Le cas d’une jeune femme de 29 ans, violée par des forces de police et accusée par la suite d’atteinte à la pudeur, provoque une polémique en Tunisie. Alors que son procès débutera dans quelques jours, les ONG et certains membres du gouvernement se mobilisent en faveur de cette victime devenue injustement coupable.
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Les associations féministes se mobilisent en Tunisie pour venir en aide une jeune femme injustement accusée d’atteinte à la pudeur par deux policiers.
Violée par des forces de police
Une polémique de plus pour la Tunisie islamiste d’Ennahda. Une jeune femme de 29 ans, violée par deux policiers dans la nuit du 3 au 4 septembre dernier, se retrouve désormais devant les tribunaux, accusée par ces mêmes policiers d’atteinte à la pudeur.
Contacté par France 24, le compagnon de cette jeune femme, présent au moment des faits, témoigne : « Trois agents nous ont arrêtés alors que nous étions en voiture », explique-t-il au téléphone. « L’un d’entre eux m’a mis des menottes en réclamant 300 dinars [150 euros, ndlr]. Il a pris tout ce que j’avais : 40 dinars [environ 20 euros, ndlr]. Et pendant ce temps, deux autres ont conduit ma fiancée à l’arrière de leur voiture et l’ont violée. »
Après la plainte, la condamnation
Après que le couple a porté plainte, les deux policiers sont placés en détention. Mais la situation finit par se retourner contre la victime. En effet, les deux policiers témoignent à leur tour et affirment que le couple se trouvait dans une « position immorale » lorsqu’ils ont été interpellés dans leur voiture, à Ain Zaghouan, dans un quartier de Tunis.
Pourtant, le jeune homme l’affirme : « Chacun était bien assis sur son fauteuil quand la police nous a interpellés ». Il ajoute même que les policiers n’en étaient sans doute pas à leur coup d’essai. Selon son témoignage à la chaîne France 24, ce dernier affirme que les policiers étaient « bien organisés », « ça ne devait pas être la première fois qu’ils sévissaient, » raconte-t-il.
Les associations se mobilisent
Mercredi 26 septembre, la jeune femme a été appelée à comparaître devant un juge d’instruction du tribunal de Tunis afin d’être confrontée à ses agresseurs.
Le procès débutera dès le 2 octobre et, d’ici-là, les associations féministes et de protection des droits de l’Homme ne comptent pas rester les bras croisés. L’Association tunisienne des femmes démocrates ainsi que la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme ont déjà appelé à la manifestation, le 29 septembre puis le 2 octobre, jour du début du procès.
Pour ces ONG, l’accusation portée contre le couple, qui risque six mois de prison ferme, vise uniquement à intimider la jeune femme afin que celle-ci retire sa plainte.
Le gouvernement face à la question féminine
L’affaire est grave et atteint le gouvernement. Depuis quelques jours, des voix s’élèvent pour protester contre l’injustice de trop. La députée Karima Souid, membre du parti de gauche Ettakatol, allié d’Ennahda, s’est soulevée contre cette décision judiciaire et a crié au scandale depuis sa page Facebook. « Depuis l’entrée d’Ettakatol dans cette coalition, je n’ai vu que l’hégémonie d’Ennahda. [… Je me désolidarise complètement de ce gouvernement. L’affaire du viol et la convocation de la victime ce matin est la goutte d’eau qui vient de faire déborder le vase. Troïka ! Je vous vomis ! »
Si le statut des femmes en Tunisie a toujours été un des plus évolué du monde arabe, grâce à la promulgation par l’ancien président Habib Bourguiba du Code du statut personnel qui instaure l’égalité des sexes dans de nombreux domaines, les femmes restent discriminées sur d’autres plans.
Récemment, les islamistes d’Ennahda ont créé la polémique en souhaitant écrire dans la Constitution la « complémentarité » des sexes plutôt que leur « égalité ».