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«Damsels in distress», la comédie déjantée de Whit Stillman

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Whit Stillman n’est jamais là où on l’attend. Et c’est tant mieux puisqu’on l’attend souvent longtemps ! Il a mis treize ans avant de réaliser Damsels in distress, son quatrième film après l’émouvant Last Days of Disco, et les remarqués Barcelona et Metropolitan.

Les lisières de la folie derrière les apparences de la comédie américaine classique

Ces damsels sont filmées dans un campus très Ivy League, le collège de Seven Oaks, avec ses bâtiments aux colonnes néo-classiques, et ses Fraternities désuètes, univers que connaît bien le cinéaste, puisqu’il fut un ancien de Harvard. Au début, on se dit qu’on va se retrouver dans une de ces traditionnelles comédies américaines, qui va plancher sur les déboires d’une jeunesse en quête de destin. Puis, très vite, on découvre que tout ce qui se réfère aux codes du genre est totalement détourné, dans une dérive sémantique qui flirte avec la douce folie. Comme le dit l’héroïne, jouée admirablement par Greta Gerwig : « Je ne fais pas une dépression, je pars en vrilles ». Vrilles qui riment avec quadrilles, petites béquilles, et jeux de filles, qu’elle partage avec ses deux amies qui jouent au Club des trois ou plus si affinités.

L’inspiration de Truffaut et de Rohmer, comme une mise en abyme

Il y a dans ce trio de Damsels in distress une fantaisie, une fraîcheur, un verbiage démonstratif où l’art de la conversation emprunte à FrançoisTruffaut et à Éric Rohmer, nombre de ses inspirations les plus poétiques. Rien d’étonnant de la part du réalisateur qui a vécu dix ans à Paris et qui connaît sa cinéphilie française comme sa caméra. Quand il évoque Baisers volés dans le film, l’allusion est volontaire, même si fugitive.

Les télescopages du temps

Nous sommes ici dans les années 2000, mais les années 1960 ne sont pas loin, comme une référence fantasmatique d’un univers qui tourne à vide, un bonbon acidulé qui s’est cassé sous les dents de lait. Surprises et clins d’œil font beaucoup rire, comme sourire. Tous les personnages en prennent pour leur grade, dans une scénographie primesautière et faussement dramatique. Même la jeune étudiante fraîchement débarquée, qui est censée incarner le point 0 de la normalité se trouve vite entraînée dans une dérive du réel, où tout devient possible, surtout si cela est improbable, parce que le verbe même le plus absurde le démontre avec brio – surtout quand il s’agit de civilisation cathare, mais nous n’en dirons pas davantage…

Quand l’absurde rejoint le rythme de la danse

Ces Damsels, qui semblent sorties d’Alice au pays des sophistes aiment édicter des règles de manière péremptoire et assèner avec conviction un corpus de principes arbitraires et loufoques. Et puis il y a la musique, la danse, cette énergie que les protagonistes projettent pour construire leur monde à l’intérieur d’un univers sans issue. On pense aussi à l’univers d’un Woody Allen qui serait passé par la centrifugeuse Whasp. Pendant que ces jeunes filles en pleurs se consolent avec une belle robe et un pas de cha cha cha, ( ou plutôt de sambola, la chorégraphie inventée par le réalisateur), il règne dans ce film inclassable une sorte de grâce burlesque qui n’est pas dépourvue de tendresse. Oui, parfois, comme nous l’intime Whit Stillman, le secret du bonheur réside dans une jolie cabriole sur le fil de la vie, qui fait tourner les têtes et les cœurs… Pour le plus grand bonheur des spectateurs. 

La bande-annonce du film

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