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L’Amérique centrale se bat contre le trafic d’ailerons de requins

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Leader mondial de la protection environnementale, le Costa Rica a interdit l’import et l’export d’ailerons de requins non-certifiés en espérant que cela encouragera d’autres initiatives en Amérique centrale, une région hantée par une pratique destructrice de la pêche.

Une victoire pour les environnementalistes

Pendant des années, les défenseurs de la vie maritime sur l’isthme de l’Amérique latine ont mené une guerre contre le « finning » des requins, une pratique qui consiste à ne ponctionner que l’aileron du requin avant de relancer son corps par-dessus bord et ce, afin d’économiser de l’espace dans les cales, réservées à stocker ces appendices précieux sur le marché.

Désormais soutenus par les présidents et de nombreuses personnalités du continent, les environnementalistes espèrent que les choses bougent enfin.

« Nous ne tolérerons pas le finning » a ainsi déclaré le ministre costaricain de l’Environnement, René Castro, à des journalistes la semaine dernière. « Tolérance zéro. »

Le marché en or de l’aileron de requin

Quelques 400 000 requins ont été abattus en mer pour leurs ailerons l’année dernière, selon les chiffres du ministère. La plupart des produits issus de cette pèche sont ensuite expédiés vers les pays asiatiques où les consommateurs paient très cher cette denrée afin de cuisiner leur traditionnelle soupe à l’aileron de requin.

Sur un marché chinois de Chicago, les ailerons de requins sont vendus entre 100 dollars et 750 dollars par livre, selon l’espèce, alors que la viande de requin, beaucoup moins rentable, n’est vendue qu’entre 1 dollar et 5 dollars la livre.

La population de requins au Costa Rica a chuté de près de 60% depuis 1991, notamment à cause de cette pratique et de la pêche intensive, selon les chiffres de groupes de défense locaux.

« Tout cela pour un bol de soupe qui n’est même pas agréable au goût », a vitupéré le magnat britannique Richard Branson, la semaine dernière après l’adoption de la nouvelle législation du Costa Rica qui sanctionnera également tous les bateaux surpris à pratiquer du « finning » par un retrait de leur licence de pêche. « Espérons que nous réussirons à convaincre de nombreux autres pays de faire de même. »

Le « finning » interdit depuis 2001

Le Costa Rica a interdit le finning en 2001 grâce à une loi historique qui exige que tous les bateaux qui accostent au port présentent leurs ailerons de requins naturellement attachés au corps de l’animal, un règlement qui a ensuite été adopté par les autres pays d’Amérique centrale. Néanmoins, cette pratique ne s’est pas arrêtée et de nombreux pêcheurs ont trouvé des solutions pour contourner la loi.

Une petite flotte de pêche battant pavillon étranger a commencé à décharger de grandes quantités d’ailerons illégaux sur une myriade de pontons privés où il était plus facile d’échapper aux contrôles de sécurité. Pour empêcher cette dérive, une nouvelle loi a été adoptée afin d’interdire aux bateaux étrangers d’accoster dans un port privé.

Mais les importations d’ailerons de requins du Nicaragua voisin ont augmenté après cette interdiction. Le groupe de protection de la vie sous-marine Pretoma estime ainsi que près de vingt tonnes d’ailerons de requins ont été expédiées du Nicaragua jusqu’au Costa Rica en 2011. Le groupe a sollicité l’appui du législateur afin d’interdire l’importation de cette marchandise.

« Nous n’avons pas de garantie pour dire que ces ailerons qui viennent du Nicaragua n’ont pas été ponctionnés illégalement », explique Maria Venegas, député de gauche du Parti de l’action des citoyens. « Nous avons besoin de meilleurs contrôles. Si nous voulons que nos politiques intérieures et étrangères soient harmonieuses, nous ne pouvons accepter l’import d’ailerons de requins. »

600 000 kilomètres carrés d’eau à surveiller

Même avec de sévères restrictions, contrôler les vastes eaux de l’Océan Pacifique est difficile et certains doutent que le pays ait les ressources ou la volonté politique pour lutter contre les trafiquants de nageoires.

« En ce moment même, les braconniers rôdent dans les eaux du Costa Rica et les rangers n’ont pas les ressources pour y faire face », a déclaré Paul Watson, fondateur du lobby Sea Shepherd, dans un communiqué la semaine dernière. Selon lui, les puissants intérêts commerciaux chinois dans le petit pays d’Amérique latine empêcheront le gouvernement d’émettre une interdiction totale sur le commerce des ailerons de requins.

La plupart de l’activité maritime illégale n’est pas connue des autorités, particulièrement au Costa Rica qui compte 600 000 kilomètres carrés d’eaux territoriales, ce qui représente 10 fois la taille du pays, et ce qui en fait le plus grand pays d’Amérique centrale pour ses eaux territoriales.

Accord de surveillance mutuelle entre la Colombie et le Costa Rica

La présidente costaricaine Laura Chinchilla et le président colombien Juan Manuel Santos ont trouvé un accord, en juin dernier, afin d’unir leurs forces et de lutter contre le « finning », un acte qui pourrait permettre aux forces colombiennes et costaricaines de patrouiller dans leurs eaux respectives pour traquer les bateaux illégaux.

Laura Chinchilla a également annoncé la semaine dernière que son gouvernement investirait 15 millions de dollars dans un nouveau système de radar afin de permettre une meilleure surveillance en mer.

Ces récentes mesures ont été qualifiées de victoire pour la région par les groupes de défense des requins. Mais le scepticisme reste de mise et ces derniers affirment qu’ils surveilleront de très près la manière avec laquelle les autorités mettront en œuvre cette législation.

« Nous avons fait beaucoup de progrès, mais il y a  toujours beaucoup à faire », estime le président costaricain de Pretoma, Randall Arauz.

« Nous nous réjouissons pour le moment, mais à la seconde où nous verrons une seule nageoire franchir notre frontière, nous ferons beaucoup de bruit. »

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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