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Claude Cheysson, l’ami des peuples opprimés

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En ce jour de la célébration des funérailles de Claude Cheysson, il faut saluer la mémoire d’un homme politique rare, lucide et intègre, forgé dans l’épreuve de la Résistance. Celui qui par son courage et son esprit d’initiative lors de ses fonctions de ministre des Relations extérieures sous la présidence de François Mitterrand, restera un des chefs de la diplomatie française qui aura marqué son époque. Claude Cheysson avait une profonde connaissance du danger des extémismes, c’est pourquoi durant son mandat, la diplomatie française a adopté une attitude éclairée dans le soutien aux peuples opprimés de ce monde.

Il sera pour les nations dites alors du Tiers-monde, l’homme du dialogue et de la fraternité

Né le 13 avril 1920 à Paris, il est témoin de la tragédie de l’occupation et, révolté, quitte la France en 1943 pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Il servira dans la 2ème division blindée du général Leclerc comme officier de char au 12ième régiment de chasseurs d’Afrique. On voyait ses yeux briller quand il racontait fièrement ce retour victorieux dans sa mère patrie, et l’entrée triomphale dans la capitale de la France libérée. Il entame alors en 1948 une longue et brillante carrière de diplomate hors norme. Du Vietnam à l’Algérie, il sera pour les nations dites alors du Tiers-monde, l’homme du dialogue et de la fraternité.

En 1981 avec la victoire de la gauche, le courage, l’esprit d’initiative, le franc parler, la grande culture et la carrière brillante de Claude Cheysson, mènent François Mitterrand à le nommer à la tête de la diplomatie française qu’il dirigera jusqu’à fin 1984, avant de devenir à Bruxelles commissaire européen, chargé de la politique méditerranéenne et des relations Nord-Sud (1984-1988), puis député européen (1989-1994).

C’est en tant que ministre des Relations extérieures qu’un lien s’établit entre lui et la résistance iranienne, pour ne plus se dénouer. En ce 7 juillet 1981, il est prévenu à 4 heures du matin de l’arrivée d’un avion militaire iranien dans le ciel de France, à bord duquel se trouve Massoud Radjavi, le chef de la résistance à la théocratie au pouvoir à Téhéran. Il consulte le président Mitterrand qui lui a octroyé une grande marge de manœuvre, et autorise l’atterrissage de ce vol surprise.

Il a été de ceux et celles qui ont pris la défense de la Résistance iranienne

« Claude Cheysson avait une profonde connaissance du danger de l’intégrisme et des réactionnaires au pouvoir en Iran, c’est pourquoi durant son mandat, la diplomatie française a adopté une attitude éclairée face au fascisme religieux », a déclaré Maryam Radjavi, la présidente de la Résistance iranienne en apprenant sa disparition à l’âge de 92 ans. Une fidèle amitié et un respect mutuel s’étaient installés entre Claude Cheysson et les dirigeants de la Résistance iranienne. Soulagé de ses responsabilités ministérielles, il a continué à les rencontrer.

Dans une tribune paru dans le Figaro en février 2010, Maryam Radjavi rapportait que « Claude Cheysson m’avait demandé un jour : comment le peuple iranien, héritier d’une si grande civilisation, a-t-il pu se soumettre à un régime aussi rétrograde que celui de Khomeiny ? Je lui ai répondu que le peuple n’avait pas accepté ce régime, il lui avait été imposé, et 120 000 personnes ont été exécutées » pour l’avoir refusé. Claude Cheysson était bien convaincu, mais son grand âme humaniste ne pouvait supporter de voir un peuple, dont il connaissait la culture et la civilisation millénaires, gouverné par des barbares intégristes.

C’est précisément pour cela qu’il avait choisi de s’engager courageusement aux côtés de la Résistance iranienne qu’il connaissait parfaitement. Du reste il méprisait la propagande diffusée par les lobbies de Téhéran et les milieux ayant choisi le camp de la lâcheté. Après 2003, alors que des politiciens français au pouvoir avaient voulu sacrifier les opposants iraniens sur l’autel de la complaisance avec les mollahs, il a été de ceux et celles qui comme Danielle Mitterrand, Lucie et Raymond Aubrac ou l’Abbé Pierre, ont pris la défense de la Résistance iranienne.

Un diplomate qui ne pratiquait pas les rondeurs de la diplomatie

C’est peut-être en raison de son courage et de son franc parler légendaire que lorsqu’en 1985, lui remettant la légion d’honneur, François Mitterrand nota en souriant qu’« il est extraordinaire de voir un spécialiste de la diplomatie aussi peu diplomate », et comme l’a relevé en hommage François Hollande, « un homme politique lucide et passionné ». De 1981 à 2012, un long chemin a été tracé dans l’histoire franco-iranienne. Au-delà de l’amitié personnelle tissée avec les leaders de la Résistance iranienne, Claude Cheysson a sans doute posé les fondements d’une amitié forte et profonde entre deux nations qui seront amenées à marcher ensemble pour consolider la démocratie et les droits de l’homme dans le monde face au fléau de l’intégrisme

Claude Cheysson, un visionnaire ? L’histoire le dira. Il restera pour le peuple iranien et sa résistance l’incarnation de certains hommes politiques européens qui n’ont pas cédé au chantage et à la complaisance et n’ont pas laissé que les intérêts d’une nation, même lointaine, soient piétinés par des calculs mesquins. C’est pourquoi le souvenir de ce grand homme, de ce diplomate qui ne pratiquait pas les rondeurs de la diplomatie, restera non seulement dans l’histoire de son pays mais aussi de la nation iranienne.

 

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