Site icon La Revue Internationale

Îles Senkaku: des enchères sous haute tension

ehnmark.jpgehnmark.jpg

[image:1,l]

Les îles de la discorde

Alors qu’il vient de s’entendre sur le prix des îles Senkaku (en tout, trois îlots) avec leurs propriétaires privés, le Japon aura du mal à faire face aux critiques de la Chine, qui revendique également le territoire. Pourtant, le pays du soleil levant a peut-être permis d’éviter une crise diplomatique encore plus complexe.

La lutte pour les îles Senkaku, un groupe d’îlots que la Chine apelle Diaoyu, a pris une tournure différente la semaine dernière. Les médias japonais ont en effet déclaré que le gouvernement allait dépenser 2,05 milliards de yens (26,1 millions de dollars) pour se les procurer. Les propriétaires les louaient depuis 1970.

En citant des sources gouvernementales, les journaux japonais (le Yomiuri et le Asahi) ont expliqué qu’un accord avait été trouvé lundi dernier, lors de négociations secrètes. La colère de la Chine était prévisible. « La nationalisation des îles Diaoyu est vécue comme une violation de la souveraineté de la Chine, et blesse profondément le peuple chinois », a déclaré Hong Lei, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

« Je tiens encore une fois à souligner que leur acte unilatéral avec les îles Diaoyu est invalide et illégal. La détermination de la Chine ne changera pas en ce qui concerne la protection de son territoire. Nous observons la situation et nous prendrons la mesure nécessaire pour défendre notre souveraineté. »

Une lutte interne

Mais la mise en place d’un plan alternatif pour ces îles, entourées de riches zones de pêche et situées près de potentiels gisements de pétrole et de gaz, aurait pu être beaucoup plus difficile.

L’intérêt du Japon pour les îles Senkaku, situées à environ 2000 kilomètres de Tokyo, a réellement débuté lorsque le gouverneur de la capitale Shintaro Ishihara a proposé de les acheter en avril 2012. Un achat censé les protéger « des interférences chinoises », avait-il expliqué.

Ne pouvant tolérer que le gouverneur de Tokyo (très marqué à droite et en froid avec la Chine) paraisse prendre les choses en main à sa place, Yoshihiko Noda, l’actuel Premier ministre japonais, a fait une offre concurrente à celle de Shintaro Ishihara, qui avait déjà récolté 1,4 milliard de yens en dons public.

Aujourd’hui, cependant, il semble que Noda ait remporté l’appel d’offres. Les journaux ont rapporté que les parties s’attendent à sceller un accord dans les prochaines semaines, en attendant l’approbation du Cabinet« Nous sommes en négociation avec le propriétaire et nous essayons de savoir où en est la situation entre le gouvernement central et le gouvernement métropolitain de Tokyo », a déclaré le porte-parole du chef du gouvernement japonais, Osamu Fujimura. « Une annonce sera faite lorsque nous achèverons les négociations ».

[image:3,l]

Un été brulant

Ces négociations font suite à un été perturbé par des incidents territoriaux dans l’Est de l’Asie. La Chine a mis en colère ses voisins, en particulier Taiwan et les Philippines, en revendiquant de manière agressive les iles du Sud. Le Japon est, quant à lui, rentré en désaccord avec la Corée du Sud concernant des îles que les deux pays réclament.

L’humeur semble tout de même à la conciliation, puisque la Corée du Sud a déclaré que les exercices de défense prévus pour ce week-end ne seraient plus simulés sur les îles Dokdo en question (appelées Takeshima au Japon).
Un porte-parole du président sud-coréen Lee Myung-bak a nié que « l’invasion » ait été annulée pour apaiser le Japon. « Les exercices de défense sur les îles Dokdo ne sont pas simplement militaires. Il s’agit d’un exercice de nature politique, visant à montrer notre volonté de ne tolérer aucune agression sur notre territoire sacré »

Les États-Unis pris entre deux feux

L’embrasement autour des îles Senkaku est problématique pour les États-Unis. Dans le cadre du traité de sécurité  américano-japonais de 1960, Washington doit venir en aide au Japon si un de ses territoires est attaqué. Mais lors d’une visite officielle à Pékin mercredi 5 septembre, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a déclaré aux journalistes que les États-Unis ne favoriseraient pas un camp par rapport à l’autre. Une décision qui intervient quelques jours à peine après que la Chine a clairement annoncé qu’une ingérence américaine serait malvenue.

[image:2,l]

La tension autour des Senkaku s’est intensifiée en septembre 2010, lorsqu’un bateau de pêche chinois est entré en collision avec deux navires de la garde côtière japonaise. Afin d’éviter que la situation ne dégénère, le Japon a arrêté le capitaine du bateau de pêche, mais l’a ensuite relâché sans inculpation.

Entre diplomatie et provocation

Mise à part son plan de nationalisation, Yoshihiko Noda semble déterminé à apaiser les tensions en acceptant de ne pas construire une jetée ou d’autres installations sur les îles. Un geste qui aurait de graves répercussions, avait averti la Chine.
Shintaro Ishihara, en revanche, avait laissé entendre qu’il voulait bâtir un observatoire météorologique et des docks. La semaine dernière, il avait aussi déclaré qu’il construirait des abris contre les typhons pour les pêcheurs japonais. Il a récemment déclaré que le propriétaire des Senkaku lui avait dit que le marché devait être finalisé avec lui, alors que l’offre des responsables tokyoïtes était encore en jeu.

Un bras de fer nationaliste

Ce récent bras de fer a enflammé les sentiments nationalistes de la Chine et du Japon. Un groupe de militants hongkongais a d’ailleurs été arrêté en atterrissant sur les îles. En Chine, des manifestations ont eu lieu, et des groupes de nationalistes japonais ont fait de même quelques jours après.

Retirer Ishihara de l’équation, si les dires des médias s’avèrent confirmés, aura peut-être été perçu comme un acte diplomatique de la part de Noda. Mais cela ne suffira pas à faire taire la clameur des médias chinois.

« Il sera difficile d’apaiser les relations tendues entre la Chine et le Japon si les Japonais continuent d’adopter une approche à deux faces comme celle-ci. D’un côté, exprimer de la bonne volonté et de l’autre, permettre aux forces de droite de kidnapper le gouvernement et l’opinion du pays », pouvait-on lire dans un éditorial du Quotidien du Peuple, le mercredi 5 septembre dernier.

Global Post / Adapatation Henri Lahera pour JOL Press

Quitter la version mobile