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MES: un «Nein!» des juges allemands et c’est la panique…

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Le 30 août dernier, l’Éstonie a été le dernier des 17 États-membres de la zone euro à ratifier le Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds d’aide permanent visant à aider les pays en difficulté. Mais il aura suffi d’un recours visant à interdire au Président allemand, Joachim Gauck, à signer la loi de ratification adoptée fin juin par le Bundestag pour que pointe à nouveau le spectre d’une nouvelle crise européenne. La patience des marchés a ses limites et tous les dirigeants européens ont les regards tournés vers Karlsruhe.

L’an dernier, le Tribunal de Karlsruhe a validé le FESF, prédécesseur du MES

Le 7 septembre 2011, saisis d’un recours en constitutionnalité, les Sages ont validé le Fonds européen de stabilité financière (FESF), un dispositif très proche du nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES). La différence entre les deux textes tient au fait que le second est inscrit dans un traité européen – le Pacte de stabilité budgétaire – et qu’il fait l’objet d’une dotation de 700 milliards d’euros.

Autant de raisons pour les observateurs, outre-Rhin et ailleurs, d’être confiants quant à la probabilité de voir la cour constitutionnelle rejeter le recours en inconstitutionnalité sur lequel elle doit se prononcer.

Une vague eurosceptique dans l’opinion allemande

La crise de la dette et, plus précisément, la crainte et l’exaspération des contribuables allemands de devoir payer pour le sauvetage des « mauvais élèves » suscite une vague d’euroscepticisme en Allemagne. Celle-ci n’a fait que croitre tout au long de l’été, entretenue, notamment, par les déclarations de Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank – et protégé de la chancelière Angela Merkel, qu’il n’hésite pas à mettre en difficulté…

Avec l’annonce – jeudi 6 septembre par Mario Draghi – du rachat illimité d’obligations à court terme par la BCE, la colère est montée d’un cran. Jens Weidmann – dont l’orthodoxie cache, de moins en moins, mal une ambition démesurée – a rappelé qu’il avait été le seul à voter contre la décision du conseil des gouverneurs de l’institut monétaire européen. Et, tout le week-end, la presse allemande s’est déchainée, insistant sur l’aspect « illimité » du rachat et minimisant la surveillance serrée imposée en échange aux pays ainsi aidés. Le chef du service économique de la radio internationale Deutsche Welle a qualifié la BCE de « Politburo » de l’Europe – un terme « marqué » surtout dans l’ex-Allemagne de l’Est – et des manifestations ont eu lieu à Karlsruhe, siège de la Cour suprême.

Le dépôt d’un nouveau recours et la crainte d’un nouveau délai

Dans ce contexte, les opposants ont tenté un énième coup : un responsable de l’aile droite de la CDU – le parti d’Angela Merkel – a déposé un nouveau recours en inconstitutionnalité dénonçant le caractère « illimité » des interventions de la BCE. C’est une vaste coalition, trouvant des appuis dans tous les partis – CDU-CSU, SPD, mais aussi Die Linke, le mouvement de la gauche de la gauche- qui tente de faire pression sur les juges constitutionnels.

Le Tribunal de Karlsruhe rendra bien son avis mercredi 12 septembre

Une des craintes de la chancelière – par ailleurs, optimiste quant à l’issue de cette confrontation – était que le Tribunal estime nécessaire de reporter sa décision et retarde ainsi la mise en œuvre du MES. Mais, mardi 11 septembre, dans un bref communiqué, les Sages ont fait savoir que leur avis serait bien rendu « comme prévu » le lendemain à 10 heures. Ils n’ont donc pas retenu le recours du député conservateur, Peter Gauweiler.

Opinion des experts : un « oui » au MES sous conditions

L’opinion dominante outre-Rhin parmi les spécialistes est que le tribunal de Karlsruhe devrait entériner la création du mécanisme permanent de sauvetage de la zone euro et le Pacte budgétaire  mais pourrait l’assortir de conditions afin de faire prévaloir le contrôle exercé par le Parlement allemand – la jurisprudence de la cour est fortement marquée par cette volonté, en l’absence d’avancées fédéralistes européennes, de protéger les prérogatives du Parlement allemand. Certains imaginaient même qu’ils pourraient fixer des limites à l’intégration européenne à l’avenir – le MES survivrait mais ce serait déjà la certitude de difficultés ultérieures…

Un rejet du MES ouvrirait une nouvelle crise en Europe

Si les Sages rejettent le MES et le « Fiskalpakt », le dispositif d’aide aux pays européens en difficulté est remis en cause puisqu’il faut, pour son entrée en vigueur, l’appui de pays représentant 90% des fonds apportés et que l’Allemagne représente 27,1%.

Les 17 devraient alors élaborer un nouveau dispositif de secours prenant en compte, autant que possible, l’avis du Tribunal – et sans la moindre garantie que la nouvelle version, qui prendrait des mois à être élaborée, ne fasse pas l’objet d’un nouveau recours. D’ici là, la zone euro se trouvera à la merci des marchés financiers…       

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