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Le pétrole, pièce maîtresse du jeu politique d’Hugo Chavez

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Hugo Chavez, l’un des plus fervents attaquants des États-Unis, est prêt à poursuivre son rôle d’opposition au pouvoir de Washington – peu importe qui est à la Maison Blanche – en continuant d’utiliser le brut et les pétrodollars qu’il rapporte. Cela, dans le but de poursuivre sa politique radicale à travers l’Amérique latine.

Hugo Chavez a de quoi être généreux, grâce à son approvisionnement en pétrole – pas moins de 297 milliards de barils selon l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) – dont il fait fait profiter les nombreux pays de gauche du continent, alliés du Venezuela.

L’hégémonie énergétique : une position très favorable au Venezuela

Les membres du Petrocaribe, un club de petits pays d’Amérique latine et des Caraïbes fondé en 2005 par le président vénézuélien, peuvent acheter des hydrocarbures à tarif préférentiel.

Certains ne payent que 5% immédiatement, avec seulement 1% de profit qui peut être réglé sur une période allant jusqu’à 25 ans.

Pour beaucoup de pays membres de Petrocaribe, en particulier le Nicaragua et Cuba, l’approvisionnemet en pétrole à bas coût a permis d’élever le niveau de vie.

Otto Perez, président du Guatemala et ancien général, ne s’y est pas trompé, lui qui semble vouloir se rapprocher du Venezuela depuis l’élection du 7 octobre. Au lendemain de ces résultats, le président guatémaltèque a confié à CNN qu’il aimerait rencontrer Hugo Chavez afin de discuter de l’entrée du Guatemala dans Petrocaribe.

Le Venezuela est le quatrième plus gros importateur de pétrole aux États-Unis. En 2011, Washington a importé 951 000 barrils de pétrole par jour du Venezuela, ce qui représente un peu plus de 8% de la consommation américaine, selon l’Administration d’Information sur l’Énergie (AIE).

Une interdépendance américano-vénézuélienne

L’économie américaine serait massivement perturbée si Hugo Chavez décidait de fermer le robinet de son pétrole. En dépit du solide antagonisme entre Washington et Caracas, ce scénario semble peu probable à moyen-terme.

Si les États-Unis sont dépendants du pétrole vénézuélien, Caracas est encore plus subordonné à la consommation américaine, qui est actuellement de l’ordre de 40% de l’exportation du Venezuela, selon l’AIE.

Les exportations de pétroles de tous les pays d’Amérique latine génèrent plus de 90% de leurs revenus.

Caracas omniprésent dans l’énergie fossile américaine

Le Venezuela a aussi des enjeux dans les raffineries américaines : la chaîne de stations d’essence Citgo, basée à Houston (Texas) est une filiale de l’entreprise publique vénézuélienne Petroleos de Venezuela.

Le pétrole vénézuélien, de toute manière, est particulièrement épais et « acide », ce qui signifie qu’il ne peut être traité que dans des raffineries spécialisées, comme celles au Texas ou en Louisiane. Hugo Chavez aurait préféré faire traiter son hydrocarbure en Chine, mais cela n’arrivera pas du jour au lendemain.

Malgré leur position historiquement conflictuelle, une remise en cause de la politique énergétique des États-Unis et du Venezuela semble peu probable.

On a même pu constater un apparent réchauffement dans les relations entre Hugo Chavez et Barack Obama récemment.

El Comandante a déclaré en septembre que le président américain était une « bonne personne » et que, s’il était citoyen américain, il voterait pour lui. Un curieux soutien alors que le président vénézuélien a déclaré par le passé que Barack Obama était « la honte des Africains ». Ce récent compliment visait peut-être à séduire des Vénézuéliens modérés ou indécis, alors qu’Hugo Chavez a mené une de ses plus difficiles courses à la présidentielle.

Barack Obama a de son côté affirmé qu’il ne considérait pas le Venezuela d’Hugo Chavez comme une menace pour la sécurité des États-Unis.

Très critique envers le Venezuela, Mitt Romney, s’il était élu, aurait-il une attitude différente vis-à-vis de Caracas ?

Mais ce qui a pu changer la donne lors de la présidentielle vénézuélienne n’a pas autant d’importance dans le vote du 6 novembre aux États-Unis, alors que les Républicains sont plus que jamais à l’offensive.

« Au cours des trois années dernières années, le Venezuela est devenu une plaque tournante pour les narcotrafiquants, et s’est transformée en soutien de l’Iran au Moyen-Orient » fustige le parti républicain.

Selon le Grand Old Party (autre nom des républicains) ; « le régime actuel délivre des passeports vénézuéliens à des milliers de terroristes moyen-orientaux, ouvrant ses portes à des entraîneurs du Hezbollah, des recruteurs et des collectes de fonds ».

Si Mitt Romney était élu président, la question cruciale serait donc de savoir s’il poursuivrait sa politique anti-Venezuela ou si le républicain continuerait dans la voie de l’administration Obama, comptant sur le manne pétrolière de la République bolivarienne.

Une victoire de la gauche, mais laquelle ?

Au-delà du pétrole, la réélection d’Hugo Chavez dessine aussi la future ligne politique pour l’Amérique latine à moyen-terme.

À quelques exceptions près – Chili, Colombie et Mexique – les pays de cette région du monde sont dirigés par des gouvernements de gauche.

Les experts classent ces derniers dans deux catégories : les modérés, favorables à l’économie de marché et respectueux des principes démocratiques comme la liberté de la presse et l’indépendance de la justice ; et des plus autoritaires, qui ne tolèrent pas d’opposition et son fermement opposés aux États-Unis.

Henrique Capriles représentait une solution alternative. Celui qui a perdu aux élections vénézuéliennes du 7 octobre face à Hugo Chavez avait promis, par exemple, de mettre fin aux aides sociales accordées spécialement aux membres du parti.

Poursuivre la révolution bolivarienne 

Il souhaitait également éloigner le Venezuela de Cuba, de la Russie et de l’Iran, proclamant que son arrivée au pouvoir placerait Caracas dans le club des démocraties.

Mais ces plans ne sont pas pour tout de suite, Hugo Chavez tenant encore le pays pour six ans. Au terme de ce mandat, le Président aura passé vingt ans au pouvoir

Le peuple vénézuélien attend de lui qu’il approfondisse sa révolution « bolivarienne » – en référence à Simon Bolivar, le héros de l’indépendance de l’Amérique latine au XIXème siècle, alors sous contrôle espagnol -, qui a déjà introduit nombre de politiques socialistes, comme des nationalisations d’entreprises et une aide massive pour les plus démunis.

Comme le souligne le journaliste Marco Siuentes dans le journal péruvien La Republica : « L’Amérique latine ne se divise pas entre droite et gauche, Blancs ou Noirs, mais plutôt en démocraties et en dictatures ». Et d’ajouter : « Entre les pays qui ne sont pas parfaits, mais garantissent un minimum de liberté pour décider de la direction à suivre, et ceux qui pensent être parfaits et ont décidé qu’il fallait les suivre sans mot dire ».

La victoire d’Hugo Chavez, au moins à court terme, semble l’avoir renforcé et gelé le processus de démocratisation en cours.

Global Post/ Adaptation : Alexis MAMOU pour JOL Press.

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