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Bilan Obama: critiques sévères d’un éditorialiste américain

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John R. MacArthur a compris le premier que la belle histoire de Barack Obama était une fable. Parce qu’il a été éduqué comme lui dans le milieu politique à Chicago, MacArthur connaît de l’intérieur le système clientéliste et corrompu des Daley, les « parrains » démocrates de la ville qui ont favorisé l’ascension du premier président métis des États-Unis.

Dès 2008, alors que les médias du monde entier s’enflamment pour le retour du rêve américain, l’auteur décortique déjà avec une grande liberté de ton la face cachée du futur président et ses compromis avec Wall Street.

Avec L’Illusion Obama, il restitue au fil de chroniques sa vérité sur le président des États-Unis. Il parle aussi du désarroi américain, de ses figures intellectuelles qui s’effacent, de l’air du temps qui ressemble trop souvent à une bourse des fausses valeurs, du bilan désastreux des opérations militaires américaines depuis des décennies.

Extraits de L’Illusion Obama, de John R. MacArthur

Maintenant que les vents politiques se mettent à souffler contre le président Obama – jusqu’à présent objet d’adoration des classes « médiatico-politiques » –, allons chercher une explication dans la littérature plutôt que chez les journalistes et les sondeurs. Pour cela, il n’y a pas mieux que l’œuvre du jeune Honoré de Balzac, expert en psychologie du pouvoir politique et de l’argent, et lui-même victime d’un surendettement personnel qui le conduisait souvent à la banqueroute. (…)

Certains Américains sont peut-être troublés par les changements subtils dans le comportement de Barack Obama. J’ai récemment remarqué un Obama franchement plus arrogant dans ses interventions publiques, un homme qui prétend pouvoir tout expliquer sans vraiment rien expliquer. Nous le voyons arriver à ses conférences de presse empruntant, comme George W. Bush, le même long tapis rouge royal. Il parle nettement trop longtemps, jouant tantôt au professeur s’adressant à des étudiants, tantôt au père s’adressant à de jeunes enfants avec une patience exagérée. Ayant critiqué la cupidité de Wall Street, il fait vite marche arrière : « Nous n’avons pas les moyens de voir un démon en chaque investisseur ou entrepreneur qui essaie de faire un profit. C’est cette ambition qui a toujours alimenté notre prospérité, et c’est cela qui va finalement pousser les banques à prêter et à faire de nouveau bouger notre économie. »

Par contraste, voici Balzac. Dans La Peau de chagrin, publié en 1831, il met en scène Rastignac, partisan du « système anglais » des finances, une théorie corrompue très semblable au système du libre marché actuel en Amérique. Le protagoniste du roman, Raphaël, raconte comment son ami Rastignac « voulait absolument lui établir un crédit et lui faire faire des emprunts, en prétendant que les emprunts soutiendraient le crédit. Selon lui, l’avenir était de tous les capitaux du monde le plus considérable et le plus solide ». Bernard Madoff, bouc-émissaire du système financier américain, n’aurait pas dit autre chose aux clients qu’il invitait à participer à sa combine Ponzi. En effet, Rastignac propose que Raphaël fasse confiance à ce genre d’escroc : « En hypothéquant ainsi mes dettes sur de futurs contingents, il donna ma pratique à son tailleur, un artiste qui comprenait le jeune homme et devait me laisser tranquille jusqu’à mon mariage. »

Mais la naïveté d’Obama sur les bienfaits du capitalisme à l’américaine cache quelque chose de plus sinistre. Dans sa grotesque escalade en Afghanistan et avec son plan de relance qui accentue l’aide aux créanciers plutôt qu’aux débiteurs, ce prétendu bon père de famille dévoile un côté malsain qui pourrait mener à la débauche et au désastre.

Balzac précise bien que la « débauche » se présente sous des formes différentes du vice classique : « La Guerre, le Pouvoir, les Arts sont des corruptions mises aussi loin de la portée humaine, aussi profondes que l’est la Débauche, et toutes sont de difficile accès, déclare Raphaël. Les généraux, les ministres, les artistes sont tous plus ou moins portés vers la dissolution par le besoin d’opposer de violentes distractions à leur existence si fort en dehors de la vie commune. Après tout, la guerre est la débauche du sang, comme la politique est celle des intérêts. Tous les excès sont frères. » …

Le Devoir, 6 avril 2009

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