 à 300 000 emplois au total.  

L’arrêt des activités du CIF aura pour conséquence l’impossibilité d’accéder à la propriété pour des centaines de milliers de ménages modestes, qui se voient déjà – et se verront – refuser des crédits par les banques traditionnelles. 100 000 familles pourraient être contraintes de rester locataires.

La baisse des recettes fiscales induites pourrait aboutir à une perte sèche de 3 à 4 milliards d’euros pour le budget public.

Le Crédit Immobilier de France, un outil majeur de la politique sociale du logement

Un outil majeur de la politique du logement, le CIF l’est aussi à travers le versement de la totalité de son résultat disponible – après paiement de l’impôt sur les sociétés – aux SACICAP, organismes à but non lucratif mais fiscalisés, qui utilisent leurs bénéfices pour accomplir des missions sociales à titre gratuit, en faveur des propriétaires pauvres, souvent en zone rurale : lutte contre la précarité énergétique et l’insalubrité, adaptation des logements pour le maintien à domicile de personnes âgées ou handicapées, aides aux travaux dans des copropriétés dégradées. En 2011, 45 millions d’euros d’interventions ont été effectuées par le réseau des SACICAP, permettant de réaliser 250 millions d’euros de travaux. Sans leur intervention, ces travaux n’auraient pu être faits.

Une solution : intégrer le CIF à la sphère publique

Pour l’UESAP, « le CIF pourrait être au moins partiellement intégré à la sphère publique » et servir ainsi d’outil au service de la politique publique d’accession à la propriété. Si elles ne sont pas nommées, la Banque Postale et surtout la Caisse des dépôts font figure de réceptacles pour cette mission. La Banque Postale a fait état de ses réticences en empêchant un rapprochement en juin dernier.

La solution serait donc du côté de la Caisse des dépôts, désormais dirigée par Jean-Pierre Jouyet. Un tel adossement pourrait s’appuyer sur les ressources nouvelles générées par l’augmentation du plafond du Livret A, donnant ainsi toute sa légitimité à cette décision qui semble aujourd’hui poser quelques problèmes aux établissements financiers par la captation de liquidités qu’elle pourrait entrainer.

Vers une Banque publique du logement

Cette étape ne serait que transitoire. Ensuite, une modification du capital du Crédit Immobilier de France, avec l’entrée éventuelle de collectivités locales pourrait assurer sa pérennité et positionner définitivement cet établissement financier dans un contexte d’organisme d’intérêt public.

Ainsi, l’État se doterait d’une Banque publique du logement, capable d’entrainer une politique dynamique du logement, encourageant, en particulier, l’accession sociale à la propriété, générant ainsi de considérables recettes fiscales et dynamisant le secteur du bâtiment, créateur d’emplois.

En attendant…

Ce que craint l’UESAP – une crainte entretenue par les silences du gouvernement -, ce serait que le démantèlement du CIF « ne soit que l’instrument d’une captation pure et simple des fonds propres » de 2,4 milliards d’euros. Une première tentative de ponction avait été déjouée en 2006.

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