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Pourquoi Bernard Arnault demande-t-il la nationalité belge?

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C’est dans leurs gênes, les Français coupent les têtes, mais aussi les cheveux en quatre au risque, parfois – souvent –, de se tromper de débat… Lundi 10 septembre, ce pourrait être la Saint-Bernard tant Bernard Arnault, l’homme-le-plus-riche-de-France et d’Europe, la quatrième fortune mondiale, est à la fête.

Le feuilleton de l’affaire

Samedi 8 septembre, le quotidien belge La Libre Belgique révélait que Bernard Arnault avait demandé à acquérir la nationalité belge. Immédiatement, l’information suscite un tollé…

Comme, le mercredi précédent, le chef d’entreprise avait rencontré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et lui avait fait part de sa vive opposition au projet de taxation à 75% des plus hautes rémunérations, il ne pouvait s’agir que d’un cas d’évasion fiscale.

Dimanche 9 septembre, Bernard Arnault accorde une interview à l’AFP dans laquelle il affirme qu’il continuera « comme tous les Français » à payer ses impôts en France et récuse toute « interprétation politique » à sa démarche : « Je suis et je resterai fiscalement domicilié en France et, à ce titre, je remplirai, comme tous les Français, l’ensemble de mes obligations fiscales », a-t-il déclaré avant d’ajouter que « notre pays doit compter sur la contribution de chacun pour faire face à une crise économique profonde dans un cadre budgétaire particulièrement contraint ». Sa demande de double nationalité « sert une démarche personnelle engagée depuis plusieurs mois et ne doit faire l’objet d’aucune interprétation politique », a-t-il poursuivi.

Interrogé par Claire Chazal au 20 heures de TF1, François Hollande a fait remarquer que l’annonce n’était pas très opportune et invité à faire preuve de patriotisme.

Lundi 10 septembre, Libération ose en une un « Casse-toi, riche con ! », un choix racoleur – et, une fois de plus, on imagine que la rédaction aurait pu éviter de tomber dans une telle facilité sur la forme.

De son côté, La Libre Belgique a interrogé le bourgmestre de Uccle, commune huppée de la banlieue bruxelloise : « Bernard Arnault est domicilié à Uccle depuis plusieurs mois, » assure Armand de Decker.  

Supputations sur les motivations de Bernard Arnault

Mais pourquoi Bernard Arnault souhaite-t-il devenir Belge ? Trois raisons sont avancées…  

Première hypothèse : Jointe par l’AFP, une source proche du dossier avait évoqué samedi sans plus de détail un « projet » d’investissement « sensible », « qui serait facilité par le fait que Bernard Arnault ait la nationalité ». Il pourrait s’agir de la succession d’Albert Frère, âgé de 87 ans. Les deux entrepreneurs se connaissent depuis plus de vingt ans et Albert frère a des parts dans le groupe privé de Bernard Arnault – un Bernard Arnault qui, pour sa part, originaire du Nord de la France, a de nombreux liens avec la Belgique.

Deuxième hypothèse : Bernard Arnault, âgé de 63 ans, serait prévoyant et souhaiterait préparer sa propre succession. Il chercherait donc à pouvoir profiter, à termes, de régimes fiscaux plus favorables en matière de succession ou de plus-value. Et certains commentateurs évoquent d’ailleurs un coup de billard à trois bandes : Bernard Arnault chercherait à obtenir la nationalité belge pour, ensuite, solliciter la nationalité monégasque. La nationalité monégasque s’acquiert par la grâce du Prince régnant, elle n’est pas compatible avec le fait d’être Français, mais un Français peut devenir monégasque – comme le grand chef Alain Ducasse en 2008. Pourquoi alors passer par la case Belgique ?

Dernière hypothèse : le « coup de gueule » politique. En effet, le départ de Bernard Arnault est un symbole fort et a fait la une du Financial Times et du Wall Street Journal. Le patron de LVMH marquerait ainsi son opposition au retour de la gauche au pouvoir – une récidive puisqu’il était parti trois ans aux États-Unis après mai 1981 – et, au-delà, la sclérose de la société française, hostile à la réussite et au changement.

Libre mais aussi responsable

Bernard Arnault est libre de faire ce qu’il veut et de penser comme il veut – et, à ce titre, il ne devrait pas être livré à la vindicte populaire. L’homme ne saurait être accusé de ne pas avoir fait déjà beaucoup pour la France et le rayonnement de la France dans le monde. Et mieux encore, il continue à faire tant, par exemple, en maintenant à Paris son statut de capitale mondiale du luxe, malgré une concurrence croissante, et en lui offrant quelques merveilles architecturales – on pense au bijou signé Frank Gehry, la Fondation Louis Vuitton, qui sortira bientôt de terre au Bois de Boulogne.

Pourtant, on peut s’interroger sur le timing de cette annonce et sur le signal qu’il pourrait donner à tant d’autres. Si ce n’est pas le « mur de l’argent » qui se lève contre la gauche hollandaise au pouvoir, voilà qui crée une atmosphère plutôt délétère, peu propice à l’effort de redressement que nécessite la situation actuelle de la France, de l’Europe et du monde.    

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