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L’affaire du« film anti-islam» va-t-elle peser sur l’élection américaine?

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Les sujets internationaux avaient jusqu’ici peu de place dans la campagne présidentielle américaine

Faites attention à ce que vous souhaitez. Il y a tout juste quelque mois, des drogués de politique extérieure tel que moi exprimaient leur regret de la faible place qu’occupait l’international dans la campagne présidentielle américaine. De fait, avec une économie en ruine et des électeurs inquiets pour leurs emplois, leurs maisons et leur sécurité sociale, il semblait ne rester que peu de place pour parler des problèmes d’autres pays. Une situation qui convenait très bien au candidat républicain Mitt Romney. De fait, plus d’un expert a plaisanté sur le fait que l’expérience de Mitt Romney en matière de politique internationale se limite aux banques étrangères dans lesquelles il garde son argent. Un fait repris avec humour par Ted Strickland, ancien gouverneur de l’Ohio, lors de la convention nationale démocrate à Charlotte : « Mitt a si peu de patriotisme économique que même son argent a besoin d’un passeport ».

« Innocence of Muslims » : un mauvais film qui a tout changé

Il est toutefois à noter qu’au delà des capacités de Mitt Romney, le public américain n’aime pas les débats portant sur l’international. Lorsque le candidat républicain et l’actuel président se sont affrontés sur le thème du départ des troupes d’Afghanistan, il est très clairement apparu qu’il n’y avait que peu d’appétit national pour un débat prolongé sur une guerre qui semble, aux yeux des Américains, sans fin et inutile. Tant qu’il n’y avait pas de gros échec, les Américains laissaient de bon gré ces questions là au gouvernement. Mais tout ça a changé lorsqu’il y a une semaine des mouvements de contestation sont nés partout dans le monde, supposément en réponse à un film amateur affligeant dépeignant le prophète Mahomet comme un coureur de jupon imbécile prêchant à une population d’ignorants pour accroître son pouvoir.

La politique étrangère fait désormais débat dans la campagne

De fait, c’est quand des séquences du film ont été postées sur le site de partage de vidéos YouTube et que les leaders religieux ont commencé à tonner contre une offense à l’islam, que des foules en colère ont attaqué les ambassades américaines du Caire, de l’Égypte et le consulat américain de Lybie à BenghaziL’ambassadeur américain et trois autres américains ont été tués à Benghazi ; au Caire, l’enceinte du bâtiment a été violée et le drapeau mis à bas, mais les violences ont été plus limitées qu’en Syrie. Depuis, le mouvement s’est étendu au Yemen, à la Tunisie, au Pakistan, à l’Afghanistan, à l’Inde, à la Malaisie, à l’Indonésie et même à l’Europe et à l’Australie. Maintenant, les deux candidats sont, tous les deux, harcelés de questions de politique étrangère ; leurs réponses à ces questions pourraient avoir une influence sur les derniers indécis. 

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Les faux pas des républicains servent l’administration Obama

Un intérêt qui transparait dans une enquête réalisée récemment par le Centre de Recherche Pew. L’étude a mis en lumière que 43 % des Américains ont suivi l’actualité des mouvements de protestation au Moyen-Orient. Un intérêt qui n’a pas été favorable à l’équipe de campagne de Mitt Romney qui a déjà commis plusieurs faux pas. La première erreur des républicains a été de réagir avant même que les premiers événements ne soient terminés. Mitt Romney a émis un communiqué dans lequel il a accusé l’administration Obama d’être irrespectueuse et d’avoir montré de la sympathie pour les attaquants. Une affirmation fausse. La deuxième erreur est venue de Paul Ryan, candidat à la vice-présidence qui, dans un discours en Floride ce wee-kend, a insinué que l’administration Obama avait tout fait pour provoquer ses attaques. « Si nous nous montrons faible, ils attaquent », à l’inverse, si nous nous montrons « forts » face à nos ennemis « ils ne nous testeront pas ».

Les Américains font confiance à l’action de leur président

De fait, l’opinion publique américaine semble accorder sa confiance à Barack Obama. Le dernier sondage Pew a mis en évidence que 45 % des sondés considèrent qu’il gère correctement la crise, alors que seulement 26% approuvent les commentaires de Mitt Romney, mais Obama qui, depuis un certain temps déjà, se repose sur les lauriers acquis avec la mort d’Oussama ben Laden, doit affronter de nouveaux défis alors que la crise se prolonge et se complexifie. Par ailleurs, le prestige qu’avait tiré le président américain de l’aide apportée pour mettre à bas le dictateur libyen Mouammar Kadhafi semble s’être complètement évaporé avec les premières images des manifestations la semaine dernière. Les images de foule en colère ne trahissant pas vraiment de la gratitude, mais plutôt un long ressentiment à l’égard de la politique extérieure américaine.

L’Amérique ne comprend pas pourquoi elle est détestée

Les officiels de l’administration Obama ont tenté, en vain, de convaincre l’opinion américaine qu’il ne s’agit là que d’attaques d’une minorité de personnes et non du peuple libyen dans son ensemble. Les Américains ne comprennent tout simplement pas pourquoi « on les déteste » et ne veulent plus rien avoir à faire dans cette zone du globe où leur présence n’est pas appréciée. De plus, la dégradation des relations avec l’Iran et l’incapacité du gouvernement américain à régler le problème pourrait être un nouvel écueil pour la campagne de l’actuel président, du moins si Mitt Romney ne continue pas de se saboter lui même. La récente publication d’une vidéo dans laquelle le candidat républicain qualifie 47 % des Américains d’assistés ne devrait pas aider sa campagne. Au contraire, elle a contribué, au même titre que ses commentaires, à renforcer son image d’homme déconnecté de la réalité. En somme, une mauvaise semaine pour les républicains.

Avant de parler au monde arabe, Barack Obama parlera à ses électeurs

Il est trop tôt pour savoir ce qu’il sortira de cette crise. Les violences de ces derniers jours, appellent à une réponse ferme et bien réfléchie du président américain, conçue pour apaiser les tensions et faire comprendre que l’Amérique ne se laissera pas intimidée. Le message sera adressé, bien sûr, au Moyen-Orient et aux autres régions du monde musulman, mais, à sept semaines de l’élection présidentielle américaine, le public visé par Barack Obama sera inévitablement l’électorat américain.

 

Global Post/ Stéphan Harraudeau pour JOL Press

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