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Présidentielle afghane de 2014: vers une guerre civile?

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Haji Mohammad Mohaqiq, une figure du parti de l’Unité islamique

Un Land Cruiser est stationné face à la maison de Haji Mohammad Mohaqiq. Les fenêtres manquent, les pneus sont crevés et le capot bien amoché. Plus tôt, ses gardes ont été pris dans une embuscade d’insurgés à la périphérie de Kaboul. Lui n’était pas dans le SUV au moment de l’attaque. Une chance. Pourtant, il est catégorique : il ne craint pas pour sa vie. « Bien sûr qu’il y a des raisons de s’inquiéter, mais personnellement je n’en tiens pas compte ». Mohaqiq est un ancien chef de guerre, reconverti en parlementaire, un vieil adversaire des talibans et un opposant au gouvernement afghan en place. Aujourd’hui, il est une figure importante du parti de l’Unité islamique, proche du Front national uni.

L’après-Hamid Karzai inquiète

Le président Hamid Karzai ne peut – en vertu de la constitution afghane – se présenter à sa propre succession lors de l’élection présidentielle de 2014. Les troupes étrangères termineront leur retrait cette même année. Un contexte qui pourrait, pour beaucoup de spécialistes, marquer le début d’une guerre pour le contrôle de l’Afghanistan. Officiellement, la fin de l’occupation étrangère doit ouvrir une nouvelle ère démocratique pour le pays, mais beaucoup sont inquiets quant à la possible vacuité qu’elle pourrait engendrer au sein du pouvoir. Une telle situation laisserait le champ libre aux affrontements politiques et à la montée en puissance des talibans.

Mohaqiq contre gouvernement et talibans

Mohaqiq ne sait que trop ce qui pourrait arriver dans de telles circonstances. Il était dans la résistance sous l’occupation soviétique dans les années 1980 et a pris part à la guérilla qui l’a suivie. Plus tard, il a été un des leaders de l’Alliance du Nord, dont la majorité des membres fait aujourd’hui partie du Front national uni. Pour lui, musulman shiite de l’ethnie Hazara, l’administration actuelle et les militants qui essaient de la mettre à bas représentent une menace conjointe pour les espoirs des Afghans à trouver la paix une fois les troupes de l’Onu parties.

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L’impopularité grandissante d’Hamid Karzai

L’embuscade dans laquelle ont été pris ses gardes du corps n’est pas la première attaque ayant visé Mohaqiq. Peu avant celle-ci, dans la province de Bamiyan, un homme a tenté de lui tirer dessus. C’est cette première attaque qui l’a poussé à rentrer en avion chez lui et lui a permis d’éviter la seconde. Pour le député, il n’y a pas de doute : cette attaque a été commanditée par le gouvernement. « Beaucoup pensent que, si Karzai ne peut pas conserver le pouvoir, il fera un marché avec les talibans », explique Mohaqiq. « Si les talibans refusent de négocier, il fuira, laissera le pays aux talibans et alors la guerre civile sera inévitable ». Toutefois, selon certaines rumeurs, Karzai envisagerait de faire se présenter l’un de ses frères, Qayum, pour maintenir sa famille au pouvoir. Une hypothèse qui créer un malaise important au sein de l’opinion publique.

Le Front national uni, un rempart pour certains congressistes américains

Le Front national uni, parti d’opposition fondé par les commandants de la résistance afghane contre les Soviétiques, a obtenu le soutien de membres du Congrès américain, qui ont rencontré ses leaders en Allemagne en janvier. Ceux-ci le voient comme un rempart contre la montée des insurgés et la corruption de l’administration afghane. En conséquence, Dana Roharabacher, l’une de ces congressistes, s’est tout simplement vue interdire l’entrée sur le territoire afghan. Bien que le Front national ne soit pas le parti le plus en vue pour remporter l’élection de 2014, cet exemple est à l’image de la situation politique du pays.

Vers une partition de l’État afghan ?

Mais tout ne semble pas blanc chez les opposants non plus. Nous avons parlé à Najibullah Kabuli, un activiste anti-Iran et le propriétaire de Imroz TV, une chaîne de télévision privée. Il affirme avoir quitté le Front national uni après avoir découvert que le parti avait pour objectif de partitionner l’Afghanistan selon les lignes ethniques. Depuis, il dit avoir reçu « un nombre important de menaces ». Selon lui, « quelque soit le résultat de l’élection, positif ou négatif, un nombre important de personnes n’accepteront pas son résultat car ces hommes se sont créés dans les conflits, ils ont l’habitude de tirer bénéfice des guerres ».

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Les ONG de défense des droits de l’Homme accusent le Front national uni

Mohaqiq affirme que Kabuli n’a jamais été membre du parti. Il le voit comme une « prostituée » payée par le président actuel. Mais les bavures des combattants du Front national sont avérées. Les groupes de défense des droits de l’Homme accusent Abdul Rashid Dostum, un des cofondateurs du parti, et sa milice, d’un large panel de crimes, depuis le viols de femme durant la guerre civile à l’abattage de prisonniers talibans durant l’invasion américaine.

Une guerre civile à l’horizon

La précédente élection présidentielle avait été entachée par des fraudes, mais la présence des forces de l’Otan avait maintenu l’ordre dans le pays. Cette fois, sans elles, les choses pourraient être différentes. « En Afghanistan, si quelqu’un perd, il n’a pas la moralité d’accepter sa défaite et de féliciter son adversaire », explique Mohammed Younus Fakor, un analyste politique vivant à Kaboul. « Si nous n’avons pas d’élection transparente, je pense que ce sera le début d’une guerre ».

 

Global Post / Adaptation Stéphan Harraudeau – JOL Press

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