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Débat présidentiel: et si on changeait le format?

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Où était le président Obama à Denver ?

Le débat public de mardi 16 octobre a porté à un niveau encore plus évident la question qui reste suspendue en l’air depuis la première rencontre Obama-Romney, il y a deux semaines : où était le président Obama à Denver ?

Mardi soir, il était certainement là. Et tout comme les partisans d’Obama étaient bien conscients qu’Obama avait pris un coup à Denver, les supporteurs de Romney savaient qu’Obama était le gagnant du second débat.

Mais il y a une grande différence entre la victoire de Romney et celle d’Obama – et ce n’est pas à Obama que revient l’avantage.

Le « nouveau » Romney

En se rendant au premier débat, beaucoup d’électeurs voyaient Romney comme quelqu’un de maladroit, déconnecté de la réalité, mal à l’aise dans sa peau à 250 millions de dollars. Obama n’a pas seulement perdu le débat ce soir-là après une performance somnolente, il a, au contraire, laissé Romney se montrer – et pour la première fois pour beaucoup – engagé et authentique.

Et ce nouveau Romney, le Romney que plusieurs sondages ont placé en tête des sondages pour le débat de mardi dernier, ne va pas disparaître. Obama a plus que regagné ses lettres de noblesse. Mais Romney était, et restera, le nouveau Romney – un adversaire beaucoup plus puissant pour Obama que celui qu’il a affronté avant le débat de Denver. Ce qu’Obama a perdu en laissant Romney briller, il ne pourra jamais le retrouver.

Des débats préfabriqués

Il y avait effectivement quelques réelles questions de fond – les problèmes des femmes, l’immigration, et plus particulièrement, les assassinats de Benghazi. Et Obama a gagné sur toutes ces questions. Mais le problème avec ces débats reste le format. Que ce soit Jim Lehrer qui pose les questions, disparaissant ensuite docilement derrière sa table en bois, ou que ce soit un groupe de locaux de Long Island, géré par Candy Crowley, qui pose des questions déjà approuvées, le format permet aux deux candidats de répéter indéfiniment leurs petites formules apprises par cœur. Pour Romney, c’est son plan en cinq points ; pour Obama, son soutien à la classe moyenne ; et pour les deux, ce sont les emplois, les emplois, et les emplois.

Changer le format du débat en instaurant un système de questions/réponses entre les deux candidats

Un format plus intéressant et révélateur serait de laisser chaque candidat poser à l’autre quelques questions. Romney pose une question à Obama, et après la réponse d’Obama ; Romney réfute et Obama répond à la réfutation. Ensuite, on inverse le processus. Et laisser chacun disposer de briefs avec des citations et faits réels. Bien sûr, le modérateur contrôle le temps, mais les deux candidats s’affrontent directement et disposent de faits réels pour appuyer leurs revendications. C’est ça, un vrai débat.

Imaginez si Romney pouvait poser les quatre questions suivantes à Obama :

1) Lorsque vous êtes arrivé au pouvoir, vous aviez promis de faire passer le chômage en dessous de la barre des 6%. Il est à peine en dessous des 8%. Pour vos deux premières années au pouvoir, vous avez eu un Congrès démocrate, alors qu’est-ce que vous et les démocrates avez raté, et pourquoi ?

2) Le déficit a augmenté de plus de 4 milliards de dollars durant vos quatre premières années de présidence. Les agences de notation ont réduit notre note. Que s’est-il passé et comment allez-vous y remédier ?

3) Vous avez promis de fermer Guantanamo. Était-ce juste une promesse naïve d’un candidat sans expérience, ou y a-t-il une autre raison pour laquelle vous avez manqué à votre promesse ?

4) Pourquoi avez-vous laissé la Chine continuer de s’en tirer avec la sous-évaluation de sa monnaie qui entraîne une perte encore plus grande d’emplois américains ?

Et Obama à Romney :

1) Vous attaquez l’« Obamacare », mais il est calqué sur le programme de soins de santé que vous avez créé pour le Massachusetts. Les dépenses de santé continuent d’augmenter plus vite que l’inflation. Plus de 40 millions d’Américains n’ont pas accès aux soins de santé. Quelle est votre suggestion ?

2) Pouvez-vous s’il vous plaît préciser votre approche sur l’immigration – comme traiter avec les 12 millions d’immigrants illégaux déjà présents sur le territoire, et avec les enfants d’immigrants illégaux ?

3) Vous voulez retirer les fonds au Planning familial. Etes-vous d’accord avec la position du parti républicain contre le droit des femmes à choisir ?

4) Vous avez été vu sur une vidéo accusant les 47% d’Américains au chômage de vivre sur l’indemnité de chômage du gouvernement. Maintenant, vous prétendez ne pas dire ce que vous avez dit ? Comment arrivez-vous à dire une chose en privé devant des grands donateurs, et une autre en public devant le reste du pays ?

Mettre en avant les différences entre les candidats

Le but d’un débat devrait être de mettre en avant les réelles différences entre deux partis qui, comme le Congrès dysfonctionnel le met bien en évidence, ont des différences philosophiques explicites. Ce qui ressort au contraire est une série de platitudes pour décrire leurs propres positions et une liste d’accusations, souvent fausses ou exagérées, contre l’autre.

Comme nous entrons dans le troisième débat ce lundi 22 octobre sur la politique étrangère, à moins d’une gaffe majeure de chaque côté – l’équivalent de celle de Gerry Ford qui avait déclaré que la Pologne ne faisait pas partie du bloc soviétique –, il est difficile de voir ce qui va changer.

Seul 1% des électeurs vont faire pencher la balance le jour du scrutin

On estime désormais qu’il y a neuf « États-clés », avec une petite fraction du vote dans chacun de ces États à gagner. En extrapolant à partir du taux de participation lors de la dernière élection présidentielle, cela signifie qu’il y a moins d’un million d’électeurs dont les voix là-bas décideront qui gagnera l’élection.

Les partis et leurs comités d’action politique vont dépenser 500 millions de dollars pendant les trois prochaines semaines pour changer les esprits de 1% de nos électeurs. La démocratie est sur les rotules – mais il y a quelque chose qui cloche avec cette image. Je serais ravi d’entendre Obama et Romney nous dire comment ils comptent la relever.

Mac Deford est à la retraite après une carrière comme agent du service extérieur, banquier international, et directeur de musée. Il vit à Owls Head, dans le Maine, et se rend encore fréquemment au Moyen-Orient.

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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