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B. Thieulin:«La méthode des pigeons, du poujadisme entrepreneurial»

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Le mouvement de défense des entrepreneurs, lancé au début de la première semaine d’octobre sur les réseaux sociaux, ne cesse de prendre de l’ampleur. À l’origine du mouvement, le projet de loi de finances 2013 qui prévoit un alignement de la fiscalité du travail sur celle du capital.

Mouvement de défense des entrepreneurs français

« Nous sommes la conséquence de la politique anti-économique du gouvernement qui a décidé de prendre les milliers d’entrepreneurs de ce pays pour des pigeons et d’anéantir l’esprit d’entreprendre, faisant dès lors courir un risque majeur pour la France », lancent-ils sur Facebook.

Tribune en réaction dans « Libération »

Mais certains entrepreneurs ne partagent pas tout à fait leur colère et sept d’entre eux ont signé, mercredi 3 octobre, une tribune dans Libération, qui soutient le projet de réforme du gouvernement : « Nous soutenons tout ce qui va dans le sens de l’équité et de la simplification de l’impôt. Nous soutenons donc le principe de taxation égale des revenus du travail et du capital, gage de relations sociales durables au sein de nos entreprises et d’effort partagé. Nous soutenons également une réforme de l’impôt audacieuse », écrivent-ils.

L’un d’eux, Benoît Thieulin, Directeur de La Netscouade (agence Internet spécialisée dans le web social et participatif) a bien voulu répondre aux questions de JOL Press. Selon lui, le « mouvement de défense des entrepreneurs français » donne de l’entreprenariat une très mauvaise image.

Comprenez-vous la colère de ces entrepreneurs ?

Benoît Thieulin : Oui et non. Nous savons qu’il faut redéfinir la place des entreprises innovantes dans notre pays, c’est un vrai sujet, seulement il ne date pas d’hier. Je m’interroge sur la manière dont le mouvement des « pigeons » a présenté ses revendications. Le gouvernement est, en effet, allé très vite mais rien n’est vraiment finalisé. Il y aurait en effet des points du projet de loi qui mériteraient plus de discussions, mais créer un mouvement sur le mode « On nous prend notre argent » ne me semble pas être la meilleure réponse.

Vous êtes d’accord avec eux sur le principe ?

Benoît Thieulin : Le mouvement des « pigeons » a pris une ampleur qui dépasse nos frontières. Aux États-Unis, les journalistes dégradent le combat de ces entrepreneurs qui est légitime en soit. Je suis d’accord avec eux sur le fond, mais je déplore leur méthode. Je ne me reconnais pas dans ce poujadisme entrepreneurial.

Quels principaux problèmes rencontrent aujourd’hui les patrons de PME ?

Benoît Thieulin : Les patrons de PME ont beaucoup de choses qu’ils aimeraient voir s’améliorer. Il y a par exemple le crédit d’impôt recherche, considéré comme le principal outil de financement de l’innovation et de la recherche en France, cette aide a été utilisée, en grande majorité, par les grands groupes au détriment des PME, c’est vraiment dommage.

Autre chose, les PME sont aujourd’hui beaucoup plus taxées que les grands groupes, alors qu’elles créent beaucoup plus d’emplois. Oui, les patrons de PME rencontrent de nombreux problèmes en matière de fiscalité et le gouvernement doit y répondre.

Alors pourquoi ne pas participer au mouvement des « pigeons » ?

Benoît Thieulin : Je n’aime pas cette idée de représenter l’entreprenariat comme un sacerdoce, l’entrepreneur, comme une figure christique qui souffre… Comment voulez-vous que les Français aient envie de créer leur entreprise si les entrepreneurs prennent en permanence la position de victimes. Les gens vont finir par croire que l’entrepreneur se sacrifie pour son entreprise. Ce n’est certes pas facile tous les jours, mais si on a choisi d’entreprendre, c’est qu’on a le goût de l’aventure et, qu’avant tout, ça nous fait plaisir !

Le mouvement doit faire attention à l’image qu’il renvoie auprès des Français, qui auront un jour envie d’entreprendre, et vis-à-vis de l’étranger qui pourrait mal interpréter leur colère.

Pensez-vous que l’entreprenariat soit en danger ?

Benoît Thieulin : Je crois qu’on a énormément exagéré sur la politique assassine du gouvernement. Si on y regarde de près, le projet de loi ne prévoit pas exactement de taxer à 63%  la plus-value lors de la vente d’une entreprise. C’est un peu plus compliqué…

Que demanderiez-vous au gouvernement en priorité ?

Benoît Thieulin : Je demanderais une réponse globale qui stabiliserait la fiscalité des entreprises. Si le mouvement exagère, si les entrepreneurs font des confusions c’est que le système est, pour commencer, beaucoup trop compliqué. Il faut simplifier la fiscalité, la rendre lisible. On se demande même parfois si ceux qui votent les projets de loi sur la fiscalité des entreprises comprennent bien tout ce qu’ils lisent. C’est très confus.

Et puis, je demanderais de rendre plus progressive la fiscalité pour les PME, afin de soutenir les entreprises innovantes. Les PME ont besoin de stabilité.

Propos recueillis par Marine Tertrais

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