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Quand l’Afrique devient la base arrière d’Al-Qaïda

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L’Afrique, nouveau terrain de jeu

Le militantisme d’Al-Qaïda trouve un réel écho en Afrique, ou de plus en plus de groupes locaux s’allient à l’idéologie de la nébuleuse terroriste. Un engouement qui permet à l’organisation d’étendre son théâtre d’opération.

La pression militaire, les attaques par des drones et la mort d’Oussama Ben Laden ont considérablement affaibli Al-Qaïda. Jamais l’organisation – dont le premier attentat sur une ambassade Kenyane remonte à 1998 – n’aura été si diminuée.

Mais si la base centrale est affaiblie, les filiales mondiales, en revanche, s’organisent et deviennent de plus en plus influentes. C’est encore plus vrai en Afrique, où des groupes comme Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), Boko Haram ou Al-Shabbab rallient l’idéologie du mouvement principal à leurs luttes locales.

Rebâtir un jihad mondial

« L’Afrique représente un terrain fertile pour la cellule de base d’Al-Qaïda, qui est physiquement diminuée. Le continent pourrait permettre d’effectuer un regroupement, de rebâtir des troupes et de relancer son jihad mondial », indique un récent rapport de la Royal United Services Institutes, un think tank basé à Londres.

Le rapport souligne le risque de voir se former un « arc d’instabilité englobant l’ensemble du Sahara et du Sahel et s’étendant à travers l’Afrique de l’est ». On y apprend aussi que la nouvelle stratégie d’Al-Qaïda s’oriente vers le recrutement des « natifs ». C’est-à-dire l’utilisation de groupes militant locaux, qui, grâce à leurs propres conflits, permettraient de s’implanter dans les pays voisins.

Une impulsion purement africaine ?

Mais, alors que le rapport voit cette impulsion comme une initiative de la cellule de base d’Al-Qaïda, d’autres experts pensent que les filiales africaines sont celles qui dirigent la relance du jihad. « Une partie de tout ça est dirigé par les Africains eux-mêmes », estime ainsi J. Peter Pham, le directeur du Centre africain Michael S. Ansari, à Washington. « Ils trouvent dans cette idéologie, qui n’est pas initialement la leur, un moyen de transcender les particularités locales de leur lutte. Cela permet d’y ajouter une plus grande signification, et de trouver un écho par-delà leurs frontières », poursuit-il.

Boko Haram au Nigéria offre un exemple éloquent d’une insurrection locale adoptant le style rhétorique et tactique d’Al-Qaïda. Solidement enraciné dans la région du nord du Nigéria, très marginalisée, à majorité musulmane, le groupe Boko Haram a par exemple développé son propre style d’attaque. Mais il a aussi appris à ses homologue AQMI et Al-Shabbab comment construire des engins explosifs improvisés ou à déployer des kamikazes.

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Adapter son discours pour fédérer un maximum

Ses dirigeants ont deux messages : l’un sur mesure, pour les habitants, qui aborde les problèmes locaux et attire de nouvelles recrues ainsi qu’un soutien populaire, et un autre visant un public plus large, destiné à la recherche de capitaux et de soutiens financiers. 

Al-Qaïda a également beaucoup à gagner de ces alliances avec des groupes africains. Les territoires contrôlés par ces organisations offrent de bons refuges pour les agents et les combattants d’Al-Qaïda.

Cela permet également à Al-Qaïda  de « continuer à projeter une aura de dynamisme, à un moment critique », ajoute Peter Pham.

Cependant, cette nouvelle dynamique est semée d’embuches pour ces petites filiales locales. « Ces groupes sont souvent confrontés à un dilemme : soit demeurer une force insurrectionnelle concentrée localement. Soit devenir une véritable organisation terroriste internationale, qui respecte une idéologie et une éthique globale », analyse le Royal United Service Institute.

Luttes internes

C’est l’exemple d’Al-Shabbab, en Somalie. En effet, les analystes ont souvent souligné de nombreuses tensions internes, et parfois même une réelle hostilité entre les nationalistes du groupe et ceux qui ont le désir d’embrasser une lutte globale.

« La synergie entre les groupes islamistes de tous les coins du continent et le fait qu’ils partagent leurs savoirs et leurs stratégies ont tendance à accélérer une sorte d’auto-radicalisation. Ces mouvements transnationaux inspirés d’Al-Quaïda gagnent du terrain. Ils sont en constante communication, ils partagent leurs ressources, leurs idées, et copient les méthodes d’attaques », continue Peter Pham.

Au cours des derniers mois, la résilience d’Al-Qaïda est évidente. Et même si Al-Shabaab a été forcé de battre en retraite en Somalie, une nouvelle menace est apparue très rapidement dans le nord du Mali. En mars dernier, divers groupes affiliés à Al-Qaïda ont réussi à détourner une rébellion locale et à créer une petite armée.

Un constat inquiétant

Ces diverses organisations (AQMI, Ansar Dine ou le Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) sont passées du statut de trafiquants de drogue et de terroristes « occasionnels » à celui d’une alliance mondiale sous l’égide d’Al-Qaïda. Ensemble, ils contrôlent la moitié de cet immense pays, et établissent des gouvernements, rarement contestés.

Ils sont également très bien équipés, ce qui soulève des questions sur les origines de leurs soutiens financiers extérieurs. Il y a eu de nombreuses observations non confirmées d’étrangers en provenance du Pakistan dans le nord du Mali. Quoi qu’il en soit, les liens entre les groupes africains d’Al-Qaïda inquiètent fortement les services de sécurité occidentaux. Plus tôt dans l’année, le général Carter Ham, le haut commandant des forces américaines en Afrique, a mis en garde contre la triple menace AQMI, Boko Haram et Al-Shabbab.
« Ce qui me préoccupe vraiment, ce sont les signes qui indiquent que ces trois organisations cherchent à coordonner leurs efforts », a-t-il déclaré l’Africa Center for Strategic Studies, basé à Washington, en juin dernier.

Global Post / Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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