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Shirin Neshat: «Le Printemps arabe a exacerbé la confrontation hommes-femmes»

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Fervente admiratrice du travail de l’artiste d’origine iranienne, Shirin Neshat, Olivia Phélip revient sur le sens de ses dernières oeuvres, «The Book of Kings » et «OverRuled», exposées à la Galerie Jérôme de Noirmont, à Paris. Une mise en scène à la pureté en noir et blanc, rythmée comme une tragédie antique. 
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Shirin Neshat, silhouette de liane sombre, animée par un regard de braise souligné de noir, présente à la Galerie Jérôme de Noirmont, ses dernières œuvres, «The Book of Kings », ainsi qu’une vidéo, « OverRuled »

Ici, elle se sent chez elle, depuis que le galeriste parisien l’a découverte il y a quinze ans, avant qu’elle ne devienne la star internationale que le monde entier adule, couronnée d’un Lion d’or à Venise en 1999 pour son œuvre vidéo « Turbulent » et célébrée par de nombreux musées, comme le Whitney (New York) ou la Tate Modern (Londres).

Une vie entre Iran et Occident

Shirin Neshat est née en Iran, qu’elle a quitté pour faire ses études d’art aux États-Unis. Lorsque la Révolution a éclaté, elle est restée en Amérique, sa terre d’adoption. Très vite son inspiration est portée par la tension entre ces deux cultures, l’interrogation de l’universel derrière le contingent historique, la puissance du signe, contre l’obscurantisme du non-sens. Lorsque j’ai découvert le travail  de Shirin Neshat sur la femme, j’ai reçu un choc esthétique, mais aussi, j’ai tout de suite ressenti la puissance du message. J’ai pensé que si, certes, on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments, on peut cependant construire une oeuvre d’une beauté saisissante, tout en véhiculant un témoignage puissant. Depuis, je suis le travail de Shirin Neshat comme on suit un regard qui éclaire sur le monde. Comme le dit l’illustratrice et réalisatrice Marjane Satrapi, que nous avons pu interviewer, « Shirin Neshat a été une pionnière, elle a ouvert la voie aux autres artistes iraniens. » >>Visionner l’interview en vidéo de Marjane Satrapi

La femme et le silence des mots

Depuis «The Women of Allah » (de 1993 à 1997), Shirin Neshat s’est plongée dans l’ensemble des facettes de la place de la femme, autour de la fonction de son image. En juxtaposant les visages ou les corps avec les calligraphies Farsi, elle a continuellement montré combien le silence est parfois aussi la plus forte des gestuelles, comment le « verbe » est autant une œuvre qu’un message. 

L’œuvre au noir

Dans son dernier travail, «The Books of Kings », Shirin Neshat a choisi de juxtaposer hommes et femmes dans un étrange chœur. Il y a ces visages de sages, ces corps fragmentés, ces sourires rêveurs. Il y a aussi la beauté inquiétante de la guerre ou du voyage, la rupture avec le silence, les calligraphies de plus en plus imperceptibles, comme si leur présence devait elle aussi se faire plus discrète. Les temporalités se juxtaposent, le temps s’annule. Les portraits  exposés semblent parler au visiteur, galerie de visages habités, porteurs de ces alphabets qui glissent sur la peau comme une légère ombre.

Le mystère du dialogue entre les cultures et les êtres

Car, plus que jamais, Shirin Neshat, questionne le mystère du dialogue entre les êtres, témoigne de l’ombre qui se glisse derrière chacun, la lumière dissimulée en eux comme un talisman. Elle interroge aussi la violence de la confrontation des valeurs, le choc des renoncements. >>Lire notre article de présentation de l’exposition de Shirin Neshat

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Hommes et femmes après le « Printemps Arabe »

Ici, l’esthétique ne vient pas rompre la question, elle accompagne la fascination, mais la rend aussi plus troublante. En quête d’universel, les dernières œuvres de Shirin Neshat n’ont jamais autant bouleversé. Lorsque nous interrogeons l’artiste sur les raisons de ses nouvelles créations où hommes et femmes s’affrontent, se regardent, s’ignorent, Shirin Neshat nous répond : « Depuis le Printemps Arabe, la confrontation entre les hommes et les femmes est devenue encore plus forte. Je voulais témoigner de cette nouvelle situation, et montrer comment chaque être est porteur d’une parole, qui n’est pas toujours entendue ».

La vidéo qui clôture cette représentation chorale, «OverRuled», nous offre un pur moment de tragédie à l’antique, dans laquelle la poésie sonne comme l’ultime recours. Shirin Neshat signe là une œuvre qui exprime plus que jamais que l’art représente parfois l’engagement le plus absolu.

Visite guidée en vidéo de l’exposition

Informations pratiques

Jusqu’au 17 novembre 2012
Shirin Neshat. «The Book of Kings»
Galerie Jérôme de Noirmont- 36-38 avenue Matignon-75008-Paris. Ainsi que 15, rue Jean Mermoz-75008-Paris pour la projection de la vidéo «OverRuled».
>Plus d’informations sur le site de la galerie

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