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Embargo et islamisme: la Somalie dans l’impasse

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L’entrée Sud de Kismayo est flanquée de montagnes de sacs de charbon de bois, emballés et empilés en tas imposants de chaque côté de la route goudronnée. Le blocage des exportations menace maintenant de saper les espoirs d’une paix durable en Somalie.

Le groupe militant Al-Shabaab s’est retiré de Kismayo

Al-Shabaab, une organisation militante du même type qu’Al-Qaïda en Somalie, s’est retirée de Kismayo à la fin du mois dernier alors que la force militaire internationale s’y était installée. C’était la dernière d’une série de revers qui ont commencé il y a quatorze mois à Mogadiscio, la capitale somalienne.

Cela a été un revirement spectaculaire pour Al-Shabaab, qui, il y a tout juste un an, avait le plein contrôle de la capitale et d’une grande partie de l’arrière-pays. Depuis son retrait de Mogadiscio, la ville a connu une sorte de renaissance.

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Le charbon, mine d’or pour Al-Shabaab

Que Kismayo, centre économique côtier du Sud du pays, puisse faire ou non la même chose est presque entièrement dépendant des dizaines de millions de dollars de charbon posés en attente dans le port.

C’est le charbon de bois qui a contribué au financement d’Al-Shabaab. L’ONU a estimé qu’Al-Shabaab tirait, au maximum, cinquante millions de dollars par an des revenus du port de Kismayo, dont un tiers provenait du charbon. En conséquence, en février, le Conseil de sécurité de l’ONU a imposé un embargo sur la vente et l’exportation.

« L’économie de cette ville repose à 90% sur le charbon », a déclaré à GlobalPost le cheick Ahmed Madobe, ancien gouverneur de Kismayo, commandant de la milice et éminence grise régionale.

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Les commerçants demandent la levée de l’embargo

Avec le départ d’Al-Shabaab, et puisque le charbon de bois « ne peut être rendu aux arbres », Madobe défend le fait que l’interdiction devrait être levée et le charbon vendu. Les hommes d’affaires locaux, qui ont perdu des millions à cause de l’embargo, font entendre les mêmes revendications.

Un groupe de vingt chefs d’entreprise s’est réuni dans un entrepôt la semaine dernière, dans le port autrefois animé de Kismayo, pour exprimer leurs préoccupations aux nouveaux dirigeants militaires de la ville. L’armée, qui occupe maintenant Kismayo, est composée de l’armée kényane (opérant sous la bannière de la Mission de l’Union Africaine en Somalie), de la nouvelle Armée Nationale Somalienne, et de la milice des Brigades Ras Kamboni de Madobe.

Ils ont demandé une suspension de sept mois de l’interdiction du charbon pour permettre d’écouler les stocks.

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« Quand le commerce du charbon s’arrête, tout le monde souffre »

« Kismayo a été l’un des points chauds du conflit pendant les vingt-et-une dernières années. Nous n’avons eu aucun soutien du gouvernement ou de toute autre assistance, donc le charbon a été la principale source de subsistance », a déclaré un homme d’affaire qui ne voulait pas donner son nom parce qu’il entretient des liens commerciaux à la fois avec le gouvernement et avec Al-Shabaab.

« Quand le commerce du charbon s’arrête tout le monde souffre, depuis le haut jusqu’au bas de la société », dit-il.

Les officiers craignent que si les gens souffrent, gagner les cœurs et les esprits par la force d’occupation sera une tâche difficile. Les commerçants de la ville pourraient se faire des ennemis à cause de l’impasse sur le problème du charbon, offrant une ouverture à Al-Shabaab et renouvelant la possibilité d’un conflit.

« Si nous ne résolvons pas la question du charbon de bois cela nous créera de sérieux problèmes, surtout en termes de sécurité », admet un officier kényan.

La question de l’embargo sur le charbon est loin d’être réglée

En fin de compte, il appartient au Conseil de sécurité des Nations unies de lever l’embargo. Compte tenu de la bureaucratie de l’ONU et des questions que le Conseil de sécurité a déjà à gérer, il est peu probable que celle-ci soit réglée de sitôt.

Même si le Conseil de sécurité porte son attention sur l’embargo sur le charbon, il n’est pas garanti qu’il lève l’interdiction. Il n’y a aucun mécanisme en place pour éviter que les profits ne retombent dans les mains d’Al-Shabaab.

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La population craint un retour d’Al-Shabaab

Bien qu’Al-Shabaab n’ait plus le contrôle de Kismayo, personne ne croit que les militants ont tout à fait disparu. Ses combattants n’ont pas été vaincus, ils se sont retirés. Les autorités pensent que beaucoup d’entre eux se sont fondus dans la population civile et représentent toujours une menace.

Anthony Ngere, un commandant du contingent kényan fort de 4000 hommes, a déclaré que les kamikazes, les attaques à la grenade, les explosifs, les embuscades et les tireurs d’élite étaient tous en haut de sa liste de préoccupations. La crainte d’un retour d’Al-Shabaab est visible parmi les habitants de la ville.

« Nous vivons toujours dans la terreur qu’Al-Shabaab ne fasse son retour », dit un homme qui n’a pas voulu être identifié. « Ils sont toujours là, se cachant parmi la population. Ils peuvent tuer n’importe qui, n’importe quand. »

Kismayo se trouve dans une situation précaire

Pour l’instant, la paix qui dure depuis un mois est maintenue en place par la solide force militaire. Les troupes kenyanes patrouillent la ville dans des voitures blindées, contrôlant tout depuis leur base à l’aéroport jusqu’au port. Soldats somaliens et miliciens peuplent les rues.

Récemment, un matin, seuls trois navires ont déchargé leur cargaison dans le port autrefois bondé de Kismayo. En l’absence de charbon de bois à transporter, ils sont revenus à Dubaï, la cale vide.

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Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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