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François Hollande: le redressement avant le changement

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Une introduction posant, en quelques échanges – pour respecter la forme de l’interview – la problématique ou, plutôt, les problématiques : « De l’impatience, (…) de l’inquiétude », admettait le chef de l’État ; « 3 millions de chômeurs (…) une croissance à peine supérieure à  zéro », relançait la présentatrice-vedette ; « Le gouvernement n’a pas perdu son temps », lui répondait-il avant de lancer un volontariste : « Il faut accélérer, j’accélère. »

Et sur la forme, il a accéléré… Face à une Claire Chazal que l’on avait connue plus pugnace et qui, ce dimanche, s’est contentée d’assurer les transitions, le président de la République a offert un visage inédit à la plupart des Français. Cherchant sans doute à rassurer par une expertise certaine, François Hollande s’est fait professeur d’économie, comme il y a vingt ans lorsque, battu aux législatives de 1993 et relégué à la Cour des comptes, il enseignait cette matière aux étudiants de Sciences-Po. Souvenir de la Rue Saint-Guillaume, sa démonstration comportait, comme il se doit, deux parties et deux sous-parties…

L’Agenda 2014, l’arme hollandaise contre la crise

Un nouveau terme est apparu dans la novlang élyséenne : l’Agenda 2014, où l’ensemble des mesures qui doivent permettre, d’ici 2 ans, fin 2014, de redresser les comptes de la nation – d’entamer la réduction du déficit et de l’endettement publics – et d’inverser la tendance sur le marché du travail.

Le vocabulaire utilisé par François Hollande était volontariste, combattif : il se place « en position de combat ». À la journaliste qui tente de lui parler « héritage », il rétorque que, si « le passé compte, (il) doit engager l’avenir. »

Son Agenda 2014 a deux composantes : le « sérieux budgétaire » – il prend soin de ne pas prononcer le terme d’austérité au point de lui préférer le terme de « discipline » lorsqu’il est repris – et le « soutien à la croissance ».

Soutenir la croissance pour inverser la courbe du chômage

C’est par la question de l’emploi, « le problème n°1 », que débute l’exposé présidentiel. L’objectif fixé est d’interrompre la hausse du chômage d’ici à la fin 2013 et de repartir à la baisse en 2014.

D’abord, un bref rappel des mesures déjà connues et déjà à l’ordre du jour du Parlement – les 100 000 « emplois d’avenir », nouvelle version des emplois-jeunes, dans le secteur public et associatif, puis le « contrat de génération », censé encourager le maintien des seniors dans l’entreprise et les échanges d’expériences intergénérationnels.

Ces deux mesures ressassées au cours des 100 premiers jours du nouveau locataire de l’Élysée ne sauraient suffire, et celui-ci l’admet. Pour créer de l’emploi, il faut « faire plus », assurer un meilleur financement de l’économie et stimuler la croissance

Réformer le marché du travail

Le président de la République annonce d’abord une réforme du marché du travail, « ne pas accentuer la précarité des salariés » mais « permettre aux entreprises de s’adapter aux aléas de la conjoncture. »François Hollande explique que les salariés doivent être mieux protégés mais que les entreprises doivent être davantage soutenues – sans que cela soit incompatible.

Quelques exemples… Pour atténuer les conséquences tragiques des plans sociaux, ceux-ci devraient être mieux anticipés. En cas de nécessité de recours au chômage partiel, les salariés pourraient bénéficier, dans le cadre d’accord entre entreprises et pouvoirs publics, de modules de formation.

En écho à la conférence sociale du mois de juillet, cette réforme du marché du travail fera l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux. Si d’accord il n’y avait pas d’ici à la fin de l’année, alors le gouvernement réformerait d’autorité – en déposant un projet de loi.

La compétitivité, clé de voûte

Seconde clé du soutien à la croissance et de la baisse du chômage, la compétitivité et la question du financement de la protection sociale. François Hollande souhaite faire en sorte que le travail – les charges sociales et patronales – ne soit plus la seule source de financement de la protection sociale.

À la question de savoir si cela signifiait un transfert vers la CSG – contribution sociale généralisée qui frappe à la fois revenus du travail et du capital -, l’hôte de l’Élysée a botté en touche. Certes, les allégements de charges sociales seront compensés par l’augmentation d’autres taxes, la CSG peut-être mais aussi, par exemple, des taxes écologiques. Dans tous les cas, cela devrait contribuer à l’allégement du coût du travail à proprement parler.

Le « sérieux budgétaire » pour garantir l’indépendance nationale

François Hollande a annoncé que le budget 2013 était en cours d’élaboration sur la base d’un taux de croissance de 0,8% – contre 1,2% en 2012, mais au-delà des prévisions de l’OCDE notamment. Ensuite, il s’est félicité que la France soit en mesure, ces dernières semaines, d’emprunter sur les marchés obligataires à des taux historiquement bas – de l’ordre de 2%, avant d’ajouter que seule la réduction des déficits pouvait permettre de garantir, sur le long terme, l’indépendance du pays vis-à-vis des marchés.

Conformément au rapport de la Cour des comptes, rendu public en juin, ce sont bien une trentaine de milliards d’euros que l’exécutif doit trouver dans le budget 2013, ce sera trois fois 10 milliards

10 milliards d’économies budgétaires

Trois ministères prioritaires ne seront pas impactés : l’éducation, la sécurité et la justice. Tous les autres ministères seront mis à contribution : « pas un euro de plus ne sera dépensé en 2013 qu’en 2012 », « les emplois créés dans l’éducation seront compensés par des non-remplacements de postes ailleurs ».

10 milliards de prélèvements sur les entreprises

François Hollande a affirmé qu’il s’agit de « raboter des niches fiscales » et non d’augmenter l’impôt sur les entreprise – et que cela viserait, avant tout, les grandes entreprises. Une distinction serait faite entre les bénéfices investis et les bénéfices partagés – plus durement frappés. Enfin, il s’agirait de protéger les PME, d’encourager l’innovation et l’exportation, grâce, notamment, à la future Banque publique d’investissement.

10 milliards de prélèvements sur les ménages

Claire Chazal interroge le président de la République sur le « cas Bernard Arnault » : « Être Français, c’est recevoir et donner à son pays », lance François Hollande après avoir estimé que le PDG de LVMH avait peut-être été un peu rapide dans son annonce de solliciter la nationalité belge.

Sur les 75% d’imposition sur les rémunérations supérieures à 1 million d’euros… Il s’agirait d’une « contribution exceptionnelle » – le temps de l’Agenda 2014 – dont le taux inclurait tous les autres prélèvements (CSG…) et, contrairement aux annonces de ces derniers jours, les rémunérations exceptionnelles des artistes ou sportifs ne seraient pas exonérées. Au total, 2000 à 3000 contribuables seraient concernés.

Mais l’essentiel est ailleurs… les impôts de nombreux Français vont augmenter mais le détail n’en a pas été dévoilé. Le Président a évoqué les « revenus les plus hauts », « les revenus du capital taxés comme ceux du travail », « un effort pour les revenus supérieurs à 150 000 euros » et l’ISF… sans livrer davantage de détails. Il faudra attendre la discussion budgétaire à partir d’octobre.

Lui, Président…

Exercice convenu d’un début de quinquennat, le président de la République est interrogé sur sa relation avec son Premier ministre : Jean-Marc Ayrault anime, coordonne, met en œuvre les décisions, il est « sérieux », « respectueux », « travaille en bonne intelligence »… « C’est tellement agréable… »

Le temps imparti touche à sa fin. Claire Chazal se montre prévenante et s’inquiète des sentiments de François Hollande après quatre mois de mandat : « Je dois fixer le cap, je le fais ; je dois fixer le rythme et les étapes, je viens de le faire », affirme-t-il avant de conclure : « Je sais où je vais, je le dis aux Français ».

Si l’exposé a été plutôt bien délivré, il n’est pas, pour autant, certain que les Français aient pu tout comprendre, tout bien comprendre. Que les temps soient difficiles, ils l’avaient sans doute déjà compris… alors, ils retiendront sans doute que, d’ici deux ans, les objectifs de l’Agenda 2014 remplis, viendra le temps d’un autre agenda, celui de la construction d’une société solidaire. C’était la promesse de ce dimanche 9 septembre.

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