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Match Désir-Cambadélis: Martine Aubry va trancher

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« Il faut respecter, Martine » : c’est le mot d’ordre qu’ont répété à l’envie François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Surtout, ne pas donner l’impression d’éjecter la première secrétaire du Parti socialiste et maire de Lille, ne pas la froisser… ne pas en faire une Ségolène Royal bis.

L’Élysée et Matignon ont transmis la consigne, les éléphants et les éléphanteaux ont laissé faire « Martine »… « Martine » a pris son temps, soucieuse de préserver le suspense mais, surtout, de conserver son autorité jusqu’au bout : passerait-elle vraiment la main ou pas ? Et, le cas échéant, qui lui succéderait ?

Martine Aubry, maitresse du jeu

Longtemps considéré comme acquis, le départ de la première secrétaire apparaissait, courant juillet, plus incertain : et si, finalement, elle restait ? Mais, à l’université d’été de La Rochelle, fin août, les doutes semblaient levés : elle partirait… et indiquerait clairement le candidat de son choix pour lui succéder.

Comprendre comment elle pourrait choisir son successeur nécessite de comprendre le fonctionnement des congrès socialistes, ce même fonctionnement à l’origine des déchirants épisodes du parti – on se souvient des chicaneries des congrès de Metz en 1979, de Rennes en 1990, de Reims en 2008… Les principaux « courants », les principales personnalités du parti socialiste, à chaque congrès, produisent des contributions générales – cette année, une grosse dizaine avait été déposée la 18 juillet. Ensuite, ces contributions peuvent se transformer en motions – ce sont ces motions qui seront connues mercredi 12 septembre. Les 11 et 18 octobre, les militants en section voteront pour départager les options en lice et le premier signataire de la motion qui aura récolté une majorité de suffrages deviendra logiquement premier secrétaire lors du congrès de Toulouse, les 26, 27 et 28 octobre – un congrès qui sera aussi l’occasion d’une « synthèse », accord programmatique négocié entre les différents courants. On est loin de la simplicité de la primaire citoyenne de 2011 ou même de l’élection du président de l’UMP version 2012.

Le signataire de la motion Aubry-Ayrault, favori du congrès

Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault – afin d’éviter que le parti, quelques mois après son retour au pouvoir, ne prenne le risque de la division – ont décidé de présenter ensemble une motion ; une motion de soutien au gouvernement et au président de la République, une motion dont le programme consistera à soutenir l’action de l’exécutif et de la majorité parlementaire. Ce sera une ligne sans surprise, une ligne qui fait la synthèse, sans attendre la synthèse traditionnelle du congrès.

Mardi 11 ou mercredi 12 septembre au plus tard, Martine Aubry doit dévoiler le nom du premier signataire de cette motion. Sauf coup de tonnerre, cette motion devrait arriver largement en tête – dès le premier tour – et ce dernier deviendra ainsi Premier secrétaire, « Premier » des socialistes. Le choix de Martine.

Les candidats « majoritaires » ne se bousculent pas

Au lendemain des législatives, plusieurs noms avaient circulé, et notamment ceux de deux très proches du président de la République : François Rebsamen, maire de Dijon et président du groupe socialiste au Sénat, mais aussi celui d’un jeune espoir, ancien collaborateur de Martine Aubry puis de Jean-Marc Ayrault et François Hollande, élu député de Seine-et-Marne en juin dernier, Olivier Faure. Tous les deux ont démenti tout intérêt de prendre la tête du parti.

Très vite, il est apparu que la course à l’onction aubryste opposerait deux routards de la rue de Solférino, Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis.

Harlem Désir, le candidat naturel

À 53 ans, l’eurodéputé est n°2 du PS depuis 2008. Mais il doit sa notoriété en dehors du parti et sa place dans le « Panthéon » des années Mitterrand à ses fonctions de président de SOS racisme entre 1984 et 1992. Sa désignation marquerait une continuité rassurante. À la tête d’un parti qui n’a jamais été aussi puissant, il aurait pour mission d’en préparer la rénovation et de favoriser, par la même occasion, sa plus grande ouverture sur la société, afin de réduire l’influence souvent critiquée des notables et autres « barons » locaux.

Son principal point faible est sans doute de manquer de charisme, une qualité indispensable lorsqu’il s’agira d’aller défendre l’action du gouvernement face aux hiérarques de l’opposition. Et puis, Martine Aubry n’aurait pas été entièrement convaincue par son intérim à la tête du parti, l’an dernier, durant les primaires… Il n’en reste pas moins le favori et cela d’autant plus depuis que l’essentiel du gouvernement s’est prononcé en sa faveur.

Jean-Christophe Cambadélis, un stratège sur le retour

À 61 ans, député du XIXème arrondissement de Paris depuis 1988 – sauf de 1993 à 1997 -, Jean-Christophe Cambadélis s’est, lui aussi, fait connaitre au cours du premier septennat de François Mitterrand alors qu’il présidait le principal syndicat étudiant de gauche, l’Unef. Habile manœuvrier et redoutable stratège, il est considéré comme un fin connaisseur des arcanes du parti socialiste – une qualité souvent reconnue aux anciens trotskystes du PS, et, en son temps, à Lionel Jospin… De Lionel Jospin, il a justement été le n°2 et avait bien espéré lui succéder à la tête du PS après l’entrée de son mentor à Matignon en juin 1997. Le nouveau Premier ministre lui avait préféré François Hollande et l’avait chargé d’assurer la liaison avec les autres composantes de la Gauche plurielle. Jean-Christophe Cambadélis s’était rapproché de Dominique Strauss-Kahn. On connaît la suite…

Et, au-delà d’un intérêt certain pour l’action militante, il y a un petit goût de revanche dans la démarche de celui qui affirme n’avoir jamais voulu être ministre.

Un « troisième homme », une « troisième femme » ?

Le processus est bien verrouillé par la direction sortante, et le candidat adoubé par Martine Aubry partira avec un net avantage. Soucieux de faire entendre leur voix et de sauver la dimension démocratique de cette « élection », d’autres courants du PS pourraient décider de présenter une motion. Ce serait dans les intentions, à l’aile gauche du parti, de Benoit Hamon mais aussi de Marie-Noëlle Lienemann – la deuxième serait prête à y aller seule parce qu’elle juge que le premier, ministre, ne serait qu’un candidat de témoignage en raison de sa soumission à la solidarité gouvernementale. Et puis, le sénateur de la Nièvre, Gaëtan Gorce se mettrait aussi sur les rangs pour dénoncer une élection « mi- soviétique, mi- vaticane »…

Sans prendre de risque, on peut considérer que le nom du prochain Premier secrétaire du parti socialiste sera dévoilé par Martine Aubry, au plus tard le 12 septembre. Les discussions en cours viseraient plutôt à définir la place des différentes sensibilités dans les différentes instances du parti. Une élection « mi- soviétique, mi- vaticane », c’est Gaëtan Gorce qui l’a dit, mais un Premier secrétaire qui s’annonce de transition jusqu’au prochain congrès, prévu en 2015, préparation aux échéances de 2017.

Martine Aubry, après quatre années à la tête du parti, pourra se consacrer pleinement à sa mairie de Lille et se remettre de la désillusion de ne pas avoir décroché Matignon, en attendant… En attendant, car selon ses partisans comme ses adversaires, Martine Aubry n’est jamais aussi dangereuse que lorsqu’elle est « en réserve ».

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