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La Fed, un bateau à la dérive dans la tempête économique (1/2)

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Nous évoquions, dans le dossier d’hier, que la crise actuelle était pire que celle de 1939. Nous pointions également, à notre sens, les erreurs fondamentales d’analyses et les postulats erronés qui président aux actions des banques centrales partout dans le monde. Nous apprenons, aujourd’hui, que la Fed ne sait pas ce qu’il faut faire.

L’un de ses dirigeants, Richard Fisher, président de la Fed à Dallas, a déclaré mercredi que « la banque centrale des États-Unis (Fed) n’a absolument aucune idée de ce qu’il convient de faire pour sortir l’économie américaine de l’ornière ». Il insiste en expliquant que « la vérité, cependant, est que personne au sein du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) ou de la banque centrale ne sait réellement ce qui entrave l’économie ».

La Fed se lance dans de nouveau rachats de titres de créances immobilières, à raison de 40 milliards de dollars par mois

Il conclut en disant : « Personne ne sait ce qui marchera pour remettre l’économie sur la bonne voie. » Alors que la croissance économique américaine n’arrive pas à repartir, la Fed a décidé de se lancer dans de nouveaux rachats de titres de créances immobilières à raison de 40 milliards de dollars par mois et annoncé qu’elle continuerait tant que « la perspective du marché du travail ne s’améliorerait pas nettement ».

M. Fisher (le gouverneur de la Fed de Dallas) estime que « des milliers de milliards de dollars prodigués abondamment par la Réserve fédérale dorment dans les coffres des banques, des entreprises ou de fonds monétaires et que continuer à inonder le marché de liquidités ne mènera à rien. »  Néanmoins, il croit bon de nous indiquer : « Je prie pour que cela marche. » Dit comme cela de la part de nos autorités monétaires, c’est sûr que c’est rassurant.

L’économie américaine et un bateau aux mains d’un équipage ivre et d’un capitaine qui ne sait pas quoi faire

Il a exhorté une nouvelle fois le Congrès américain à agir pour compléter l’action de la Fed au lieu « de tout faire pour décourager le création d’emplois » en ne réglant pas la question de la dette publique américaine et en contribuant ainsi à alimenter un climat d’incertitude défavorable à l’investissement. Son intervention s’est achevée sur une note humoristique également fort rassurante puisqu’il a fait la petite comparaison suivante à propos de la classe politique américaine. « Je suis tenté de recourir à ce rapprochement éculé comparant notre Congrès dévoyé à un équipage de marins ivres, mais ceux d’entre vous qui sont patriotes pourraient en prendre ombrage et faire valoir qu’une telle comparaison pourrait être perçue comme une insulte aux marins ivres. »

Si nous résumons donc l’avis du gouverneur de la Fed de Dallas, l’économie américaine est un bateau aux mains d’un équipage ivre et le capitaine ne sait absolument pas quoi faire pour manœuvrer son bateau. Ce n’est peut-être pas rassurant, mais c’est exactement ce que je pense.

Le proverbe japonais dit la chose suivante : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. » Par extension, pour les économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc à un besoin de croissance. C’est ainsi que Dennis Meadows – auteur du rapport du même nom – a résumé très brillamment le problème intellectuel majeur qui se pose à l’ensemble de nos économistes. Ils ont grandi et ont appris le monde économique uniquement à travers le prisme de quelques concepts peu nombreux qui sous-tendent l’ensemble.

Premier pilier de l’économie : la croissance, éternelle et à tout jamais. Imaginer qu’une croissance économique infinie dans un monde fini puisse un jour poser un léger problème est un horizon pour eux indépassable. Or, nous buttons sur la raréfaction des ressources naturelles. Comme le disait un ministre saoudien, « l’âge de pierre n’a pas pris fin par manque de pierres. L’âge du pétrole ne prendra pas fin par manque de pétrole mais parce que le pétrole sera trop cher. » Il y en aura toujours, ou presque, mais combien coûteront les dernières gouttes ? Le premier pilier se fracasse donc sur la réalité d’une planète Terre qui est un espace fini.

La croyance erronée en un progrès linéaire et perpétuel

Deuxième pilier de l’économie : la répartition de la création de richesses par le travail, pour toujours. Imaginer qu’un jour l’homme puisse s’abstraire de la nécessité de travailler est une incongruité inconcevable. Pourtant, en termes philosophiques, lorsqu’Adam et Eve sont virés du Jardin d’Eden, où ces grands fainéants ne travaillaient même pas 35 heures mais pas du tout, c’est parce qu’ils ont péché. Certes. Mais ce qui est passionnant, c’est que la punition, c’est d’être envoyés sur Terre et de devoir travailler. Sauf que… dotés d’intelligence, Adam et Ève, ainsi que leurs descendants, vont s’échiner pendant quelques millénaires à mettre leur créativité au service de leur travail.

Toute l’aventure technique humaine, de l’invention de la roue à celle du palan, a pour objectif de faciliter le travail de l’homme. Au bout de ce processus arrivent évidemment les robots, capables de nous remplacer dans toutes les tâches ingrates de production. Dès lors, le pilier du travail comme vecteur de répartition des richesses dans l’économie s’effondre lamentablement.

Troisième pilier de l’économie : la croyance dans un progrès forcément linéaire et perpétuel. Il ne peut pas y avoir de recul, de marche arrière. On oublie que le Moyen Âge suit l’Empire romain dont les connaissances techniques et l’organisation des villes avaient atteint un niveau étonnant. Il faudra attendre 1000 ans environ et la Renaissance pour mettre fin à cette période ténébreuse. Ce troisième pilier n’est donc pas plus solide que les deux premiers, quand bien même certains me feront remarquer que tout n’était pas aussi noir au Moyen Âge. Certes, mais cela reste dans l’épaisseur du trait.

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