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Les jeunes Allemands ne veulent plus de l’euro

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Patrick Radmacher boit une gorgée de thé dans la cour verdoyante de l’université Humboldt, située dans le centre de Berlin. La crise qui frappe une grande partie de la zone euro semble bien loin de ce coin tranquille de la capitale allemande, où le jeune étudiant en histoire de 24 ans savoure un moment de détente avant de retourner travailler à la bibliothèque.

Les plans de sauvetage de plus en plus impopulaires

Les jeunes Allemands n’ont pas les mêmes angoisses que les Grecs ou les Espagnols lorsqu’il s’agit de leur avenir et du chômage qui les attend. Néanmoins, la crise semble affecter profondément Patrick Radmacher et ses amis : « C’est le plus grand problème auquel doit faire face cette génération », estime-t-il.

Et ce, parce que la prospère Allemagne devra assumer une grande part du sauvetage en cours de l’euro.

Les plans de sauvetage visant la Grèce ainsi que les autres économies lourdement frappées sont très impopulaires parmi les Allemands, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Angela Merkel s’est abstenu jusqu’ici de soutenir les solutions agressives que de nombreux économistes réclament.

Si l’attitude des jeunes participe à la conduite de l’opinion générale, pour les Allemands plus âgés, l’intégration européenne a permis à l’Allemagne de dépasser le passé nazi du pays. Ils considèrent l’intégration comme favorable à l’étouffement de certaines tendances potentiellement nationalistes et comme le moyen de construire des liens forts avec leurs voisins.

L’Union européenne est un acquis

Pour les jeunes, tout est différent. L’Union européenne est un acquis dont la popularité baisse de plus en plus. Leurs voix pourraient devenir un facteur important à mesure que l’effondrement de la zone euro continue de ralentir la croissance économique de l’Allemagne, à un an des prochaines élections.

Pour Patrick Radmacher, la fonction de l’Union européenne dans la vie quotidienne de ses compatriotes est plus importante que le rôle que celle-ci a joué dans l’histoire.

« Il est habituel de voyager sans frontières et de payer avec des euros dans tous les pays », dit-il. Même s’ils sont nombreux à profiter de ces avantages, ajoute-t-il, ce n’est pas assez pour générer de l’enthousiasme autour du projet européen.

« On entend parler que de la crise et jamais rien de positif au sujet de l’Europe », estime-t-il. « C’est pourquoi c’est un sujet très impopulaire parmi les jeunes. »

Les jeunes estiment que leur avis ne leur a jamais été demandé

Tim Lueddemann, à la tête de la Jeunesse Verte, une organisation affiliée au parti vert, estime que le sentiment anti-euro qui grandit parmi les jeunes n’est pas surprenant. « L’Europe donne l’image d’une grande institution à Strasbourg ou Bruxelles » qui, selon lui, « est déconnectée de la réalité des vraies personnes. »

Les jeunes Allemands sont particulièrement pessimistes concernant l’euro, même si la plupart d’entre eux ont grandi avec la monnaie commune et n’ont que très peu de souvenirs du Deutsche Mark.

Bien que la présence de l’Allemagne parmi les 17 membres de la zone euro ait contribué au boum économique du pays, une récente étude réalisée auprès d’Allemands âgés de 14 à 24 ans a montré que 51% d’entre eux considéraient la monnaie commune comme un succès. 56% des sondés pensent que l’euro échouera sur le long terme, pendant que 52% affirme pouvoir envisager un futur sans euro.

Pour Tim Lueddemann, le sentiment « de ne pas avoir participé à sa création, de ne pas avoir été autorisé à l’adopter ni même de voter pour ou contre », a participé à l’antipathie vis-à-vis de l’euro.

Ouvrir les jeunes à l’étranger

Michael Kemmer, directeur de l’Association des banques allemandes, qui a mené l’enquête, estime que ces chiffres reflètent l’échec des politiques et des dirigeants économiques du pays. « Nous devons nous fixer pour tâche de mieux expliquer les avantages de l’euro », affirme-t-il.

Ils sont nombreux à penser que l’importance des contacts que les jeunes Allemands peuvent avoir avec les autres pays de l’Union européenne ont une influence majeure sur leurs opinions concernant la crise de la zone euro et l’Union européenne en général.

Florian Stockel de l’université libre de Berlin cite une étude qu’il a menée sur des étudiants qui ont participé à des programmes d’échange Erasmus, qui envoient des étudiants citoyens de l’Union européenne dans d’autres universités en Europe, expliquant que ces derniers soutiennent davantage les mesures qui visent à aider les pays en difficultés plutôt que celles qui visent à aider la population en général. La connaissance des autres pays « change vraiment les étudiants, ils deviennent plus ouvert et plus européens », explique-t-il.

La difficile sympathie greco-allemande

Maria Kames, qui étudie l’archéologie classique à l’université Humboldt, fait écho à l’opinion générale et avoue que le trouble passé de l’Allemagne n’a pas vraiment d’importance pour elle aujourd’hui.

Il s’agit de la coexistence sur un même continent. « Vous lisez les journaux et toutes ces histoires sur comment la Grèce devrait sortir de l’euroMais lorsque vous parlez aux Grecs et qu’ils vous expliquent à quel point les choses sont terribles pour eux, vous compatissez. Nous ne devons pas nous couper des autres, nous devons essayer de nous entendre avec eux. »

Jonathan Old, un lycéen de 17 ans habitant Schwaebisch Hall, au sud du pays, a pris part à un grand forum adressé aux jeunes et à leur participation à l’Europe. Il pense que beaucoup peinent à trouver de l’optimisme dans l’intégration européenne tant le sentiment de crise est important et renforcé par les médias.

« Les points positifs de l’Europe sont oubliés », déplore-t-il. « Mais lorsque vous regardez cinquante ans en arrière, vous voyez à quel point l’Europe a changé positivement. Aujourd’hui nous pouvons voyager librement, nous sommes plus riches et nous visons en sécurité. »

Enseigner la construction européenne aux jeunes

Pour Susanne Karstedt, fonctionnaire de la ville de Ludwigsburg, près de Stuttgart, qui a participé à l’organisation du forum, afin que les jeunes ne considèrent plus l’Union européenne comme un acquis, il faut leur enseigner les efforts qui ont été faits après la Seconde Guerre mondiale, pour commencer cette intégration.

« De nombreux jeunes ne s’imaginent pas du tout le chemin que leurs aînés ont dû faire pour en arriver là », dit-elle.

C’est une leçon essentielle à un moment où les politiciens allemands sont confrontés à un exercice d’équilibre difficile entre répondre aux exigences de l’opinion publique et prévenir l’effondrement de l’euro.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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