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Le Mittelstand allemand, un modèle transposable en France?

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La France mise enfin sur les PME. C’est en tout cas le signal que le gouvernement tient à adresser en créant la Banque Publique d’Investissement. L’inspiration d’un tel outil est assumée et est à chercher outre-Rhin. En effet, le modèle du « Mittelstand » allemand est sur toutes les lèvres. Mais, est-il transposable en France ? L’avis de Julie Carmet.

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En France, le modèle allemand du Mittelstand, tissu de petites et moyennes entreprises, fascine. En effet, malgré la crise économique, les PME allemandes ont davantage développé leurs activités de R&D que les grandes entreprises. Les petites entreprises ont investi 5,1 milliards d’euros dans la recherche en 2010, soit une augmentation de 35% par rapport à 2005.

Les KMU, les PME à l’allemande

Dans le même temps, d’après le Deutscher Sparkassen und Giroverband, une association des caisses d’épargne du pays, les sociétés allemandes réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros sont parvenues a régulièrement améliorer leur situation financière (ratio de fonds propres) entre 2008 et 2010 et cette tendance s’est apparemment poursuivie l’an dernier.

Il faut bien sûr préciser que les PME allemandes sont en général plus grosses que celles des autres pays européens puisque  dans l’acception allemande, une PME (kleine und mittlere Unternehmen – KMU) doit réaliser un CA inférieur à 50 millions € et occuper au maximum 499 salariés alors que, dans la définition d’Eurostat, le seuil de CA est le même, mais le nombre de salariés plafonne à 249. Néanmoins, les PME allemandes exportent énormément en Chine, ce qui leur permet de profiter de la crise économique.

Comment faire en sorte que les PME françaises suivent ce même chemin ?

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a dégainé une première arme avec l’officialisation de la création de la Banque Publique d’Investissement (BPI). Cette institution regroupera au sein d’un même guichet plusieurs dispositifs chargés de soutenir les PME comme OséoQualium Investissement ou encore le Fonds Stratégique d’Investissement.  La BPI devra à la fois accorder des prêts aux PME et aux entreprises et investir en capital dans ces mêmes sociétés pour les « accompagner tout au long leur développement » et « les aider à soutenir l’innovation » d’après le premier ministre. En présentant le projet, Jean-Marc Ayrault a d’ailleurs cité l’exemple de la banque publique allemande KFW, qui a octroyé 14 milliards d’euros de prêts et de crédits à quelque vingt mille PME du pays depuis le printemps 2009, lors de la présentation du projet gouvernemental.

Pourtant, le modèle du Middelstand devrait être difficile à transposer en France car il repose sur des spécificités locales très fortes. Les relations entre entreprises sont très différentes en Allemagne. Les grands groupes allemands considèrent souvent leurs sous-traitants ou leurs fournisseurs plus petits comme de véritables partenaires. Dans le même sens, « quand il y a un coup dur, syndicats et dirigeants s’assoient autour d’une table et discutent ensemble »,explique à Slate.fr Pierre Zapp directeur du «French desk» de la société d’audit Mazars, à  Berlin. Cela est notamment dû à l’aspect souvent très familial des PME outre-Rhin.

Les banques allemandes soutiennent également davantage les KMU que leurs homologues françaises. « Environ 80% des PME obtiennent les financements de leur banque et 70% des sociétés effectuent la plupart de leurs opérations bancaires avec leur banque, leur caisse d’épargne ou leur caisse coopérative locale » relevaient en 2009 des économistes de la Deutsche Bank dans une note comparant la situation pour les PME à travers l’Europe et aux Etats-Unis.

Une puissance économique fédéralisée

Le fédéralisme et la forte décentralisation allemande favorisent également l’émergence de puissantes PME régionales. Alors que  l’Ile-de-France concentre presque 20% de la population du pays et près de 30% du produit intérieur brut, Berlin ne représente que 4% de la population et moins de 3% du PIB allemand. Du coup, les Länder allemands sont de véritables pôles politiques et économiques et les entreprises bénéficient de loyers bien moins élevés pour leurs bureaux et leurs entrepôts dans les capitales régionales. D’après BNP Paribas, fin 2011, il fallait compter en moyenne 810 euros par mètre carré et par an pour louer des bureaux de qualité dans le centre de Paris. La capitale économique allemande, Francfort, affiche 432 euros, tandis que Berlin est à 262 euros. Forcément, cela permet à l’Allemagne de multiplier les pôles économiques attractifs sur l’ensemble de son territoire.

L’éducation, creuset du Mittelstand

Enfin, le système éducatif allemand facilite également l’émergence du modèle du Mittelstand. Dès l’âge de dix ans les enfants sont orientés soit vers le secondaire soit vers la formation professionnelle. Les jeunes sont ainsi très tôt sensibilisés aux besoins des entreprises et celles-ci sont très présentes à l’école. C’est une des raisons expliquant pourquoi le chômage des jeunes allemands est à peine plus élevé que celui du reste de la population active : les jeunes, y compris les ingénieurs, s’intéressent beaucoup à l’industrie et donc aux PME alors qu’en France, ils sont davantage orientés vers les métiers de la banque notamment.

Il est forcément positif que le gouvernement regarde outre-Rhin et tente de s’inspirer du tissu des Mittelstand. Cependant, une stricte transposition de ce modèle est impossible en France car il repose sur des spécificités allemandes très fortes. Il revient donc à la France de créer son propre modèle avec la BPI.

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