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«Le livre de Bernard Debré et Philippe Even est très utile»

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Bernard Debré, député UMP de Paris, et Philippe Even, directeur de l’Institut Necker viennent de publier aux éditions du Cherche-Midi un « Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux ». Ce rapport fait l’effet d’une bombe. Selon eux, 50% des médicaments seraient inutiles… C’est « un livre d’information, pas d’opinion », assure Philippe Even.

Pour le docteur Sauveur Boukris, ce livre est très utile pour le corps médical mais aussi pour les patients. C’est un travail critique et sévère à l’égard des industries pharmaceutiques qui risque fort de créer la polémique.

Le livre de Bernard Debré et Philippe Even révèle que 50% des médicaments sont inutiles. Qu’en est-il vraiment ?

Sauveur BoukrisIl faut faire attention avec le terme « inutile », il est très subjectif. Car « inutile » ne veut pas forcément dire « placebo »… Un médicament qui soulage la douleur est utile pour un malade mais peut paraître inutile pour la société, car il ne guérit pas. Ce n’est pas parce que la douleur est réduite que le pharmacologue valide le médicament.

Je vous donne un exemple : pour traiter une crise hémorroïdaire, le médecin peut prescrire du Doliprane. Mais quelquefois, la douleur est si vive que le patient va lui demander un médicament plus efficace. Le médicament en question ne guérit pas, il soulage juste le patient. Alors le considère-t-on comme « inutile » ? Certains médicaments ne guérissent pas mais sont nécessaires

Autre exemple avec la maladie d’Alzheimer. Les médicaments pour traiter la maladie sont très chers, certains sont même dangereux sur le plan cardiaque. Pourtant ils sont remboursés à 100%. Quelle « utilité » face à une maladie incurable ?

Selon les deux médecins, pour régler le problème du manque d’argent dans le domaine de la santé et du déficit de l’Assurance-maladie, « il suffit de retirer du marché les médicaments dangereux, inutiles ou inefficaces. Qu’en pensez-vous ?

Sauveur Boukris : Soyons lucides, il ne faut pas faire de caricatures. Retirer ces médicaments du marché ne règlerait certainement pas le déficit de la Sécurité sociale. Ce qui coûte le plus cher, c’est l’hôpital.

Quel est l’impact d’un tel livre dans le monde médical ?

Sauveur Boukris : C’est un livre très intéressant car il renseigne sur les effets indésirables des médicaments. Bon nombres de médicaments n’ont pas fait leurs preuves mais sont remboursés parce que les autorités sanitaires ne connaissaient pas ces effets indésirables. Ce livre permet de réfléchir sur la politique du médicament en France. Pourquoi certains médicaments dangereux existent-ils toujours par exemple ?

Dans notre pays, quand un médicament arrive sur le marché, le médecin fait confiance aux experts qui ont autorisé sa distribution. Il peut donc arriver au médecin de tromper son patient sans le savoir. Son unique formation vient de visiteurs médicaux, envoyés par les entreprises d’industries pharmaceutiques. Plus qu’à de la formation, ces visites ressemblent davantage à de la promotion. Il doit donc se renseigner seul. Quand un médicament est dangereux, voire inutile, il doit le savoir.

C’est pourquoi, ce genre de livre est précieux pour le médecin mais aussi pour le patient qui peut chercher lui-même les informations sur les traitements les plus appropriés à sa maladie et les effets indésirables des médicaments que son médecin lui a prescrits.

L’État a-t-il un rôle à jouer dans la formation des médecins et l’information des patients ?

Sauveur Boukris : L’État fait déjà beaucoup de choses, mais il peut lui arriver d’être au centre de pressions et de contre-pouvoirs très puissants de la part des industries pharmaceutiques.

L’État doit informer de manière transparente, il doit offrir aux médecins une formation indépendante. L’État a aussi le devoir d’informer les malades en leur mettant à disposition un numéro vert, et développer une pharmaco-vigilance.

Les experts du médicament ne peuvent être juges et parties ni se mettre en situation de conflit d’intérêts. Tous les médicaments ont un risque mais on ne connaît pas tous ces risques. Les industries pharmaceutiques les minimisent pour mieux vendre leurs produits. Ce sont avant tout des financiers. Mais la médecine ce n’est pas du commerce.

Les médecins ont de leur côté le devoir de s’informer par des revues, des sites spécialisés ou des études, afin de ne plus subir les influences des visiteurs médicaux.

Propos recueillis par Marine Tertrais

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