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La place de la question mormone dans l’élection américaine

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Les mormons développent dans 185 pays leur Église de Jésus-Christ des saints du dernier jour, avec quelque 300 000 conversions annuelles. Leur prosélytisme très actif, la campagne de Mitt Romney dans la course à la Maison Blanche en 2012 et la construction de leur premier temple en France métropolitaine, réservé aux sacrements les plus élevés, traduisent ce dynamisme.

Des tables d’or que Dieu aurait confiées près de New York en 1820 à un jeune paysan, Joseph Smith, les mormons ont tiré une prodigieuse puissance financière et politique. La conquête théocratique de l’Ouest, la polygamie, une colossale entreprise généalogique pour baptiser les défunts, de vives controverses et l’impact profond d’Internet sur la stratégie de cette singulière Église comptent parmi les épisodes retracés ici, d’une incarnation religieuse et totalitaire du rêve américain.

Dans ce livre, sans parti pris ni complaisance, Alain Gillette nous aide à mieux connaître les mormons, notamment ceux des pays francophones, leur religion et leur impact sur la société américaine.

Extraits de Les mormons : De la théocratie à Internet d’Alain Gillette

Un sondage réalisé par PEW en novembre 2011[1] a conclu que :

– le facteur mormon allait jouer dans les élections primaires contre Romney, à l’époque talonné par Herman Cain et Newt  Gingrich ; il l’a néanmoins emporté ;

– mais ce facteur ne devait pas jouer pour l’élection présidentielle elle-même, le clivage démocrate-républicain à propos de Barack Obama étant jugé si brutal qu’il estompe la question mormone ;

– 50 % des électeurs à travers les États-Unis disaient alors ne pas savoir grand-chose, voire rien du tout, du mormonisme, une baisse peu significative par rapport à 2007 (52 %) compte tenu de la marge d’erreur; 51 % (inchangé) considéraient que c’est une religion chrétienne, mais très différente de leur propre religion pour 65 % d’entre eux;

– sur ces bases, le facteur mormon jouerait aux primaires mais pas perceptiblement à l’élection présidentielle elle-même.

Pour ne pas être taxé d’anti-américanisme primaire, on peut citer deux universitaires américains, dont un mormon, pour qui « l’ironie est que les suspicions que le public américain continue à entretenir à propos des mormons – leur intolérance, leur homogénéité sociale, leur religion fondée sur des révélations continues – correspondent en réalité à l’intolérance religieuse et au manque de respect pour la diversité sociale aux États-Unis[2]».

Confronté à l’intolérance il y a un demi-siècle, John Kennedy a prouvé qu’il ne prenait pas d’ordres de l’autrement puissante Église catholique américaine (distance que sa vie privée confirmait…) ni ne soutenait le réseau diplomatique du Vatican ; et pourtant, la crainte perdure face à l’hypothèse d’un président Romney qui serait sous influence politique des Saints des derniers jours, et qui apporterait le soutien du Département d’État à leur œuvre missionnaire.

La peur de la différence demeure à l’œuvre. Des responsables et des sites évangélistes américains, dont certains proclament que « Joseph Smith était sans doute un cas psychiatrique ou un menteur », écrivent pourtant que le dialogue avec l’Église est devenu très souhaitable. Les sondages donnent à penser qu’ils sont minoritaires, une majorité de ces confessions demeurant sur ses gardes, voire doutant de surcroît que Mitt Romney soit un mormon parfaitement orthodoxe et rassurant en matière idéologique. Ses résultats aux élections primaires en auraient souffert dans les États où les Églises évangéliques sont influentes et où les attaques de ses adversaires républicains ont fait flèche de tous bois antimormons.

[1] . Sondage réalisé du 9 au 14 novembre 2011, 2001 adultes (marge d’erreur globale: 3%),  Romney’s Mormon Faith Likely a Factor in Primaries, Not in a General Election,Washington, DC; PEW Research Center.

[2] Lee Trepanier et Lynita K. Newswander, op. cit., page 51.

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