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L’Europe de la défense, un projet qui reste chimérique

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De quoi s’agissait-il exactement ? De faire le premier groupe mondial de l’aéronautique et de défense en unissant les forces d’EADS très bien placées dans les avions civils avec Airbus et de BAE Systems, champion des systèmes de défense. L’idée avait vraiment du sens et aurait placé Boeing second sur l’échiquier mondial. Au fur et à mesure de l’avancée des négociations, on s’est aperçu que l’idée suscitait une grande perplexité.

D’abord, il fallait régler le problème de la participation des États dans la nouvelle entité : 15% du capital d’EADS sont dans les mains du pouvoir français, socialiste en plus, ce qui « gênait » les tenants britanniques du tout libéralisme. Il y avait aussi les 7,5% détenus par Lagardère qui n’a jamais caché  qu’il voulait sortir de la société. Arnaud Lagardère a d’ailleurs été le premier à tirer sur les négociateurs espérant valoriser au mieux ses 7,5%. C’est ce qui s’appelle jouer « perso ». Du côté de Londres, on a aussi rappelé que BAE fait la moitié de son chiffre d’affaires grâce aux commandes du Pentagone américain. Il y avait donc nécessité d’avoir le feu vert de l’administration Obama. 

En Europe, l’industrie de défense dépend des États…

Mais ce qui a précipité la chute du trio, c’est l’attitude de l’Allemagne qui, curieusement, a eu peur d’être marginalisée dans l’accord. C’est vrai que Tom Enders, pourtant de nationalité allemande, proposait que les deux sièges de la nouvelle société soient situés à Toulouse et à Farnborough, près de Londres. Munich disparaissait dans l’organigramme. Pas facile à avaler de l’autre côté du Rhin. Du coup, Tom Enders n’est pas loin de passer pour un traître dans son pays. Et qui dit fusion dit forcément économies, le nombre de salariés faisant office de variables d’ajustement, Mme Merkel n’a pas voulu prendre le risque de voir ses troupes amputées et elle a dit « Nein ».

Aujourd’hui, force est de constater que l’Europe de la défense n’est pas prête de se faire. BAE peut rester dans l’orbite américaine si Washington le souhaite. Mais BAE n’a pas la taille crique et et devient opéable. Une société « amie » américaine pourrait  se charger de la besogne ; en ce qui concerne EADS, le carnet de commandes d’Airbus permet d’envisager l’avenir avec sérénité, et l’échec du ménage à trois, s’il ne remet pas en cause l’implantation d’une usine aux États-Unis, donne un coup d’arrêt à la volonté de rééquilibrer l’entreprise avec plus d’activité militaire.

Le grand perdant dans l’affaire s’appelle Tom Enders. Va-t-il rester, peut-il rester patron d’EADS ? Rien ne l’indique pour l’instant. Tom Enders, Allemand au caractère bien trempé, adepte du parachutisme, a  conduit le dossier en chef de commando, mais il a sous-estimé l’idée qu‘en Europe, l’industrie de défense n’est pas une industrie comme une autre, elle dépend des États. Ajoutez à cela les rivalités franco-allemandes que l’ancien président Louis Gallois avait réussi à apaiser, voilà comment un excellent chef  de commando est tombé en rase campagne, les armes à la main.  

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