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Jacques Myard: «Il faut être ferme face à l’idéologie salafiste»

[image:1,l] « Innocence of Muslims », brûlot anti-Islam, ridiculisant le prophète Mahomet, a suscité une vague de violences anti-américaines, anti-occidentales, anti-chrétiennes, à travers le monde arabo-musulman et menace aujourd’hui de s’étendre au monde occidental. La France n’est pas à l’abri – comme l’a montré la manifestation salafiste du samedi 15 septembre aux abords de l’ambassade américaine à Paris et, désormais, les appels à de nouveaux rassemblements samedi prochain.

Nous avons interrogé le député UMP des Yvelines, Jacques Myard, avant que la publication de nouvelles caricatures du prophète par l’hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo ne vienne accentuer ces tensions – un fait au-delà du jugement que l’on peut porter sur l’initiative. Nous avons voulu connaitre sa position de long terme sur la question de l’islam fondamentalsite, au-delà des seules réactions ponctuelles à des événements d’actualité – fussent-ils tragiques et préoccupants. Entretien.

JOL Press : Comprenez-vous les réactions suscitées par le film « Innocence of Muslims » ?

Jacques Myard, député des Yvelines : Je n’ai pas vu ce film. Ce n’est qu’un prétexte. En réalité, la notion de blasphème est très prégnante dans la religion musulmane. Qu’un chansonnier se moque du Pape ne suscite pas de telles réactions. Le christianisme et le catholicisme, en particulier, ont fait leurs mues en la matière.

N’oublions pas que le Chevalier de la Barre a été mis à mort pour ne pas s’être découvert devant le Saint-Sépulcre

Le prosélytisme islamique progresse

JOL Press : La religion musulmane est-elle prosélyte par nature ?

Jacques Myard : On assiste à une montée en puissance de formes de prosélytisme islamique. Ce n’est pas nouveau, c’est même cyclique et cela se traduit par des appels au djihad. Ce n’est pas suivi par la majorité des musulmans, les djihadistes ne sont pas majoritaires.

L’islam est une religion holistique, elle se veut exclusive et prétend détenir la vérité. Celui qui ne respecte pas ses principes est un impie et ne bénéficie pas de la protection de l’Oumma, la communauté des musulmans.

Ainsi, si le Coran dit : « Lorsque tu tues un innocent, tu tues tout l’univers », l’innocent doit appartenir à l’Oumma. Si l’innocent tué n’appartient pas à la communauté des musulmans, si c’est un impie, c’est le paradis assuré pour l’auteur du crime.

Nous avons longtemps refusé de l’admettre – et refusons toujours – mais nous assistons à un choc des cultures et des civilisations.

Dans le monde arabe, une pression croissante sur ce qui n’est pas musulman

JOL Press : Après le Printemps arabe, printemps des peuples, printemps démocratique, on voit poindre un hiver fondamentaliste ?

Jacques Myard : La situation est préoccupante, je suis préoccupé par ce qui se passe au Mali, en Tunisie et en Égypte, les fondamentalistes sont désormais au pouvoir et où l’on observe une pression croissante sur tout ce qui n’est pas musulman. Si, en Algérie, l’ordre républicain a été préservé, c’est au prix de la guerre civile.

Nous avons peut-être eu un décryptage un peu angélique des Printemps arabes dont les revendications initiales n’étaient pas religieuses. Nous ne devrions pas oublier que l’histoire est par nature tragique.

Al-Qaïda n’est ni le Komiform, ni le Komintern

JOL Press : Autre aspect de cette radicalisation, le terrorisme… Est-ce un phénomène coordonné, internationalisé ?

Jacques Myard : On agite souvent le spectre d’Al-Qaïda. Mais, Al-Qaïda, ce n’est ni le Kominform, ni le Komintern. C’est une idéologie franchisée, auto-franchisable même. Il n’existe pas de liens formels entre les différentes cellules, juste une communauté de vues et d’objectifs. L’idéologie fondamentaliste, « salafiste », se propage sans commandement unique, tirant notamment profit des nouveaux moyens de communication, comme Internet.

JOL Press : Et le phénomène s’étend désormais aux communautés musulmanes en Occident…

Jacques Myard : Oui, il y a effectivement une projection sur le territoire national, et cela m’inquiète. Nous l’avons bien vu, déjà, au moment de l’Affaire Mohammed Merah. Certains ont cherché à en faire une victime, alors, qu’en réalité, il avait reçu une formation en vue de tuer.

Ne pas transiger sur les lois de la République

JOL Press : Quelles réponses préconisez-vous ?

Jacques Myard : Il n’y a pas de solutions miraculeuses. Il faut avant tout appliquer – et faire appliquer – les lois de la République, empêcher toutes dérives communautaires.

Il faut ensuite instiller le doute dans l’apprentissage de cette religion holistique. J’appelle à la plus grande fermeté. Si chacun a droit à la liberté de conscience, il faut que la République redevienne militante. Nous devons mieux défendre, affirmer, les valeurs républicaines. Et ne pas craindre d’affirmer qui nous sommes et ce en quoi nous croyons.

Je suis pessimiste, je crains davantage de violences. Et la manifestation samedi 15 septembre, en plein coeur de Paris, près de l’ambassade américaine, de salafistes confirme ce phénomène. Cela est inacceptable

JOL Press : Et à l’étranger… comment empêcher que dans tous les pays musulmans les fondamentalistes ne prennent le pouvoir.

Jacques Myard : Dans tous ces pays, nous devons aider les forces républicaines et démocratiques. Nous devons les soutenir et intervenir auprès des États. Nous devons être idéologiquement plus forts. Au Maghreb et en Tunisie, en particulier, nous pouvons – et devons – nous appuyer sur le mouvement féministe.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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Maisons-Laffitte depuis 1989, Jacques Myard est député des Yvelines depuis 1993, membre de la Commission des affaires étrangères, ainsi que de la délégation pour l’Union européenne. Il appartient à l’UMP

Conseiller des affaires étrangères, il a débuté sa carrière en 1973 après son service national à Alger. Il est nommé secrétaire d’ambassade à Lagos puis, en 1977, officier de liaison à la division politique du gouvernement militaire français de Berlin. En 1980, il rejoint la direction des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères. De 1986 à 1988, Jacques Myard est conseiller technique auprès de Michel Aurillac, ministre de la Coopération. 

Jacques Myard préside un groupe de réflexion politique, le Cercle Nation et République, qui défend la souveraineté de la France et les valeurs de la République.

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