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«Google bashing»: à quoi va conduire ce nouveau sport national?

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Plus que jamais Google fait figure en France de mauvais citoyen et d’ennemi de la culture, de la presse et même de la liberté.

Les actions conduites contre Google, et qui se succèdent de semaine en semaine, sont cependant surprenantes pour qui s’y intéresse de près.

Ces derniers jours, la CNIL s’est émue, de même que d’autres institutions comparables en Europe, des données personnelles des internautes que Google amasse et exploite pour différents usages, sans précautions particulières vis-à-vis des internautes. Des actions en justice imminentes ont été annoncées.

Google semble en effet contrevenir à plusieurs règles en vigueur en France et en Europe et y a ajouté une évidente mauvaise volonté à répondre avec précision aux demandes de la CNIL et de ses homologues.

De toute évidence, la CNIL a raison

Le seul problème… est que l’économie numérique repose chaque jour davantage sur l’accumulation et l’exploitation de données sur les internautes, dont la plus grande part sont fournies par les internautes eux-mêmes, sans qu’ils s’en rendent toujours compte.

Ces datas et, surtout, la capacité à les analyser représentent une concentration de valeur extraordinaire, Google et Facebook pour ne citer qu’eux, en tirent l’essentiel de leurs revenus, et constituent tout simplement l’un des socles de l’économie numérique dans son ensemble.

Les principes qui ont guidé la CNIL ont été écrits à une époque, pas si ancienne, où rien de tout cela n’existait

Sans rien excuser de l’attitude et de la mauvaise volonté de Google, sans rien remettre en question de la nécessaire protection des libertés individuelles, la question ne se pose pas moins de réfléchir à l’adéquation et à la mise en œuvre en 2012 de règles imaginées pour l’essentiel à une époque où les données sur les internautes représentaient un épiphénomène en comparaison de ce qu’elles sont aujourd’hui.

Est-il possible de lutter frontalement contre ce rouleau compresseur (numérique) ou ne doit-on pas plutôt chercher à composer avec lui et à l’amender ?

En clair, la CNIL a raison et Google a certainement tort, sauf que le monde numérique a changé plus vite que les institutions, que le numérique est entré dans la vie quotidienne de centaines de millions de citoyens dans le monde entier et que je me permets de douter que des règles édictées il y a quelques années soient applicables en l’état.

Comment écrire de nouvelles règles destinées à encadrer ces développements massifs tout en étant applicables me semble le vrai défi.

Quelques jours à peine après cette passe d’armes, prélude d’un affrontement qui pourrait être judiciaire, Google a déployé sa défense face aux médias qui avaient réclamé avec force la taxation des contenus presse que Google reprend et indexe.

Les moyens n’avaient pas manqué pour faire résonner le bruit de ce grand combat : conférence de presse de l’ensemble de la profession… dont la presse s’est largement fait l’écho, contacts avec des confrères allemands en pointe dans la lutte, soutien implicite du ministère de la Culture, consultations juridiques au plus haut niveau pour créer une nouvelle forme de droit d’auteur, etc…

Avec quelque maladresse sans doute, Google a adressé sa réponse… à l’AFP et a annoncé que s’il devait payer pour indexer des contenus, il ne les indexerait plus dans Google News.

Tollé autant au ministère de la Culture que dans la presse, qui ont fait part de leur indignation pour ce qu’ils ont assimilé à une menace inacceptable, voire une attitude anti-démocratique.

Sans doute pensaient-ils que, en ce qui les concernait, s’unir pour demander publiquement à taxer Google n’était pas du même ressort… Et que Google accepterait sans broncher non seulement cette forme de discussion, mais également de rémunérer des ayant-droits nouvellement créés pour indexer des contenus.

J’ai déjà écrit à ce sujet dans un article précédent et n’ai aucun mérite à avoir anticipé ce qui allait survenir : payer pour indexer est totalement contraire à ce qu’est Google.

On ne peut même pas le déplorer : la nature d’un moteur de recherche, quel qu’il soit, est absolument opposée à ce concept.

Il ne me semble souhaitable en rien d’introduire des notions d’argent dans l’indexation de contenus. De toute évidence, si un moteur doit un jour payer pour indexer certains contenus, il se fera également payer pour en indexer d’autres… est-ce ce à quoi l’on souhaite arriver ?

Comment pouvait-on imaginer que Google l’accepterait ?

J’avais également dit que la presse jouait aux apprentis sorciers et prenait un risque considérable : le jour où Google n’indexera plus ses contenus, même simplement dans son service Google News, les sites de presse se videront instantanément d’une partie essentielle de leurs audiences. On estime que plus de la moitié de la fréquentation actuelle des sites en dépend. Tout ceci est du bon sens. 

va mener ce combat ?

Au Brésil, un premier exemple grandeur nature est en train de se dérouler : les quotidiens ont décidé de se retirer de Google News pour des motifs comparables à ceux des journaux français, après avoir pourtant obtenu de Google un an auparavant que les citations de Google News se limitent au seul titre des articles.

Ils en ont accepté les risques en toute connaissance de cause et se préparent à une baisse de leurs audiences, limitée selon eux notamment par le fait que Google News n’est pas si important au Brésil.

Cependant, le contenu de leurs sites web vont rester indexés sur Google News… ce qui signifie que le trafic des internautes sera redirigé désormais sur les seuls sites web des journaux et non sur le contenu issu des éditions papier. Bref, peu de différences pour les internautes, et, s’il y en a une, elle risque de se faire au détriment des contenus papier que les internautes ne seront plus incités à acheter.

Il est à noter que Associated Press avait mené un combat similaire en 2010 et, après s’être retirée quatre semaines de Google News, y était revenue.

S’il y a un combat qu’il faut mener contre les grands acteurs internationaux du numérique, il est de nature fiscale. « L’optimisation fiscale » qu’ils ont tous savamment réalisée, de manière différente mais toujours parfaitement légale, est absolument choquante.

Il est quand même très étonnant que notre gouvernement, qui lève ou imagine chaque jour des impôts nouveaux afin de réduire le déficit des comptes publics , n’ait ni trouvé ni même commencé à imaginer comment rétablir une situation qui ne serait que normale.

Entre les différents grands acteurs, ce sont des centaines de millions d’euros, peut-être un milliard, qui échappent ainsi chaque année aux filets d’un fisc que l’on a vu beaucoup plus créatif lorsqu’il s’est agi de taxer entreprises et citoyens français…

 

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