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Grégory Mahé: «L’AVC foudroie, tout se joue en une seconde»

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AVC. Accident vasculaire cérébral. Voilà le diagnostic annoncé à Grégory Mahé, rugbyman professionnel âgé de trente ans, quand il se rend aux urgences le 6 mai 2011. Trois lettres qui devraient signifier la fin de tout : d’une vie trépidante, d’une carrière de sportif de haut niveau, d’une passion pour le ballon ovale. Pourtant, après une lourde opération du cerveau nécessitant une période de coma artificiel, il n’a qu’un désir : reprendre l’entraînement. Son courage, son incroyable détermination et sa joie de vivre poussent Grégory à ne pas baisser les bras.

Envers et contre tous, il entreprend une solitaire et douloureuse rééducation. Chez lui, dans son jardin, Grégory Mahé réapprend les gestes de la vie quotidienne, mais aussi et surtout ceux qui font de lui un demi d’ouverture ayant côtoyé les plus grands. Quatre mois plus tard, le voici de retour sur les terrains 

Dans un livre Mon match contre l’AVC aux Editions du Moment, il se dévoile en évitant les poncifs et le pathos que l’on retrouve trop souvent dans ce type de témoignage. JOL Press a tenu à l’interroger à l’occasion de la Journée mondiale de l’AVC.

Racontez-nous votre expérience ?

Grégory MahéUn jour, j’étais chez moi, j’avais travaillé toute la journée au soleil dans mon jardin. En fin d’après-midi, sous la douche, j’ai eu des vertiges. J’ai cru que c’était la fatigue ou une insolation, je ne me suis pas inquiété. Dans la soirée, je me sentais comme perdu chez moi, j’avais très mal à la tête, mais je croyais vraiment que ça allait passer. Mais dans la nuit j’ai eu des vomissements et là je me suis dis que ça n’était pas normal. On m’a donc accompagné aux urgences.<!–jolstore–>

Grace à un scanner, les médecins ont vu que j’avais un important hématome dans la tête, ils m’ont alors annoncé que j’étais en train de faire un AVC. Mon pronostic vital était engagé. Les médecins m’ont alors opéré, puis m’ont mis deux jours dans un coma artificiel pour que tout cicatrise bien.

Quelles étaient alors vos séquelles ?

Grégory Mahé : J’ai eu des gros problèmes de vision à mon réveil, mais aussi une perte importante de la mémoire. Je n’arrivais plus à me repérer dans le temps et dans l’espace. Je n’avais pas le droit de conduire. Je devais réapprendre à manger et à boire. C’était vraiment difficile. Il arrivait que je me plante la fourchette dans la joue. Mais je devais m’accrocher. Je n’avais pas le choix.

Cette période de rééducation a duré trois mois. J’étais livré à moi-même, c’était très dur. Heureusement, j’étais entouré de ma copine, de ma famille et du monde du rugby qui ne m’a pas lâché.

Vous rêviez de vous remettre au sport ?

Grégory Mahé : En effet… Après ces trois mois, les médecins m’ont autorisé à refaire du sport. Mais je devais y aller tout doucement car j’avais perdu plus de huit kilos. Par-dessus tout, je voulais retourner sur le terrain ; je voulais savoir jusqu’où je pouvais aller.

Que conseilleriez-vous aux familles touchées par un AVC ?

Grégory Mahé : Sans ma famille je n’aurais peut-être pas eu la force de m’en sortir. C’est très important de se sentir entouré dans ces moments de grande faiblesse. Pendant la rééducation, on repart de zéro, on se pose alors beaucoup de questions. Est-ce que ma famille me cache la vérité ? Est-ce que je suis fou ?

Il faut apprendre à être très patient avec la personne qui subit un AVC, parce que c’est long et difficile, en particulier avec la mémoire ; je devais poser plusieurs fois par jour la même question et mes proches me répondaient très calmement toujours la même réponse. C’est dur aussi pour la fierté…

Comment s’est passé la prise en charge médicale ?

Grégory Mahé : À l’hôpital, le personnel soignant a été vraiment super. Quand j’ai vu débarquer le Dr Guillaume Boniface (neurochirurgien au CHU de Montpellier qui a préfacé le livre de Grégory Mahé, ndlr) avec sa crête et ses piercings, j’avais un peu peur mais, au final, il a été très gentil et m’a très bien opéré.

La seule chose que je trouverais à dire, c’est que j’aurais bien aimé avoir une aide médicale à domicile pendant mes trois mois de rééducation. Mes parents n’habitaient pas la même ville et ma copine travaillait, donc, la journée j’étais seul face à ma rééducation. Pour une personne qui n’aurait pas envie de se battre, cette solitude pourrait être difficile.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?

Grégory Mahé : Pendant ma rééducation, je n’avais pas de modèle, je ne savais pas quoi faire, j’étais dans le flou total. J’ai donc voulu écrire ce guide pour aider les personnes qui, un jour, se retrouveront aussi perdu que je l’ai été. Je voulais aussi dire qu’il faut se battre si on veut s’en sortir.

Aujourd’hui quelles sont vos séquelles ?

Grégory Mahé : J’ai beaucoup perdu de l’œil gauche et j’ai de nombreuses migraines. Ma mémoire est encore fragile. Je dois me concentrer en permanence, c’est très fatigant.

Pensez-vous qu’une Journée mondiale de l’AVC puisse être utile ?

Grégory Mahé : Oui, c’est important, car il faut en parler. En France, on compte un AVC toutes les quatre minutes. Et on n’en parle pas assez. Nous ne sommes pas suffisamment informés sur les symptômes et sur la prévention. Je pense qu’il faudrait mettre en place des formations comme pour le secourisme, car c’est foudroyant. En une seconde on peut sauver une vie.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

>> Lire des extraits de son livre

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