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Palazzo Grassi: François Pinault ou la tentation de Venise…

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Juin 2013. La Biennale d’art contemporain de Venise ne faillit pas à sa réputation. Elle reste l’une des manifestations artistiques les plus prestigieuses. Un homme crée l’évènement: François Pinault. Patrice Perrin raconte…

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L’itinéraire d’un enfant pas gaté

Au bord du Grand Canal, l’homme arbore un discret sourire. Quel parcours ! Fils d’un petit marchand de bois dans une bourgade bretonne, il quitte l’école à 16 ans, un peu brouillé avec le monde de l’enseignement. Ouvrier, il fonde sa première entreprise quelques années plus tard. Il se diversifie en revendant et en investissant. 
 
La Redoute, les prestigieux magasins du Printemps, la FNAC – premiers pas dans le monde de la culture -, l’hebdomadaire Le Point, Gucci, qui marque son entrée dans l’univers du luxe où il entend rivaliser avec un autre géant, Bernard ArnaultChristie’s, célèbre maison britannique de ventes aux enchères… Il devient ainsi l’un des principaux acteurs du marché de l’art. L’art contemporain, une passion pour François Pinault. Dans les années 90, il constitue la plus importante collection privée en France, l’une des toutes premières dans le monde.

Sa tentation de Venise

 
Aujourd’hui, François Pinault a une autre raison d’être satisfait. Il a tenu promesse. En 2005, en rachetant à Fiat et, surtout à la famille Agnelli, le Palazzo Grassi, situé sur le Campo San Samuele et surplombant le Grand Canal, il avait acquis le site du Teatrino, un théâtre de verdure adjacent. « Une ruine » selon ses propres termes. Il était à l’abandon depuis des décennies. François Pinault s’était engagé à le rénover.
 
Avec l’acquisition de la Pointe de la Douane et la crise persistante, il lui a fallu faire preuve de patience. Mais le résultat est à la hauteur de ses espérances. Sur 1 000 m2, le Teatrino abrite principalement un auditorium de 230 places ainsi qu’un atrium pouvant accueillir des performances d’artistes. Une réussite à laquelle François Pinault associe Tadao Ando et Jean-Jacques Aillagon.

Jean-Jacques Aillagon, le « ministre » de François Pinault

Ce dernier, haut fonctionnaire, à la tête du Centre Pompidou puis ministre de la Culture sous la présidence de Jacques Chirac – il favorisa le mécénat -, puis grand maître du Château de Versailles où il fit preuve d’audace en y installant avec succès les oeuvres très kitsch de Jeff Koons, est l’un des conseillers de François Pinault. C’est lui qui l’a convaincu de s’installer à Venise. Le collectionneur avait, lui, projeté de créer un musée sur l’île Seguin, en région parisienne. Projet abandonné en raison de lourdeurs administratives. Sacré gâchis !

Tadao Ando, le « grand architecte » de François Pinault

Tadao Ando, né à Osaka, est l’un des meilleurs architectes au monde, selon François Pinault. Comme lui, c’est un autodidacte. L’architecture, il l’a apprise en voyageant en Europe dans les années 60. Son modèle: Le Corbusier – pour l’état civil, Charles Edouard Jeanneret. Pour autant, il a enseigné dans les plus grandes universités – Yale, Columbia, Harvard mais aussi Tokyo. En 1995, il reçoit le Pritzker Prize, récompense suprême pour un architecte, l’équivalent du Nobel dans d’autres disciplines. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. Tadao Ando, au terme d’un concours, était déjà associé au projet de l’île Seguin. Le maître d’oeuvre des projets vénitiens, ce sera donc lui.
 
En 2005, lorsque François Pinault achète le Palazzo Grassi, constuit au 18e siècle pour la famille Grassi, Tadao Ando conçoit donc les travaux de rénovation. Il y déploie un style sobre et minimaliste qui joue avec la structure historique du palais sans l’affecter. A l’intérieur: de grandes expositions présentant en partie les oeuvres de la collection François Pinault – actuellement et jusqu’à la mi-janvier, à voir « Paroles des images »: des films, des vidéos, des installations de 27 artistes venus du monde entier).

Un Breton, « doge » de Venise

En 2007, Tadao Ando a pour mission de transformer les anciens entrepôts de la Douane de mer, loués pour 33 ans. La Punta della Dagona sera inaugurée en 2009. A découvrir sur 5 000 m2 d’un batiment triangulaire dont l’interieur est divisé en 9 nefs disposées traversalement, les oeuvres monumentales du collectionneur – et, jusqu’en décembre, « Eloge du doute », qui propose un parcours sur la force et la fragilité de la condition humaine. La Pointe de la Douane, autre motif de satisfaction pour François Pinault : lorsque Venise décida d’y installer un centre d’art contemporain, un véritable bras de fer l’opposa à la fondation Guggenheim
 
Par Toutatis, le Breton l’avait emporté…

Les travaux de la Punta della Dogana en accéléré

 

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